Une exposition au Louvre qu’il ne faut pas manquer si l'on a l'occasion d'y aller, en faisant preuve de patience et de confiance. Non qu'il faille faire une queue infernale : il y avait 80 personnes dans les deux expos (Rembrandt et Le Lorain) quand nous y sommes allés. Autant dire que la manifestation n'est pas "tendance". Mais quelle réussite !!
Le thème, au premier abord, est intrigant : « Rembrandt et la figure du Christ ». On retient le nom de l’artiste bien sûr, on lit en diagonale la présentation « réunion exceptionnelle d’œuvres jamais rapprochées depuis la mort du maître, un ensemble d’esquisses rares, dispersées à travers l’Europe et les Etats-Unis, réunies pour la première fois depuis 350 ans, des œuvres de jeunesse, des toiles essentielles récemment restaurées… », et l’on passe sur la phrase d’accroche un peu fumeuse qui vous promet des découvertes inédites « Peindre le Christ d’après nature… Comment cela est-il possible ? ». Il se passera forcément quelque chose avec Rembrandt, d’autant qu’on nous annonce Mantegna, Dürer, Lucas de Leyde, Rogier Van der Weyden, et j’en passe, pour nous rassurer sur le prestige de cette exposition.
Le thème, au premier abord, est intrigant : « Rembrandt et la figure du Christ ». On retient le nom de l’artiste bien sûr, on lit en diagonale la présentation « réunion exceptionnelle d’œuvres jamais rapprochées depuis la mort du maître, un ensemble d’esquisses rares, dispersées à travers l’Europe et les Etats-Unis, réunies pour la première fois depuis 350 ans, des œuvres de jeunesse, des toiles essentielles récemment restaurées… », et l’on passe sur la phrase d’accroche un peu fumeuse qui vous promet des découvertes inédites « Peindre le Christ d’après nature… Comment cela est-il possible ? ». Il se passera forcément quelque chose avec Rembrandt, d’autant qu’on nous annonce Mantegna, Dürer, Lucas de Leyde, Rogier Van der Weyden, et j’en passe, pour nous rassurer sur le prestige de cette exposition.
Dès l’entrée, la mise en scène est saisissante : une longue contemplation du Christ à Emmaüs se découpant sur fond de lumière comme une apparition prodigieuse permet de débuter l’exposition en douceur, par cette œuvre de jeunesse peinte par Rembrandt à 23 ans, et terriblement prenante.
« Reste avec nous car le soir vient », les deux apôtres qui ont fait halte à l’auberge invitent cet inconnu à dîner avec eux et soudain, l’un d’eux comprend : sa chaise est renversée sur la gauche, il s’est précipité aux pieds de Celui qu’il vient de reconnaitre. Le profil qui se détache en ombre profonde, nimbé d’une lumière surnaturelle, nous arrête aussi, saisis, et révèle la nature divine de cet inconnu, alors que le quotidien semblait être la seule dimension palpable de cette scène ténébreuse. Regardez l'ahuri du fond qui n'a pas encore compris !! Le Christ est ici sans visage, et peu à peu, le maître va lui donner vie.
Deux ans plus tard, quand il termine le Christ en croix du Mas d’Agenais (que nous avons eu la chance d'admirer in situ il y a peu), il a choisi : son Christ est douloureux, poitrine étroite, corps tordu de souffrance. Son visage est celui d’un pauvre homme qui agonise « Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». L’exposition met en parallèle d’autres Christ de la même époque, athlétiques, idéaux, fragiles… et le propos de Rembrandt dès lors paraît original.
Ses contemporains, à peine plus âgés que lui, proposent la même année (1631) deux Christ d'inspiration proche : Lievens, presqu'en symbiose avec Rembrandt, n'ose cependant pas ôter à son crucifié une dimension glorieuse. Backer, quant à lui, le dépeint avec une certaine élégance, gracile et non dépourvu de beauté. Aucun des deux n'ose aller aussi loin dans le rejet de l'archétype.
« Reste avec nous car le soir vient », les deux apôtres qui ont fait halte à l’auberge invitent cet inconnu à dîner avec eux et soudain, l’un d’eux comprend : sa chaise est renversée sur la gauche, il s’est précipité aux pieds de Celui qu’il vient de reconnaitre. Le profil qui se détache en ombre profonde, nimbé d’une lumière surnaturelle, nous arrête aussi, saisis, et révèle la nature divine de cet inconnu, alors que le quotidien semblait être la seule dimension palpable de cette scène ténébreuse. Regardez l'ahuri du fond qui n'a pas encore compris !! Le Christ est ici sans visage, et peu à peu, le maître va lui donner vie.
Ses contemporains, à peine plus âgés que lui, proposent la même année (1631) deux Christ d'inspiration proche : Lievens, presqu'en symbiose avec Rembrandt, n'ose cependant pas ôter à son crucifié une dimension glorieuse. Backer, quant à lui, le dépeint avec une certaine élégance, gracile et non dépourvu de beauté. Aucun des deux n'ose aller aussi loin dans le rejet de l'archétype.
Dans les salles suivantes, on fait le point de l’état des représentations christiques connues du début du 17ème : Van der Weyden, Mantegna, Dürer, Schongauer ou Lucas de Leyde, toutes toiles que Rembrandt connaissait et dont il s'est détaché. Ces références peignent un Christ atemporel, parfois gracile, canonique, universel, presque « joli »... parfois hiératique, sculptural et passé au filtre de l’antiquité. D'une part, une figure de Christ tragique et majestueux, d'origine principalement nordique, couronné d'épines, mais le regard terrible, celui de Dürer. D'autre part, celle d'un Christ au buste et au port d'empereur romain, celui de Mantegna et de Michel-Ange. Les peintures qu’on admire ne sont jamais stéréotypées car elles ont été réalisées par des maîtres, mais on sent que ces figures sont conformes à un idéal : barbe fine, yeux en amandes, nez allongé, beauté impassible. Idéal que les contemporains de Rubens reprennent en chœur, Rubens en tête.
Le modéle sublime mais très "normalisé" de Rogier Van der Weyden... remarquez le "tic" du professionnel : sur le globe que tient le Rédempteur, pour lui donner force et volume, Rogier a peint... le reflet de la fenêtre de l'atelier ... alors que la scène est censée se passer en plein air !
La leçon d’histoire de l’art est passionnante mais on commence à trouver qu’il y a là prétextes à poses savantes, et on se demande si, finalement, le thème de la manifestation n’est pas un peu artificiel. C’est beau, mais ne serait-ce pas vain ? D’autant que dans la salle suivante on croise des portraits de juifs par Rembrandt, certes superbes, mais où veut donc en venir le commissaire de l’exposition ??
Et soudain, dans l’avant-dernière salle en rotonde, c’est l’illumination : tout devient lumineux, évident, superbement émouvant. Le « type » s’efface soudain devant l’individu et c’est, au sens propre du terme, l’incarnation. Moi qui avais pris pas mal de notes dans mon petit carnet noir dans les salles précédentes, j’ai cessé d'écrire et noté juste un mot pour finir : « émotion ».
Cette salle explique tout. Les portraits de juifs hollandais nous annonçaient la grande idée de Rembrandt : peindre le Christ d’après nature, un vrai portrait, offrir au spectateur une communication presqu’immédiate avec le modèle. Et cette recherche picturale d’une intelligence inouïe nous laisse remplis d’admiration pour l’artiste. La présence d’un modèle permet à Rembrandt d'espérer atteindre une certaine vraisemblance de la physionomie et des vêtements du Christ, des apôtres ou des pèlerins. Il nourrit ses œuvres bibliques d'études faites d'après des habitants du quartier juif d'Amsterdam, ou simplement "orientaux" qu'il peut observer dans cette ville cosmopolite. Et la savante juxtaposition de ces toiles qui reprennent le même modèle, un voisin de l’atelier qui posa pour le maître et ses élèves, nous propulse dans la vie de la boutique hollandaise du 17ème siècle. On suit même la "carrière" du modèle chez les élèves de Rembrandt, et la lente réapparition du stréréotype après la mort du maître. Une des expositions les plus subtiles que j’aie jamais vue, un parcours, une démonstration et une mise en situation vraiment passionnantes.
Chaque fois c'est la même chose je suis complètement époustouflée par la facilité avec laquelle tu nous fais apprécier quelque chose qui au départ ne nous accroche pas beaucoup.
RépondreSupprimerSi tes élèves sont collés c'est que vraiment ils y mettent de la mauvaise volonté car quels talents de pédagogue ajoutés à tout le reste....
Lorsque l'on sait que c'est à la demande d'Alter on imagine mieux sa réaction face à Caillebotte!!!
Bon c'est bien beau tout cela mais je vais avoir du travail lorsque j'aurai fini de sillonner la Normandie!
Très intéressant, en effet...
RépondreSupprimerRembrandt est un des peintres qui me "touchent" profondément...je ne me lasse pas de ses toiles...
Ah oui, mais profite bien de la Normandie, ces expos, pour toi, c'est sur le long terme !! Oui tu as raison Rembrandt était le souhait numéro un d'Alter quand il nous a fallu admettre qu'il fallait faire un tri ! Pour autant, il a aimé Caillebotte, mais je crois que la description de l'ambiance à la Tchekov lui pèse toujours un peu.
RépondreSupprimerOui Licorne, Rembrandt est "touchant" de nature, mais là, il se passe quelque chose alors que justement on a tendance à se dire que c'est un peu trop "intellectualisé" comme thème d'expo. J'étais sceptique sur le coupage de cheveux en 4, et j'ai vraiment été convaincue...
A la Gemaldegalerie, j'ai admiré un très beau Rembrandt, Le Prédicateur mennonite.
RépondreSupprimerJ'avais admiré des Rembrandt lors de l'exposition "Turner et ses Maîtres", une lumière particulière, également...
RépondreSupprimerMais je ne suis pas attirée, alors pas du tout, par cette peinture du "religieux", en général, c'est le type de tableaux que je fuis, même si ce que tu en dis en très convaincant...
Ojectivement NORMA, la peinture religieuse est le socle de tout ce qui a suivi, comme pour le paysage qui apparait à l'occasion de scènes religieuses. Certes, nous l'avons repoussé hors des cadres et le 17ème invente carrément LA nature morte, LE paysage, LE portrait etc... mais les seules choses qu'on demandait et payait aux peintres avant étaient des scènes religieuses, on a donc du mal à zapper ! Ceci étant, je comprends ta réserve !!! Ce n'est pas toujours très "fun" ! Ceci étant, en effet, Rembrandt a une façon de traiter la lumière particulièrement époustouflante...
RépondreSupprimerJe suis , moi aussi époustouflée , Michelaise... tu es une pédagogue hors pair et je crois que tu as l'art de rendre passionnant tout ce dont tu parles ... merci beaucoup... les derniers portraits sont extraordinaires...
RépondreSupprimerAurai-je le temps????
RépondreSupprimerun petit steacker dans "per l'amore..."
Je prépare la valise
Martine de Sclos
Pas attirée par la peinture religieuse, je l'ai cependant beaucoup étudiée pendant mes études.
RépondreSupprimerUne professeure avait même qualifié un Christ de "chic" vous ne trouvez pas?
Enfin c'était une historienne qui prenait les images pour des illustrations la malheureuse.
J'aime vous lire en train de relater vos découvertes, vos questionnements.
Merci de ce beau partage, encore.
Je rejoinds Autourdupuits, tu as le don pour rendre toute chose passionnante Michelaise ! Merci pour cette marche en ta compagnie et celle de Rembrandt.
RépondreSupprimerMerci Catherine mais ce sont les commissaires de l'expo qui sont à saluer ici ! ravie de t'avoir intéressée
RépondreSupprimerMartine, bon périple parisien et si tu n'as pas le temps, ce sera que tu as vu autre chose, pas vrai !!
Miss Lemon, ta prof elle était un peu bizarre ou confite en dévotion, qui sait ??
Toujours des chroniques picturales passionnantes, je les lis avec délectations...j'aime (presque) tout en peinture c'est mon côté naif, je n'ai pas d'à priori sauf...
RépondreSupprimerdevant tant d'érudition je me permets de demander conseil, je recherche une biographie (pas trop technique !) de Michel-Ange, tout ça parce que je viens de dévorer le prix Goncourt que des lycéens ont attibué à Mathias Enard pour "Parlez leur de batailles, de rois et d'éléphants"...je m'aperçoit que je ne connais (presque) rien de la vie de ce génial artiste !
Merci et bonne soirée
(Josette)
J'ai aussi aimé Parlez-leur... Josette, et j'avoue que même si j'ai trouvé que la fin s'enlisait un peu j'ai été captivée par ce projet de pont et aussi par cette approche originale d'un grand talent. J'avoue n'avoir pas de biographie de Michel Ange... donc j'ai un peu cherché : "Michel Ange, vie et oeuvre de F. Zöllner et C. Thoenes chez Taschen(je cite) " propose une exploration en profondeur et en détail la vie et l'uvre de Michel-Ange. Les différentes parties de cet ouvrage se concentrent sur la vie de Michel-Ange à travers un essai détaillé abondamment illustré et comprend de magnifiques reproductions pleine page d'agrandissements de détails qui permettent au lecteur d'approcher au plus près des oeuvres. Ce somptueux volume s'attache également de manière inédite aux traits de caractère et à des aspects plus personnels de la vie de Michel-Ange, comme sa nature solitaire, sa soif d'argent et de commissions, son avarice, son immense fortune et son talent d'investisseur"... avec un avis de lecteur, qui après s'être extasié sur la qualité du livre (pas donné mais pas au prix d'un livre d'art :28€) ajoute "Je le conseille à tous -les textes qui analysent ses oeuvres sont simples, clairs et abordables pour tous, ceux qui nous relatent les faits de sa vie sont nourris des biographies de l'époque, intéressants et qui vont à l'essentiel-, un ouvrage somptueux qui m'a surpris en bien ; une plongée vertigineuse dans la chair vibrante de ses sculptures mythiques, ainsi que dans ses fresques qui enflamment nos yeux -par tous ses détails grossissants qui nous rapprochent de ce qui n'est pas toujours visibles dans la réalité- ; un ouvrage parfait -entre autre- pour préparer un pèlerinage sur les traces de cet artiste rare"
RépondreSupprimerDans un autre genre, "la vie ardente de Michel Ange" par Irving Stone, romancée, semble plus contestable : je cite une critique "j'ai toujours un peu de peine avec les biographies imaginaires où l'auteur se substitue à l'artiste de génie, où il comble les non-dits par ses propres désirs, bon Irving Stone suit méticuleusement le parcours de Michel-Ange depuis l'atelier de Domenico Ghirlandaio en passant par le coup de poing de son collègue Torrigiano, ses déconvenues, ses commandes non réalisées, ses combats avec les différends papes, le chantier titanesque de la Sixtine... à lire comme un roman..." mais c'est sans doute plus facile à lire je cite un autre commentaire "Ce livre permet de "vivre" michelange, de vivre avec lui sa passion, les affres et douleurs mais bonheurs aussi de la création. Un roman fort, vibrant, chaque coup de ciseau ou de pinceau de l'artiste se vit comme si l'on était soi-même à la place de michelange. Livre aussi ardent que la vie qui y est racontée". Il me semble que je choisirais le premier ??
Un très gros merci pour cette recherche. je vais voir à la Bib si le livre de la collection taschen est dans les rayons... sinon ça peut faire l'objet d'une "suggestion" pour la fête des mères !
RépondreSupprimerpas facile la visite de la chapelle Sixtine...heureusement qu'une visite"virtuelle" permet d'en apprécier les détails...après !
bonne journée charentaise
Josette
Ravie de voir que tu réagis comme moi Josette : 1) la bibli 2) le cadeau !!! car le budget livres est un VRAI problème !! surtout quand on n'a pas un GIBERT à proximité !
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