Entre 1418 et 1423 donc, Guido da Fiesole devient Fra Giovanni. Plutôt que de me livrer à une étude trop détaillée de son oeuvre et du parcours de l'exposition, qui risquerait de tourner rapidement à la démonstration pédante, je vais me contenter de détailler quelques œuvres ou thèmes, pour le plaisir de me noyer encore une fois dans leurs savoureux détails (le "clicage" sur les photos de l'article vous permettre de mieux profiter de ces détails !)
Pour commencer, comme le fait l'exposition, une enluminure parmi d'autres car Fra Angelico a décoré de nombreux recueils. En effet, après s'être associé en 1417 avec un enlumineur bien connu, Battista di Bagio Sanguini, il a continué, sa vie durant, à pratiquer le genre. Et il le fait avec une minutie, un sens de l'anecdote et une rigueur morale qui sont de tout premier ordre.
Cliquez !!! vous aurez toutes les photos de l'article en diaporama, et, même si elles ne sont pas très nettes, Angelico dans les détails, c'est fait pour être vu en grand !
Cet antiphonaire, unanimement attribué à Fra Giovanni par la critique, contient des antiennes pour le propre du temps, du premier dimanche de Carême au Samedi Saint. La page ici ouverte présente une superbe enluminure sur la lettre I (In monte olive ti oravit ad Patrem) illustrant avec précision le texte puisqu'on distingue sans peine le Christ en prière au Jardin des Oliviers. Agenouillé et implorant, le Christ est secouru par un ange qui lui présente un calice, annonce du sacrifice à venir, tandis qu'en bas de l'image Pierre, Jacques et Jean, inconscients du drame qui se trame, se reposent ! Regardez Pierre qui dort comme un bébé !
Le bas de la page explicite la suite des événements puisqu'il représente la Cène au moment où Judas accomplit l'acte indiqué par les paroles du Christ :"Celui qui a plongé avec moi la main dans le plat est celui qui va me livrer". Remarquez que le visage de Judas a été abimé par des moines sans doute offusqués du sacrilège commis par ce dernier !
Enfin, dans la marge, peints avec la verve et la délicatesse qui caractérisent le peintre florentin, 4 petits médaillons rappellent les épisodes marquant de la Passion. Il faut les lire en partant du bas si l'on veut respecter l'ordre chronologique : le lavement des pieds, où malgré la petite taille de l'image, on remarque nettement l'ahurissement de Pierre devant le geste de Jésus, puis dans le même médaillon le baiser de Judas et, en bas à droite ce vilain coléreux de Pierre qui coupe l'oreille de Malchus. Au-dessus la scène du Christ devant Pilate montre sobrement comment ce dernier préfère se débarrasser du problème en remettant l'affaire aux mains des juifs, et enfin le dernier "tondo" montre une scène qui sera souvent reprise dans l'iconographie chrétienne, la dérision du Christ, parfois simplement nommée couronnement d'épines puisqu'il s'agit d'un épisode au cours duquel les bourreaux raillent Jésus sur sa prétendue royauté. Comme souvent chez Fra Angelico la scène n'est pas très violente et se teinte d'une douce mélancolie plus propre à la méditation qu'à l'exaspération.
On retrouve cette "écriture" aérienne et pleine de verve dans certains panneaux peints comme une des deux Thébaïdes exposées à Jacquemard André. La tradition rapporte que les ermites du premier siècle de notre ère vivaient près de Thèbes en Egypte. C'est là que Saint Pacôme (292-346) fonda le premier monastère régit par les règles du monachisme et à sa suite de nombreux moines menèrent en ces lieux une vie de prière, isolée et industrieuse. Appartenant à une communauté dominicaine qui prônait le retour à la rigueur première, Fra Angelico peignit des Thébaïdes, comme un appel à une plus grande exigence morale. Ces peintures se veulent didactiques et requièrent une vision rapprochée pour en apprécier toute la teneur.
Ces scènes érémitiques n'ont pas pour cadre le désert mais le fertile delta du Nil que sillonnent des embarcations à voiles typiques de la région poussées par des vents fantaisistes. Autour, s'égrènent des histoires édifiantes, destinées à offrir des modèles exemplaires de sainteté contemplative à la vie des moines ou à un public dévot. Promenons-nous dans l'image !!
On retrouve cette "écriture" aérienne et pleine de verve dans certains panneaux peints comme une des deux Thébaïdes exposées à Jacquemard André. La tradition rapporte que les ermites du premier siècle de notre ère vivaient près de Thèbes en Egypte. C'est là que Saint Pacôme (292-346) fonda le premier monastère régit par les règles du monachisme et à sa suite de nombreux moines menèrent en ces lieux une vie de prière, isolée et industrieuse. Appartenant à une communauté dominicaine qui prônait le retour à la rigueur première, Fra Angelico peignit des Thébaïdes, comme un appel à une plus grande exigence morale. Ces peintures se veulent didactiques et requièrent une vision rapprochée pour en apprécier toute la teneur.
Ces scènes érémitiques n'ont pas pour cadre le désert mais le fertile delta du Nil que sillonnent des embarcations à voiles typiques de la région poussées par des vents fantaisistes. Autour, s'égrènent des histoires édifiantes, destinées à offrir des modèles exemplaires de sainteté contemplative à la vie des moines ou à un public dévot. Promenons-nous dans l'image !!
Un moine reçoit sa nourriture dans un panier hissé jusquà lui par une poulie, on voit un peu plus bas le personnage qui remplit le panier... Un vieil ermite chemine sur un âne tandis qu'un autre assis dans une charrette tirée par un lion bien pacifique, lit un livre rouge qu'on imagine édifiant ! Sur une dernière scène, pendant qu'un autre lion se repaît d'une gazelle égorgée, deux jeunes moines portent un vieux compagnon, toujours plongé dans la lecture !
La même scène se reproduit ici mais le vieillard bénit autour de lui. A droite, encore un moine en lecture dans une charrette mais tirée ici par une jeune recrue ! En bas à gauche le livre change de main et est confié à un visiteur barbu, en robe blanche sans doute venu chercher assistance sprirituelle. Sur la scène du bas à droite, un ermite chemine cette fois-ci juché sur un cerf, tandis qu'à gauche de la scène un quidam offre du pain à un personnage enfermé dans une cellule.
On retrouve ici la scène du panier, et sur la droite, on distingue un personnage grimpé dans un arbre. A terre, un autre semble le supplier de descendre.
Discussions, lectures, partout ces saints hommes semblent préoccupés de lire ou de parler. Ceux de la scène du bas à gauche semblent assistés par deux anges vêtus d'élégantes robes rouges. Près de ceux du bas passe un homme portant une jarre d'eau sur l'épaule : il faut bien que certains se préoccupent de l'intendance !!
Ici un moine accueille un passager sur son esquif à la voile repliée : ce dernier monte par une instable planche de bois et le moine lui tient fermement la main. A côté, alors qu'au premier plan on assiste à la rencontre fraternelle entre deux moines, l'un blanc, l'autre en brun, (on dirait presque un dominicain et un franciscain mais ce serait anachronique de le dire), un autre moine lave les pieds d'un vieillard. Sur le bord du Nil, un pèlerin s'apprête à entrer dans l'eau alors qu'au fond un cerf et une biche folâtrent. Enfin un vieil ermite en colère brandit son bâton avec de grands cris pour chasser le renard venu attaquer sa poule, bien mal en point ma foi !
On se demande si le jeune moine assis aux pieds de l'ancêtre n'est pas en train de préparer quelque nourriture dans un seau. A coté le pêcheur en équilibre instable est en train de faire une jolie prise dans son petit filet ! Plus bas, l'ermite assis à sa table et s'apprêtant à trancher du pain, est étroitement surveillé par le chien noir qui attend les miettes ! Quant à la dernière scène, elle est pour le moins surprenante, voire miraculeuse puisque le moine agenouillé est en train de traire... un cerf !!
Toutes ces scènes, et bien d'autres, entourent la scène principale de la Thébaïde, un peu décentrée sur la gauche du tableau et offerte à la méditation des spectateurs. Dans une ambiance pieuse et fraternelle, on est en train d'enterrer un de ces pieux ermites, dont on devine, à l'affliction et à la vénération dont il fait l'objet, qu'il fut un saint homme. Une auréole fait penser qu'il s'agit peut-être de Saint Pacôme.
A suivre
Billet splendide et bien tentateur qui titille mon envie de voyage à Paris début janvier ! Le titre de l'expo Angélico est si juste c'est une peinture de lumière.
RépondreSupprimerToujours érudit et passionnant. Je ne connaissais pas ces peintures plus sombres et anguleuses de Fra Angelico. Très intéressant.
RépondreSupprimerMerci Noune, en fait séduite par la palette de l'Angelico... quant au côté anguleux, c'est pour cause de Thébaïde, lieux supposés arides et désertiques ! alors vu et réinventé de la toscane, ça donne cela !
RépondreSupprimer“enluminer”, “illuminare”
RépondreSupprimerMettre en lumière
Fra Angelico n’a pas son pareil pour “illuminer” les manuscrits .
Michel-Ange, évoquant l’œuvre de Fra Angelico dit : « Ce bon moine a visité le paradis et il lui a été permis d’y choisir ses modèles ».
Merci Michelaise de nous rapprocher de Fra Angelico et nous faire découvrir une de ses facettes inconnues pour moi.
RépondreSupprimerElle est tout à fait dans le ton de l'article 1 la citation de Michel Ange Alois
RépondreSupprimerAlba tu as d'autres expos fort passionnantes, et qui sait, peut-être un jour Fra Angelico à Madrid ???!!
Tu m'as encore bluffée Michelaise ! Quel bon guide tu fais ! Je n'aurais jamais vu les détails de toutes ces peintures si tu n'en avais fait une description aussi détaillée... Un grand merci à toi.
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