Le croirez-vous ? Hormis un séjour il y a fort longtemps dans le golfe du Morbihan, et quelques rares passages à Nantes, nous n'étions jamais venus en Bretagne. Faut dire, Koka vous expliquerait cela mieux que moi, que nous, provinciaux, nous sommes parfois vaguement sectaires, et Océan pour Océan, nous sommes persuadés que le temps au-dessus de la Loire est forcément pluvieux. Mais quand nous avons trouvé le stage de Lydia, nous étions prêts à toutes les audaces pour qu'Alter puisse bénéficier de sa pédagogie particulièrement stimulante. Je vous ai, en son temps, raconté leur rencontre, et Alter a découvert avec elle, en une seule leçon, des ressorts ignorés, et, piqué par ses remarques, une motivation qui l'a fait, en un mois, progresser avec ardeur !
Toujours est-il que nous, les timorés du départ estival, les angoissés du bord de mer, les mysanthropes de l'agitation aoutienne, nous avons bravé le "vendredi noir dans le sens des départs et rouge dans le sens des retours" pour arriver à temps pour le concert de clôture du stage que Lydia dispensait la semaine dernière et auquel Alter n'avait pu s'incrire tant il était surbooké. Alter prendra des cours durant le Festival "Musiciennes à Ouessant", festival dont j'aurai tout le temps de vous parler dans les jours à venir car il va constituer le principal relief de mon séjour ouessantin.
De rouge ou de noir, point trop, voire pas du tout, la route était si calme que nous sommes arrivés au Conquet avec 3h d'avance, ayant prévu ce temps de battement au cas où nous aurions été coincés dans des embouteillages. Quand je vous dis que nous sommes un peu sauvages ! Passé le muret de l'allée du Clair de Lune, on a l'impression irrésistible que le monde est terrifiant ! Traversée agréable, découverte de notre île avec un immense plaisir, tranquille, sauvage, superbe, tout ce que finalement nous adorons, surtout en août ! Et si le temps doit être maussade, qu'importe finalement !! Je vous assure, on a parfois des blocages dont on se demande bien pourquoi ils sont si bien arrêtés dans notre petite cervelle !
Donc bonne humeur de rigueur malgré le crachin. Notre hôtel, le Ti Jan Ar C'hafé (Chez Jeanne qui buvait beaucoup de café) est un hâvre de paix, aménagé avec goût et pourvu, comme pas mal de lieu dans l'île, d'un environnement délicieux. Notre hôtesse, Odile Thomas, est accueillante et ouverte, franche et joviale, un vrai plaisir.
Notre chambre, plus orange tu meurs, est parfaite : spacieuse, agrémentée d'une terrasse délicieuse dès qu'un rayon de soleil pointe le nez, bref un endroit idéal pour y passer une semaine. Mais si, il fera beau, c'est certain !!
Dès notre arrivée nous avons voulu faire le tour du village de Lampol mais trouver à dîner était moins simple qu'il peut y paraître ! La crêperie recommandée était fermée le vendredi, le restaurant conseillé était complet, bref, nous avons atterri dans la crêperie bouquinerie du village le Keo. Il paraît que les crêpes n'y soient pas au top, mais d'une part, nous n'y connaissons rien en crêpes, donc ne sommes pas trop difficiles, et surtout, nous avons commencé le repas par un Pommeau, une mistelle dans le genre du Pineau, mais aux pommes, qui nous a mis carrément pompettes. D'où un certain bien-être, d'autant que les propriétaires du Keo sont charmantes, et que le lieu est pour le moins original, tapissé de bouquins qu'on peut lire en dînant. C'est ainsi que j'ai infligé à ce pauvre Alter, qui n'osait protester, la lecture des dictées et récitations moralisatrices d'une grammaire de cours élémentaire datant de 1916. Vous imaginez la teneur de ces textes !
L'église accueillait donc le concert de fin de stage qui nous a permis de rencontrer ceux à qui Alter va succéder. 8 d'entre eux avaient accepté le challenge d'interpréter en public leur travail de la semaine, et pour certains, c'était leur première prestation devant des specateurs. Stagiaires de toutes origines, tous amateurs mais d'un excellent niveau. Certains retraités, certains tout jeunes, d'autres encore en activité. Bernard, Claudine, Simon, Edouard et les autres nous ont conquis par leurs prestations : même si certains avaient choisis des morceaux trop difficiles, prenant, comme souvent les amateurs des risques lors d'une exécution en public, tous avaient en commun le courage d'aller au bout, et, c'était très frappant, une remarquable musicalité. Une façon très particulière de mettre le chant en avant, de donner du relief à la partition. On sentait là, forcément, la "patte" de Lydia, exigeante, pointilleuse et obtenant de ses élèves le meilleur d'eux-mêmes.
L'après-concert, petit vin rouge partagé en grignotant du saucisson et en évacuant le stress, nous a permis de parler avec eux, de recueillir leurs impressions sur cette semaine de stage qui les laissait épuisés mais heureux. Tous sont des habitués, et je pense qu'Alter va devenir lui aussi ouessantin du mois d'août !