dimanche 12 mai 2013

CONCOURS QUATUOR A CORDES DE BORDEAUX 2013 : LE PALMARES



Vous savez combien Alter aime à déguster la musique, art abstrait s'il en est, comme il savoure des vins. Il avait donc, à Bordeaux, encore plus à cœur de poser son palmarès en termes de cépages et de grands crus. C'est ainsi qu'il a décidé que  le quatuor Tesla était un bon vin de Californie, agréable, de  belle facture mais court en bouche, un peu trompeur... que les quatre minettes du quatuor Capriccio sont un bon cru classé de Saint Emilion, un peu jeune, à laisser mûrir .. et que le quatuor Varese est un très bon Pessac Léognan, avec tout ce que cela implique de rondeur et de séduction. Quant aux deux principaux finalistes sur lesquels nous fondions, à juste titre, les plus grands espoirs, il a voulu y voir les deux vins de Mouton Rothschild : le quatuor Schumann étant le rouge prestigieux de cette maison vénérable, un vin chaleureux, parfait, d'une rare élégance... le quatuor Ellipse étant, selon lui, le blanc peu connu, mais pourtant sublime, de la baronnie : l'Aile d'Argent. Un simple AOC (car l'appellation médoc blanc n'existe pas !) mais un vin remarquable, d'une fraîcheur et d'une minéralité sans faille, et de la part d'Alter un grand compliment.

Notre semaine s'est donc terminée entre enthousiasmes et déceptions, découvertes et craintes pour nos favoris... Avec en finale, un sacré pensum pour les candidats mais aussi pour le public : l'audition à répétition d'une pièce assez ennuyeuse, très moyennement inspirée et, de plus, fort longue, 40 minutes, d'Albéric Magnard. Ce compositeur français, né en 1865 et mort les armes à la main en 1914 pour défendre ... son château dans l'Oise, était surnommé, pour vous donner une idée de la teneur de ses œuvres,  le Bruckner français.

La maison incendiée d'Albéric Magnard, qui fit même l'objet de cartes postales, preuves de la barbarie des allemands !!

Lorsque la guerre éclata, dès le 1er août, Albéric voulut s'engager mais, sans doute à cause de son âge ou de ses précédents démêlés avec l'armée, il fut refusé. "On reprendra l’Alsace et la Lorraine sans moi" affirme-t-il. Pourtant, dès la fin du mois d'août les allemands sont à Compiègne et se rapprochent dangereusement de chez lui. Il renvoie femme et enfants à Paris et décide de rester à Baron avec son gendre : il veut défendre sa propriété. Il brandit vaillamment son pistolet en disant "ici, il y a 6 balles, 5 pour les allemands, une pour moi". Lorsque les soldats s'approchent de sa maison, le 3 septembre au matin, un coup de feu part de la troupe : Magnard riposte, tuant un soldat et en blessant un autre. Dès lors, la fureur des allemands, qui répondent par un tir nourri contre la maison, se déchaîne. Ils veulent fusiller tout le monde et brûler le village. Le seul notable du village susceptible de discuter avec eux, le notaire, parvient à infléchir cette décision et à les persuader de s'en tenir à Magnard et au manoir de ce dernier, qu'ils incendient vers midi. Plus de deux heures plus tard  alors que le feu fait encore rage, on entend un coup de feu et on pense que Magnard s'est suicidé, ce qui, à l'examen de son pistolet, ne semble pas acquis. Il aurait plutôt été tué lors des échanges de la matinée. On a beaucoup glosé sur le sens de cette mort "héroïque", mais ce qui est le plus triste dans l'histoire est que toutes ses partitions, y compris celles qui n'avaient pas encore été publiées, ont été brûlées, nous privant ainsi d'une partie de son oeuvre.

J'ai raconté cette fin étonnante d'un homme plutôt paisible mais capable, nous dit-on, de grandes colères quand son sens de la justice, qu'il avait très aigu, était perturbé, car il nous a semblé important de mieux le connaitre pour mieux comprendre son quatuor. Un homme qui, en 1889, démissionna de l'armée où il faisait des périodes, en soutien au capitaine Dreyfus, démission refusée à cause de la violence de ses propos : l'armée lui proposa de renouveler sa demande dans des termes plus mesurés ! C'est d'ailleurs à l'occasion de l'Affaire Dreyfus qu'il composa son Hymne à la justice ! Quant à son quatuor, composé en 1906 à la mémoire de Raymond d'Abzac, il n'est pas facile, facile, et à chacune des interprétations, nous avions le sentiment d'entendre une nouvelle partition, tant la traduction en sons de la musique écrite est primordiale.

Le concours proposait, entre autres prix, un prix spécial pour l'interprétation de l'oeuvre de Magnard, et nous étions très partagés pour savoir qui aurait le prix du Palazzetto Bru Zane. La grande majorité d'entre nous penchions pour le quatuor Ellipse, qui nous a offert la seule lecture vraiment séduisante du morceau. Aérée, bien liée et très mélodieuse. Et qui reçut à l'occasion une belle ovation, tant nous avions le sentiment qu'enfin Magnard était audible. En comparaison, l'attaque du quatuor Schumann nous parut, à tous, plus âpre, plus râpeuse, moins facile. Ils avaient des sonorités plus modernes, sans fioriture. Mais Alter prétendait que c'était ainsi qu'il fallait jouer Magnard. Si l'on s'en tient à son étiquette de Brukner français, Alter avait raison. Mais le jury en a décidé autrement et, comme nous, le public, a préféré la lecture plus adoucie, plus "française" du quatuor Ellipse, qui a eu le prix Bru Zane et ira faire un concert à Venise, les veinards !!

Alain Meunier et Anne le Bozec au concert Lafite Rothschild

De nombreux autres prix émaillaient cette compétition. Mais avant de vous les présenter, il me semble intéressant de préciser, ainsi que nous le fit très gentiment Alain Meunier, les "critères" de décision. Sans doute lassé d'être sans cesse sollicité par des spectateurs curieux - et nous l'étions tous - le violoncelliste qui organise, de main de maître - qu'il lui en soit rendu hommage ici au nom, j'en suis certaine, de tous les fervents de la manifestation - le concours de Bordeaux, a décidé de nous donner quelques informations. Même s'il ne s'agissait nullement de dévoiler le secret des délibérations, il voulait nous prouver qu'au fond les choses étaient simples et fort équitables.

Un petit méli mélo de la demie-finale : se reconnaisse qui pourra !

Au premier tour, il y avait 12 candidats, et il fut décidé d'en choisir 8. Chacun des 7 membres du jury devait, pour chacun, dire "oui" ou "non", et il fallait, pour accéder au second tour avoir obtenu un minimum de 4 "oui". C'est ainsi que 4 quatuors - il ne nous pas dit lesquels mais on imagine aisément à la lecture de la suite, au moins 3 d'entre eux - ont obtenu 7 "oui". 1 en a eu 6, 1 en a eu 5 ... et 3 en ont eu 4. Se posait alors un problème délicat : si l'on s'en tenait à la règle initiale, cela faisait 9 candidats au second tour au lieu des 8 prévus. Si l'on durcissait la règle à 5 voix pour aller en demie-finale, il n'y en avait plus que 6. Choisissant de permettre au plus grand nombre de se produire en public une deuxième fois et jouant la sélection plutôt que l'élimination, le jury a nommé 9 candidats pour la deuxième épreuve, et ce, pour notre plus grand bonheur.

À l'issue de cette dernière, il n'en restait plus que 4 : les américains de Tesla, les hollandais de Dudok (qui, pensons-nous, ont décroché leur ticket en finale grâce à une interprétation très convaincante de Xenakis), les allemands de Schumann et les français d'Ellipse. Nous avons tous beaucoup regretté le départ des Varese, victimes selon certains d'un politiquement correct qui aurait voulu qu'il n'y ait pas 2 groupes français en finale. Ce dont je doute fort, car cela me semble vraiment absurde comme critère. Victimes peut-être de l'argument de l'affiche du concours : 4 quatuors pour le concours de quatuors ?? En tout cas nous gardons toute notre estime au quatuor Varese et restons persuadés, malgré la décision du jury, qu'il fait partie des grands quatuors français actuels, à aller écouter sans hésitation si on en a l'occasion.

Toujours frappée d'interdit photographique, je vous propose LA photo des gagnants publiée par Sud-Ouest, les trois frères Schumann, Erik et Ken au violon, Mark au violoncelle, entourant la jeune et ravissante Liisa Randalu à l'alto... qu'on sent pleine d'une autorité, d'une diplomatie et d'une patience à toute épreuve !

Quant au premier prix, il a été accordé, à la satisfaction générale, au quatuor Schumann, un ensemble allemand, composé de trois frères et d'une jolie petit altiste blondinette et manifestement parfaitement intégrée dans cette fratrie d'une impressionnante qualité artistique. Quatuor que nous avions découvert en 2011 au concours Paolo Borciani à Reggio Emilia,  (ici, ici et encore ici) et qui nous avait alors séduits par son homogénéité et sa grande élégance musicale. Ils ont grandi, acquis une maturité impressionnante, alliée à une jeunesse intacte. Non contents d'offrir une qualité irréprochable, ils ont une lecture vraiment intelligente des partitions : qui m'a singulièrement frappée dans le quatuor de Verdi, joué avec des accents latins tellement convaincants que la pièce devient sous leurs archets comme un résumé de l'oeuvre du grand maître de l'opéra. Mais c'est surtout dans Mozart qu'ils ont, à mon sens, fait la différence : Mozart, le plus périlleux des exercices pour tout interprète, le plus talentueux soit-il. Et avec les Schumann, Mozart est, simplement, mozartien, ce qui peut paraître normal, mais se révèle un exploit. Certains le "romantisent", d'autres le "militarisent", d'autres encore le simplifient à outrance ou le fleurissent sans raison, bref, Mozart est, pour les quatuors (et les autres !), l'épreuve de vérité.

Le second prix est allé à un quatuor français, le quatuor Ellipse, l'excellente surprise du concours puisque ces 4 jeunes musiciens de l'Orchestre National de France ont décidé de former leur ensemble en mai 2012. Et les voilà déjà parmi les meilleurs, autant dire qu'ils sont prometteurs. S'ils étaient manifestement épuisés lors de leur interprétation de Mozart, tout le reste du concours a été d'une qualité sans faille, et nous avons tous été convaincus dès leur première intervention par leur remarquable sensibilité. Un nom à retenir d'autant plus que nous avons plus de chance de les entendre que les Schumann !


3 commentaires:

  1. Et, comme pour les vins, à consommer avec modération ?

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    1. Oh Philfff.. si vous saviez !! Alter, ma tendre et chère moitié, autant dire mon alter ego, vient de me faire remarquer que nous avions vu 27 concerts en une semaine. Et le pire, c'est qu'il a raison !! Car chaque épreuve comportait deux oeuvres et durait environ une heure, autant dire, en effet, 27 concerts au total ! Une histoire de fous !! je crois que nous avons abusé de la dive musique comme nous venons, à l'heure où j'écris ce commentaire, d'abuser de la dive bouteille au motif, fort louable au demeurant, que nos chemins se sont croisés il y a exactement 40 ans !! Du coup, j'avais dégoté un petit Condrieu (infidélité au Bordeaux, mais amplement justifiée par la qualité du vin en question) et voilà, encore un abus... Le croirez-vous, à Meschers sur Gironde, le fief de Michelaise, il s'en passe de bonnes !!!!

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