lundi 16 janvier 2012

PAS LE MORAL ??


Rien ne va plus au royaume des candidats à la présidentielle : lorsque l'une d'entre eux, saisie d'un zèle méritoire en ces temps dits "de crise", propose d'ajouter des jours fériés à la liste existante dont nous avons, à tort, l'impression qu'elle est fort longue (allez donc voir celle de l'Espagne !!), tout le monde lui tombe sur le dos... A gauche comme à droite, chez les athées comme chez les croyants, et jusqu'au sein de son propre parti, de nombreuses voix s'élèvent contre l'idée de ne plus travailler durant deux journées supplémentaires pour permettre aux juifs et aux musulmans de célébrer tranquillement Kippour et l'Aïd-el-kebir. Je vous épargne les arguments des uns et des autres, de la révolte contre une charge insupportable pour les entreprises françaises jusqu'au rappel de ce qu'est cette laïcité qui fait notre fierté, en soulignant que si certains jours fériés correspondent à des fêtes chrétiennes, c'est plus par tradition que par volonté de favoriser leur célébration par nos concitoyens. Qui, on le constate de plus en plus, ne savent même plus à quoi correspond la fête de l'Ascension ni pourquoi le lundi de Pâques est férié. Pas d'Annonciation, de Vendredi Saint ou d'Epiphanie au pays de Voltaire et Rousseau, et le lundi de Pentecôte a perdu son statut de jour non travaillé puisque, s'il arrive qu'en ce jour on chôme, on devra le "récupérer" à un autre moment au nom de la séculière "solidarité" qui a remplacé, en langage politiquement correct ce qu'autrefois on nommait charité.
Mais les plus surprenants furent les responsables des religions concernés dont le manque d'enthousiasme a dû douché madame Joly elle-même. Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, s'est montré sceptique, a jugé  cette proposition "louable", pour ajouter tout de suite qu'il ne pensait pas qu'elle "puisse trouver une traduction dans le cadre législatif français". Il a d'ailleurs rappelé que "des dispositions administratives existent dans le service public pour accorder des autorisations d'absence" pour les grandes fêtes religieuses de chaque confession, mais que "cette autorisation est diversement appliquée" dans le secteur privé. Quant au Grand rabbin de France Gilles Bernheim, il a fait savoir qu'il ne prendrait position sur la proposition "que lorsque les choses seraientt claires, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui". Il a par ailleurs tenu à rajouter que "ni le Consistoire juif, ni le Grand rabbinat ne sont à l'origine de revendications en ce qui concerne un jour férié comme le propose Eva Joly", autant dire qu'il ne frétillait pas de joie à cette initiative. L'affaire a donc vite tourné court, la conclusion étant, les mots sont d'un des membres du parti de la candidate qui est resté anonyme "C'est un peu brouillon, c'est le charme des écologistes" !

Ce qui était drôle c'est que l'information qui a agité quelques heures le landerneau journalistique, tombait le jour où l'on sortait, à grand renfort de commentaires désobligeants, les chiffres du très sérieux institut économique français COE-Rexecode, selon lesquels les français seraient de gros flemmards. En travaillant 225 heures de moins qu'en Allemagne et 177 heures de moins qu'au Royaume-Uni, nous détiendrions le record du travail annuel le plus bas d'Europe, en alignant en 2010 seulement 1 679 heures de travail à temps plein  par salarié. On voit dans ces conditions l'effet désastreux qu'a eu l'idée lumineuse de madame l'écologiste, alors que tous, syndicalistes, économistes et politiques se récriaient grandement contre ces chiffres indignes ! Suspectés de partialité ou pour le moins accusée d'avoir été établis selon une méthodologie contestée, chacun y allait de sa rectification, de son redressement, de sa contestation pour avancer des données corrigées. 


Ces chiffres qui ont fait s'étrangler de colère ceux qui y voient une préparation insidieuse à la remise en cause des 35 heures, oubliaient cependant de rappeler ce qui m'a, personnellement, toujours époustouflée, que notre productivité horaire caracole toujours en tête au niveau mondial, même si elle a légèrement baissé depuis 2005, année à nous étions, en la matière, les meilleurs. 


Et bien que, selon Jean Viard * nous ne passions plus que 12% de notre vie à travailler (allongement de la durée de la vie et raccourcissement des durées de travail obligent) alors qu'en 1900 nous passions 40% de notre vie à la gagner, le travail reste pour bon nombre d'entre nous une valeur refuge à laquelle nous accordons beaucoup d'importance ! Autant dire que nous sommes, comme à l'ordinaire, à la fois très préoccupés de notre vie professionnelle, et fort soucieux de nous en extraire. Pas question pour autant de sombrer dans l'autoflagellation au motif que nous serions paresseux ou inconséquents : l'évolution des modes de vie a fait évoluer la place du travail, et nos vies, qui se sont allongées, sont devenues multiples. Pourtant les moralistes sont toujours là pour nous donner mauvaise conscience, pas étonnant dans ces conditions que la dernière nouvelle de cette veille de vendredi 13 soit assez fataliste : nous sommes, et nous restons, le peuple le plus pessimiste de la planète, 61% d'entre nous voyant l'avenir en sombre. Alors que nous nageons, individuellement, dans le bonheur et qu'une très large majorité d'entre nous se disent, envers et contre tout, heureux !! Allez sourire pour tout le monde !



* selon Nouveau Portrait de la France par Jean Viard aux éditions de l'Aube : " nous passons environ 5% de notre vie à étudier, 12% à travailler, 15% devant une télévision (NDLR et vous vous étonnez, dans ces conditions, que nous soyons atteints de sinistrose !) et 30% à dormir..." (page27) allez allez ... j'en vois qui s'agitent devant leur ordinateur... et "le reste" ??? Ben oui, nous faisons 6000 fois l'amour dans une vie, ah bon ??? "soit 6 fois plus qu'il y a un siècle, avec une productivité bébé qui, elle, s'est effondrée puisque nous ne faisons plus que 2 bébés par femme"... (page 27)... quoique ??? car voilà bien encore un chiffre qui trompe, avec nos 2 bébés par femme, nous restons, toujours en Europe, parmi les meilleurs : en 2010, notre taux de 2.01 (t'as vu Lulu, le 0.01 !!!) était le plus élevé depuis la fin du baby boom ... Comme quoi, nous ne regardons la télévision que d'un œil !


25 commentaires:

  1. Je crois que nous accordons au travail de l'importance par conscience professionnelle (mais si, mais si...) et aussi parce qu'il nous garantit une certaine indépendance, surtout lorsqu'on est une femme. Mais peut-être n'étudions-nous pas assez (dans l'étude réside une grande part de bonheur)?
    Anne

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  2. C'est sûr Anne !!! 5% seulement consacrés à l'étude, c'est peu ... et il ne faut pas se leurrer, ce ne sont pas les informations parcellaires et forcément approximatives que nous glanons à droite et à gauche, abreuvés que nous sommes de médias en tous genres, qui comblent notre soif d'apprendre !

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  3. Certains étudient en dormant, ils ne sont pas comptés dans les statistiques...et d'autres dorment en étudiant !

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  4. Joly me donne carrément des boutons ! J'attendais d'une candidate "écologiste" qu'elle nous cause d'écologie. Mais nenni, la voici qui se mêle de tout sauf de ce que j'attendais d'elle. Le drame est qu'avec le tout petit score qui lui est prédit les candidats EELV de ma région n'auront aucune chance face aux PS (simplement radiés le temps des élections) qui sont en train de se maintenir malgré l'accord.
    Je reviens sur le travail: il peut être source de structuration de la personne, de la personnalité, de "vivre-ensemble" et de culture. Culture qui n'est évidement pas celle des intellos plongés dans leur univers de livres, d'écriture et de "savoir". Suis stupéfait par le chiffre de Viard s'agissant de la télé. cela veut dire qu'il y a des gens (et pas seulement des vieux ou des cloîtrés)qui la regardent plus de deux ou trois heures par jour !

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    1. Roberto, si tu ajoutes à cela que certains, fort rares je te l'accorde, n'ont pas la télévision, tu imagines ce que cela donne !!!

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  5. Evelyne, cela me rappelle les méthodes de révision que j'utilisais au temps de mes études : nous partions à la plage, armés de nos gros polycops, et nous nous en servions d'oreiller, disant qu'ainsi, forcément, le contenu devait bien pénétrer nos cervelles paresseuses, surtout quand un petit somme venait agrémenter la journée !

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  6. Peu de temps consacré aux études, dommage !
    Quant aux 6000 fois où l'on fait l'amour dans une vie, chiffre que j'ai divisé très arbitrairement par 60 (nombre d'années de cette vie où cette "activité" semble possible (?)), cela fait donc 100 fois par an ou 8 à 9 fois par mois...
    Je trouve ces chiffres beaucoup plus parlants, qu'en penses-tu ?
    Bien que ce ne soit qu'une moyenne....

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    1. Alors Norma, j'avais quant à moi divisé par 50 (il me semblait que c'était déjà pas mal !!!) et j'arrivais à, en chiffres "lisibles" 2 fois par semaine ! Ce qui correspond peu ou prou à ton calcul Norma...

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  7. Alors Norma, j'avais quant à moi divisé par 50 (il me semblait que c'était déjà pas mal !!!) et j'arrivais à, en chiffres "lisibles" 2 fois par semaine ! Ce qui correspond peu ou prou à ton calcul Norma...
    Roberto, si tu ajoutes à cela que certains, fort rares je te l'accorde, n'ont pas la télévision, tu imagines ce que cela donne !!!
    Enfin pour finir, ces malheureux 5% d'études donnent au total 4 années sur une vie (qu'on chiffre pour faire simple à 80 ans), soit 16 années (je compte environ un quart du temps consécré à apprendre durant les années d'études, le reste étant loisir, sommeil etc) durant lesquelles on apprend, ce qui me semble peu...
    Tout ça pour dire que les chiffres de Viard sont un peu bizarres mais bon ! au moins ça suscite l'échange !

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  8. La statisticienne passe par là et voudrait faire remarquer à Jean Viard que 30% de sommeil et 15% de télévision représentent presque la moitié de notre vie gâchée... Certes, sur une vie, on ne passe que 12% du temps à travailler, mais quand on est dans les années actives, on passe environ 40% du temps "éveillé" (ie pas en train de dormir ni de regarder la télévision) à travailler (on travaille pendant 40 ans, et on en vit 80, pour simplifier !), ce qui est loin d'être négligeable ! Si on rajoute les temps de transport, qui sont, pour la plupart, considérés inconsciemment comme du travail, le total atteint 45% à l'aise... ça ne m'étonne pas qu'on apporte tant d'importance à ce travail :-)

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    1. Koka, je suis IMPRESSIONNEE, je ne sais pas comment tu es transformé 12% en 45% mais j'avoue qu'on reconnait là la griffe de la pro !!! Et dormir, ce n'est pas du temps perdu parce qu'on rêve ... certes, des rêves idiots, mais au moins on s'amuse en rêves !!!

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  9. Je ne suis pas une fanatique des jours fériés mais il m'a toujours semblé un peu anormal que les deux autres grandes religion en France ne puissent pas avoir un jour dédié
    je trouverai cela "courtois"
    Travaillant dans la formation j'ai eu à gérer des promotions ou les personnes de confession musulmane étaient nombreuses et je trouvais :
    1 ) anormale que cela soit à ma discrétion de leur accorder la fête de l'Aïd
    2 ) que le jour férié accordé remplace un jour férié actuel type 15 août
    il me semble que cela ne semble pas mettre en péril les entreprises et me semble respecter nos semblables qui ont d'autres convictions que les nôtres

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    1. Dominique, il existe une circulaire qui accorde ces jours de façon automatique dans la fonction publique et sur négociations dans le privé, mais elle est mal connue et surtout mal appliquée cette circulaire.

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  10. A-t-on chiffré le temps passé à bloguer ? Ce temps peut-il être considéré aussi comme un temps d'étude ? J'avoue apprendre beaucoup en lisant certains blogs... Cela me donne une ouverture d'esprit totalement différente...
    Bon, je me dépêche de t'écrire car le temps de sieste de mon petit-fils va toucher à sa fin et je vais attaquer un pourcentage d'activité que j'apprécie beaucoup : me consacrer à lui... :-)

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    1. Ah Oxy, tu fais tes propres stats et, finalement, c'est le mieux pas vrai !! faire ce que l'on aime faire ! bon pouponnage

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  11. Voilà pourquoi notre ancien premier ministre, Lucien Bouchard, nous traitait de paresseux. Tout s'explique : c'est l'atavisme!!!

    Pour moi qui suis encore en vacances pour quelques jours, n'en déplaise à certaines, je constate qu'ayant toujours été une tête de mule réfractaire pour ne pas utiliser un autre animal qui rime davantage avec mon nom et qui est incidemment le patronyme, que je cache donc, de la plus célèbre artiste québécoise à travers le monde, j'inverse les proportions et consacre l'essentiel de mon temps à l'étude, le temps de travail obligatoire venant d'ailleurs déranger ce que je considère comme mon véritable emploi : apprendre.

    Si je fais le compte, le travail rémunéré occupe très exactement 112jours sur les 365, ce qui est tout de même appréciable, vu mes objectifs de vie... deux sessions de 15 semaines à raison de quatre jours semaine dont je défalque au moins quatre jours de maladie ou d'école buissionnière pour laisser souffler mes étudiants en délire et me prélasser dans un musée ou autre sphère culturelle, voilà, le compte y est : (2 X 60) - (2 X 4)= 112...

    Qui dit mieux?

    Ce n'est pas ma faute, Michelaise. Je souffre d'une affection dont je ne connais pas le nom et qui est l'inverse de l'adultisme (voir le billet de Norma) et, si je travaille davantage, je n'aurai jamais le temps d'ajouter à l'italien, à l'espagnol, à l'anglais et au petit peu d'allemand que j'ai réussi à apprendre le japonais pour lire les mangas, le russe pour lire Dostoïevski dans le texte et l'arabe pour aller surprendre mes amis de Beyrouth dans ce pays dont j'entends parler depuis trente-cinq ans... Tu vois, c'est comme ça!

    Et vive la paresse pourvu qu'elle soit studieuse!

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  12. Donc j'en conclus Marie Josée ??? (ton nom reste un mystère pour moi, sauf à me pencher sérieusement sur l'énigme que tu nous poses, mais je crois avoir compris que tu n'y tenais pas !!) que tu as LE MORAL !!
    Je partage avec toi cette phrase qui me comble "le temps de travail obligatoire venant d'ailleurs déranger ce que je considère comme mon véritable emploi : apprendre" et des étudiants en délire... mais non, même pas, je suis injuste, ils sont accablés, pas très bosseurs et très gentils... et surtout pas trop nombreux. Pas les moyens, si je veux boucler le référentiel (et je dois le faire car nous avons un examen national), de prendre des jours pour aller folâtrer... j'avoue même que je fais des HS gracieusement, ce qui exaspère, à juste titre, mes collègues mais est le seul moyen de parvenir à tout entrer dans la caboche de mes chères têtes blondes, plus vraiment blondes d'ailleurs !
    Bon ton décompte est parfait, et au moins, maintenant, tu sais exactement où tu en es. Va falloir que je fasse le même décompte !!!

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  13. .bonjour,d apres un rapport si le taux de natalite est de 2,1 en france,une etude detailleé confirmerait un taux de 1,7 pour les femmes europeennes et le taux remonterait a 2,1 grace aux femmes africaines????

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    1. Il me semble que déjà, "de mon temps" c'étaient les immigrés qui repeuplaient la France !! Je parle des italiens, espagnols et autres portugais grâce à qui nous avons sans doute, en des temps de fort malthusiamisme, conservé des taux de fécondité convenable : une longue tradition d'accueil !!!

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  14. " Le travail est l'aliment des âmes nobles. "
    Sénèque

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    1. Aloïs je reconnais bien là ta philosophie stoïcienne qui vient à point pour compléter ton approche épicurienne !!! car il est de bon ton d'admettre qu'il n'y a pas contradiction absolue entre l'une et l'autre, voire qu'elles peuvent se compléter de façon profitable !

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  15. je suis allergique aux chiffres j'ai l'impression qu'ils disent ce que l'on veut leur faire dire (pardon Koka !) j'ai donc "étudier" le texte en sautant qq lignes (j'avoue, j'ai honte) juste une précision en Alsace et en Moselle le vendredi Saint est férié ainsi que la Saint Etienne (veille de Noël) je l'ai découvert quand mon fils est parti dans ces contrées lointaines ;-))
    (Josette)

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    1. Josette, Koka va te gronder, mais je ne savais pas que les alsaciens avaient un jour férié de plus que nous !!

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  16. J'adore....moi je passerais des heures à parler autour des stats....les chiffres...un jour....on comprendra que ce sont de vrais p'tits cachotiers....

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    1. Je suis sûre que c'est une idée qui va enthousiasmer Koka... non, non, pas de parler pendant des heures autour des stats, mais que le chiffres puissent être "de vrais p'tits cachotiers"

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