C'était le 4 décembre 2010... Elle avait accepté, pour faire plaisir à son élève la plus enthousiaste et la plus sincèrement, profondément et exclusivement admirative, de venir faire ce qui fut sans doute l'un de ses derniers concerts au Domaine Musical de Pétignac. Elle nous parla admirablement de Liszt dont elle était une spécialiste incontestée et incontestable, et accompagna sa conférence de quelques pièces jouées avec un immense courage, car elle était déjà fort malade. Cette ancienne élève de Lazarre-Lévy, choisie par le maître car elle présentait une architecture de la main idéale, affrontait le clavier dans des conditions, pour elle, épouvantables mais avait su composer un programme lui permettant, encore et toujours de "tenir" son clavier. Elle nous avait beaucoup émus et Arlette Laporte, le professeur d'Alter qui l'avait suppliée de venir, était pleinement heureuse.
L'année 2011, 200ème anniversaire de la naissance du maître, a été pour elle une année riche en conférences et en interventions sur son compositeur favori ... "l'occasion de remettre en lumière les prodigieuses capacités de cet être hors normes qui a accompagné toute ma vie d'interprète". Peu importe alors que son discours ne soit pas toujours très charitable pour les pianistes qui jouent dans la même cour : "Bien sûr, nous assistons à la montée en puissance de "sportifs" du piano et d'opportunistes Lisztiens d'un jour! Mais je suis persuadée que quelques pianistes musiciens sauront montrer que la virtuosité et la sensibilité, mis au service d'un tel compositeur, ne peuvent se confondre avec des numéros de cirque au service d'un ego", on doit lui reconnaitre le droit à une certaine sévérité, tant son amour du compositeur et sa connaissance approfondie de ses partitions en a fait une spécialiste hors pair de l’œuvre du séduisant "franciscain". Et puis, elle a forcément un peu raison car les interprètes manquent parfois de modestie ! D'ailleurs elle ne cite pas de nom mais on peut être certain que cette pique d'humeur ne vise pas Guillaume Coppola qu'elle remarqua à l'âge de 14 ans et dont elle "lança" la carrière !
Arlette, qui fut donc son élève et qui, grâce à elle, a transcendé ses talents pianistiques, a suivi France Clidat comme une vraie groupie durant de très nombreuses années. Elle aimait la pianiste mais aussi la pédagogue, la femme, l'amie. Elle lui a dédié son dernier enregistrement, luttant pied à pied contre les éléments pour garder vivace l'attention de ce professeur hors du commun et lui offrir ce travail qu'elle voulait à tout prix réaliser pour elle. Elle eut même la chance de jouer à quatre mains avec elle à Pétignac, et je puis vous garantir que ce fut l'occasion de nombreuses heures de stress, de quelques insomnies et d'une immense fierté ! Elle l'accompagnait chaque été durant ses master-classes et la secondait même un peu, tout en profitant de son très enrichissant enseignement.
Arlette est donc aujourd'hui très malheureuse et c'est à elle que je dédie ce billet, avec toute notre très affectueuse amitié : l'épreuve est lourde et France va terriblement lui manquer. Elle était sa référence, son repère, son moteur aussi. Pourtant, je sais qu'elle va maintenant jouer pour elle, aussi fort et aussi bien qu'elle l'a fait ces dernières années, pour se montrer digne de l'attention que madame Clidat lui a si généreusement témoignée. Comme elle le fit pour tous ses anciens élèves qui lui rendent hommage et présentent leurs condoléances à son époux Jean, un délicieux monsieur d'une galanterie telle qu'on n'en rencontre plus. Je reprends pour finir le commentaire de cette vidéo où elle joue trois pièces hongroises de Michel Sogny et qui date de 2008, "Adieu ♪ Bon voyage, jusqu'à côté de Franz LISZT ♪♪♪"...
très bel hommage à cette grande dame que je n'aurais hélas jamais eu le plaisir d'écouter "en vrai", rien que les enregistrements sont magnifiques, j'imagine ce que cela devait être...
RépondreSupprimerHommage aussi à l'amitié qu'elle partageait avec Arlette qui était la preuve de sa générosité musicale.
SupprimerL'enseignement ne reconnaît plus vraiment la notion de «maître», mais en musique, elle s'impose encore d'elle-même.
RépondreSupprimerBon courage à Arlette!
Remarque très juste Marie Josée... et pourtant cette notion est importante car de l'admiration nait le dépassement de soi.
SupprimerElle est enterrée vendredi au Père Lachaise
RépondreSupprimerJ'irai lui rendre visite de temps en temps
Que voilà une belle solidarité de blog !! je suis certaine qu'Arlette sera émue en te lisant !
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