lundi 12 mars 2012

IL RINASCIMENTO A ROMA


Que font les Michelais en vadrouille ?? Ils mangent, vous vous en doutez, et, au grand désespoir de certains de mes lecteurs (oh oh Mandarine, tu auras "ton" article !! plus tard, faut bien avoir l'air sérieux d'abord)  ils visitent des expos !  En général l'une d'entre elles est le prétexte du voyage et les autres suivent ! A Rome, nous surveillons celles des Scuderie, toujours parfaites, et, au billet d'avion bon marché s'ajoutait l'attrait d'une exposition sur Tintoretto, alors nous n'avons pas résisté.
Mais nous avons joué de chance car Rome, en ce début mars, ne présentait pas moins de 4 expositions picturales, sobrement mais efficacement étagées dans le temps, permettant de balayer l'activité artistique romaine entre 1500 et 1670. Deux d'entre elles avaient été oportunément prolongées, ce qui nous a permis un panorama très enrichissant de cette période.
Il Rinascimento a Roma nel segno di Michelangelo e Raffaello couvrait ce qu'on appelle la seconde Renaissance, de 1500 à 1550 environ.
Tintoretto (1519-1594) offrait une excellent vision de Venise durant la seconde moitié du XVIème :  article sur Bon Sens et Déraison.
Roma al tempo di Caravaggio permettait d'approfondir l'évolution de l'art dans la capitale de 1600 à 1630, années fortement influencées par le génie de ce franc-tireur sans école mais très imité que fut Michelangelo Merisi.
Guercino enfin, 1591-1666, montrait parfaitement ce qu'il en était advenu de l'ambiance caravagesque et de l'influence prégnante du peintre du clair-obscur.


L'exposition " La Renaissance à Rome" sous le signe de Michel-Ange et de Raphaël, avait pour ambition de compléter une exposition précédente traitant du "quattrocento a Roma : renaissance des arts de Donatello à Perugino". Autant dire qu'elle balayait ce qu'il est convenu d'appeler la seconde Renaissance, une période particulièrement fertile et riche, dont les figures de proue, citées dans le titre furent les plus ardents artisans. Le XVIème siècle, encore sous l'influence de l'art magistral des maîtres XVème se déploie, à Rome, de part et d'autre de cet événement improbable et pourtant tellement dévastateur que fut le sac de Rome en 1527. Improbable car, comment imaginer que les lansquenets du Charles Quint aient pu se livrer à de telles exactions ? Et pourtant, les romains firent cette année-là les frais de la guerre permanente qui opposait les Habsbourg et les Valois. François 1er, après sa défaite de Pavie, avait renoncé à toutes ses prétentions sur l'Italie pour obtenir sa libération. Du coup, le pape Clément VII, un Médicis (Jules) se fait le promoteur d'une ligue anti-impériale appelée la Sainte Ligue de Cognac, conclue dans cette ville en mai 1526 : il a peur qu'une fois que l'Italie septentrionale sera en possession de l'empereur (qui a déjà en main l'entière Italie méridionale par l'héritage espagnol), ce dernier décide d'unifier les États de la péninsule, faisant du même coup disparaitre l’État pontifical.
L'empereur, furieux de cet arrangement, décide de monter une famille romaine contre Clément VII et les Colonna lâchent leurs troupes sur la ville dès septembre 1526. Le pape, assiégé dans sa propre ville, est obligé de demander le soutien de l'Empereur, rompant ainsi son alliance avec François 1er. Il perd cette ultime protection contre Charles Quint qui, après avoir renvoyé pour lui plaire les Colonna à Naples, a les coudées libres pour s'emparer de Rome. Ce sont 35000 lansquenets qui marchent sur la ville, défendue seulement par 5000 soldats, et rapidement la prennent d'assaut. Clément VII se réfugie au Château Saint Ange où il restera 6 mois avant de capituler et de s'enfuir à Orvieto. 
Le plus étonnant est que ces troupes en délire resteront dans la ville jusqu'en février 1528, semant partout la mort et la misère. Non payés et privés de leurs chefs (l'un d'entre eux était rentré précipitamment en Allemagne et l'autre, le Connétable de Bourbon, fut proprement occis par Bevenuto Cellini), ils abusèrent de l'usage selon lequel les mercenaires victorieux pouvaient se payer sur les vaincus, se livrant à pillages et exactions sans fin. Si l'on ajoute à cela que nombre de ces aventuriers à la solde de Charles Quint étaient luthériens, on comprend mieux pourquoi les outrages furent si violents et si longs. Ce n'est que lorsque la peste, déclenchée par les cadavres en putréfaction qu'on oubliait de-ci de là, commença à les décimer, qu'ils se replièrent enfin. Le saccage de la ville eut de graves conséquences : 20000 victimes, des dommages incalculables sur le patrimoine artistique ; les travaux de la construction de la basilique Saint Pierre furent, bien sûr, interrompus. À la fin de 1527, Rome ne comptait plus qu'un habitant sur cinq. Autant dire que ce désastre porta un grave coup au développement des arts dans la cité du pape, qui n'avait plus la tête à passer des commandes ou à soutenir les artistes.
Paul III relancera fort heureusement l'art romain : c'était un collectionneur passionné, un mécène généreux un latiniste raffiné, et il fut un commanditaire d'autant plus actif qu'il avait à cœur de gommer les effets de ce malheureux épisode.


L'exposition s'articulait donc de part et d'autre de 1527 : la période précédente, caractérisée par l'aspiration à l'harmonie et à la sérénité, rêve inachevé d'humanisme. Ce fut une période d'or, qui venait de voir se réaliser la Chapelle Sixtine et les Stanze, les chefs d’œuvres des maîtres entourés de nombreux artistes talentueux, une période passionnée par la redécouverte de l'Antique et atteinte de collectionnisme. Puis, la réforme de Luther et le Sac de Rome dont les implications politiques et morales ont des effets sur l'activité artistique, donnent un coup d'arrêt à ce bel équilibre. Pour l'anecdote, témoin ce portrait de Clément VII, jeune, imberbe, peint en 1526 par Sebastiano del Piombo qui ne fut jamais livrée à son destinataire et resta dans l'atelier du peintre, devenu obsolète car le pape, après le Sac se fit pousser la barbe en signe de deuil et de pénitence après les événements tragiques de 1527. Il ne restait plus au peintre qu'à refaire un portrait officiel du souverain pontife barbu, ce qu'il fit en 1531.


Une fois les années noires oubliées, ce sont les fastes farnésiens qui vont permettre à Rome de revivre et à ses artistes de reprendre une place de choix dans l'ambiance qui précède l'ouverture du Concile de Trente. S'ouvre alors une nouvelle forme de spiritualité, l'art adopte un langage plus moderne, élaboré, riche, élégant et raffiné. Paul III fait reprendre les travaux de Saint Pierre, rappelle Michel-Ange en lui commandant le Jugement Universel pour la chapelle Sixtine, et avec lui reviennent les grands artistes que la cour papale attire forcément. Salviati, Daniele da Volterra, Perin del Vaga, Pellegrino Tibladi et tant d'autres. L'ambiance raffinée de ce milieu artistique est fouettée par l'inventivité de Michel-Ange dont les audaces font scandale mais rendent ses contemporains plus hardis.


L'exposition se terminait par un hommage à une poétesse sensible et cultivée qui fut l'amie très proche de Michel Ange. Vittoria Colonna, femme d'un capitaine général des troupes impériales de Charles Quint mort lors d'une bataille, était veuve et s'était retirée au couvent San Silvestro al Quirinale. Elle rencontra le peintre en 1538 et entretint avec lui une véritable amitié spirituelle. Elle estimait grandement l'artiste et on pense qu'elle eut sur lui une grande influence morale. Elle lui dédia plusieurs poèmes (et lui aussi d'ailleurs) et il réalisa pour elle de nombreux dessins de sujets religieux, dont une célèbre descente de Croix, aujourd'hui perdue mais tellement admirée qu'elle fut souvent copiée.


L'exposition lui attribuait d'ailleurs cette version (dire version de Buffalo ou de Ragusa) qui, si elle n'est pas forcément de la main du maitre, est cependant de très grande qualité. La composition frappe par sa mise en place inhabituelle : la vierge au lieu d'accueillir son Fils sur son sein lève les bras au ciel, dans une attitude qui serait une allusion au nom de la destinataire : ce geste est, en effet, synonyme de "victoire" (Vittoria) et la croix, réduite à sa partie basse évoque, quant à elle, une colonne (Colonna) plantée derrière le groupe. La version originale de Michel-Ange, un dessin parfaitement authentifié, porte en outre, sur le fût de la croix, un vers de Dante : "Non vi si pensa quanto sangue costa", référence évidente au caractère rédempteur de la crucifixion.

Se con l'armi celesti avess'io vinto
me stessa, i sensi e la ragione umana,
andrei con altro spirto alta e lontana
dal mondo e dal suo onor falso dipinto.

Sull'ali della fede il pensier cinto
di speme, ormai non più caduca e vana,
sarebbe fuor di questa valle insana
da verace virtute alzato e spinto.

Ben ho già fermo l'occhio al miglior fine
del nostro corso, ma non volo ancora
per lo destro sentier salda e leggiera.

Veggio i sogni del sol, scorgo l'aurora,
ma per le sacri giri alle divine
stanze non entro in quella luce vera.


Traduction revue et corrigée grâce à Siù

Si, avec les armes du Ciel,
J’avais vaincu moi-même les sens et la raison humaine,
J’irais, avec un autre esprit, plus élevé,
Loin du monde et de ses honneurs feints.

Sur l’aile de la foi, le front ceint d’espoir,
Je ne déchoirais plus et ne serais plus vaine
J’échapperais à cette vallée indigne
Grâce à la vraie vertu, élevée et forte.

Bien que j’aie déjà entrevu
Quel doit être le cours de notre passage sur terre,
Je ne vole pas encore, ferme et légère, sur le bon sentier.

Je vois les rêves de soleil, j’aperçois l’aurore,
Mais je n’entre pas encore dans la vraie lumière
Par les détours sacrés des voies divines.

12 commentaires:

  1. "Traduction revue et corrigée grâce à Siù" est à lire : rien d'autre qu'un tout petit changement.
    J'avais surtout félicité Michelaise pour son excellente traduction.

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    1. Ah Siu, si je parlais l'italien juste un quart de ce que tu pratiques le français, je serais digne de tes louanges !!!

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  2. Cela donne envie de prendre un billet d'avion en tout cas!
    Bon je me contenterai de relire l'article en admirant les reproductions..
    Bonne soirée!

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    1. Bienvenue Eimelle !! ravie de vous faire "voyager" !!!

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    2. Ah vous voilà Eimelle, bienvenue, mais je crois que vous êtes déjà passée par là !!! on parlait de vous un peu plus bas, avec Aloïs !! billet d'avion très rentabilisé, en tout cas pour nous, pas moins de 7 expos, de quoi faire rugir Aloïs !! un vrai bonheur qui m'a fourni des billets jusqu'en avril !!!!
      Les photos ne passent pas toujours sur Mozilla ces jours-ci, mais elles sont sur Internet Explorer !!

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    3. Petite précision : Je ne consulte que sous Mozilla et je n'ai jamais rencontré le moindre problème d'affichage. Et c'est la même chose pour mon blog, il est optimisé pour être lu sous Mozilla...

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    4. Merci de ces précisions GF... va falloir que je cherche comment "on optimise le blog pour être lu sous Mozilla".

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  3. Très intéressante cette expo. J'ai failli prendre un billet AR pour Rome cette semaine pour le prochain récital de Cecilia Bartoli le 5 avril à l'accademia Santa Cecilia, mais le prix du billet de train ou d'avion était hors de prix alors que celui du récital plafonnait en 1ere catégorie à 40 euros. Bref, je m'égare et je reviens à cette expo. Tu connais sans doute le livre de Chastel, Le Sac de Rome, qui n'est plus tout jeune mais que je te conseille si tu souhaites prolonger le souvenir de cette expo. Intéressante aussi cette signature déguisée, le V de Vittoria et la colonne de Colonna! Vous avez été gâtés avec Alter! J'aurai bien voulu voir une expo comme celle-ci. En as-tu profité d'ailleurs pour aller faire un tour à la Villa Farnesina et observer les outrages et les graffitis des lansquenets sur les fresques de Peruzzi? Je suis en ce moment dans les Lettres d'Italie du Président des Brosses, tout le tome 2 est consacré à Rome, et je t'en conseille la lecture, c'est passionnant!

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    1. J'avais eu un coup au coeur en voyant Cécilia le 5... mais ce n'était pas le 5 mars, alors que nous y étions, mais le 5 avril !! prends un billet depuis la province, c'est moins cher depuis bordeaux !!!!
      Pas revu la farnesina, trop d'expos, trop de soleil... par contre un passage calamiteux à la l'académia sainte cécile justement, dont tu liras le récit sous peu !!! un truc qui t'aurait mis en rage !

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  4. Ce qui est bien ici c'est que je me retrouve petite fille donnant la main à mon père dans les musées.
    Comme j'ai oublié pas mal de choses ou peut-être ai-je voulu oublier car j'avoue que je saturais un jour je lui aurais même dit "encore des vierges j'en ai marre des vierges" eh bien je révise certaines périodes.
    Tu devrais aller jeter un oeil chez Eimelle c'est une venue chez moi ce qu'elle fait est sympa et devrait te parler,même si c'est ciblé sur Tours où elle réside

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    1. Quand je pense que nous avons fait subir le même traitement à nos deux minettes ! mais on essayait de faire ludique, du genre, il y a un singe dans cette salle, qui le trouvera la première !! et elles regardaient de tous leurs yeux ! nous regrettions tous les deux d'avoir eu des parents qui ne nous expliquaient rien, on avait rêvé qu'ils s'occupent de nous et on a fait l'inverse, forcément ! Aujourd'hui, Koka me fait la même chose "maman, tu dois trouver combien il y a de paires de lunettes dans cette salle", et je joue très volontiers !! Quant à Mandarine, il n'y a pas grand chose à Abu Dhabi mais elle suit avec plaisir les conférences de l'Ecole du Louvre. Je pense qu'elle a été plus saturée que sa soeur et qu'elle y reviendra plus tard !
      J'ai aperçu Eimelle, et me suis dit que son blog devrait m'intéresser.

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  5. je vois qu'on parle de mon petit blog, merci!
    et je vois que l'on a ajouté en même temps un lien l'un vers l'autre, merci! Je ne sais pas pourquoi, pour le mien pour que la petite image et le dernier article s'affiche, il faut indiquer le lien du rss , ce lien ci:
    http://lecture-spectacle.blogspot.com/feeds/posts/default
    à la place de celui du blog, et normalement, cela fait plus joli!
    Bonne soirée!

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