mercredi 26 juin 2013

MESLAYS 49ème


Et oui, cela fait déjà 49 ans que le festival de Meslays existe et au mois de novembre prochain l'équipe de passionnés qui assure sa survie, soutenue depuis une quinzaine d'années par l'incontournable René Martin, célébrera une date mythique. Le 17 novembre 1963, Richter donnait un récital au Grand Théâtre de Tours, jouant d'affilée les trois dernières sonates pour piano de Beethoven. L'accueil qu'il reçut, l'enthousiasme qu'il déclencha, le plaisir qu'il donna à ses spectateurs et qu'il ressentit lui-même furent tel qu'il eut envie de mieux connaitre la région. Il visita donc les environs avec l'architecte de la ville, Pierre Boille. Pendant la balade, ils visitèrent dans une grange dîmière, à une dizaine de kilomètres de Tours, au bord de la RN 10. Cette ferme fortifiée, bâtie entre 1210 et 1218 pour l'abbaye voisine de Marmoutier, comportait une grange d'un volume intérieur exceptionnel, similaire à une église, avec une monumentale charpente en coeur de chêne. Ce grand vaisseau de pierre et de bois était bourré de paille, de charrettes et de volaille. Le sol était, bien sûr, en terre battue. En entrant dans cette bâtisse impressionnante, Richter aurait dit : «C'est là que je veux jouer.» 
Son premier récital à la Grange de Meslay  eut lieu le 23 juin 1964,  : on avait dégagé la paille dégagée, placé la scène sur le flanc droit, pour permettre une vision en ligne de fuite entre les piliers monumentaux. Mais l'acoustique était terriblement mate. Et malgré les aménagements, elle l'est encore. Certes, cela favorise l'intériorité des artistes mais c'est très austère et nous avons découvert cette année qu'on a une audition nettement plus agréable si l'on est côté entrée.
Bref, c'est le 17 novembre 1963 que tout a commencé et du 11 au 17 novembre 2013,Abdel Rahman el Bacha jouera, en hommage au grand maître russe, l'intégrale des sonates pour piano de Beethoven. Ce concert anniversaire inaugurera les festivités prévisibles de la 50ème édition, mais dores et déjà la 49ème est en cours, et, comme toujours, se distingue par l'excellence de sa programmation.


Le premier week-end fut riche en moments intenses. Vendredi soir Augustin Dumay et Maria Joao Pirès nous ont offert un véritable travail d'orfèvre, ciselé, cultivé et d'une sensibilité aérienne. Le public de cette première était quelque peu agité, applaudissant sans discernement entre les mouvements, ce qui n'est pas le genre de Meslays (depuis 50 ans tout de même, les amateurs tourangeaux finissent par être de vrais connaisseurs) mais c'est le prix à payer pour obtenir mécénat et subsides. Les cocktails sont prétextes à mondanités où le concert est une corvée telle, qu'on applaudit au premier silence ! Dumay et Pirès ont eu l'élégance, malgré ces interruptions répétées, de continuer à jouer avec la même intensité, la même délicatesse, et nous avons eu de belles émotions.


Samedi après-midi, Henri Demarquette au violoncelle et Boris Berezovsky ont joué, avec un égal talent, Mendelsohn, Britten et Grieg. Le soir, Renaud Capuçon, Edgar Moreau et Nicholas Angelich ont commencé le concert par le trio "Archiduc", qui fut suivi, au grand dam de mon voisin qui pestait contre le compositeur, par le concert de Chausson, avec le quatuor Modigliani.


Certes, le programme n'était pas forcément ce qu'on aurait rêvé et quitte à entendre le quatuor Modigliani, on aurait préféré tout simplement un "bon" quatuor. Mais tout était tellement parfait qu'on aurait mauvais grâce à se plaindre d'une mariée trop belle ! Seule ombre au tableau, sans doute encore pour apporter à l'entreprise quelques finances, les concerts étaient filmés pour Mezzo et l'inconfort était grand pour les spectateurs mal placés, dont nous étions !! Entre caméras plantées sur la scène, bras menaçant brandissant de gros matériels de prise de vue au dessus de nos têtes et rails couinant pour déplacer les caméras, c'était carrément énervant !!


Dimanche matin, le jeune pianiste Matan Porat nous offrit un "voyage autour de la sonate en ré mineur K.32 de Scarlatti" : 24 morceaux de compositeurs divers (de Couperin à Janacek, en passant par Bartok, Mozart, Boulez, Beethoven et j'en passe) reprenant, sous des formes variées, le motif plaintif en demi ton, ascendant et descendant de la sonate de Scarlatti. Des sortes de variations, d'un genre particulier puisque écrites à différentes époques et sous différents cieux. Un programme savant, que nous n'avions pas forcément les clés pour apprécier à sa juste valeur, mais dont l'écoute était fort abordable et très réussie.

Programme de 1973 ... Maria Callas n'est pas venue !! et en bas, Musique au Village ... 
On se régalait !!!

Les deux derniers concerts mettaient en scène l'Orchestre Royal de Chambre de Wallonie et nous ont permis d'apprécier les talents de chef d’orchestre d'Augustin Dumay. Nous l'avons connu tout jeune, quand il venait, accompagné d'une bande de copains (Lodéon, Caussé, Collard, Daria Hovora) se faire plaisir à "Musique au village". Ce petit festival Gourdonnais dont s'occupait Alter, offrait des concerts gratuits dans les églises du Lot, et était en quelque sorte la bonne conscience du Festival officiel de la ville qui accueillait Richter, Menuhin, Edda Moser, Alxis Weissemberg, Kurt Redel ou Ella Fitzgerald. Les "jeunes", déjà solistes, venaient pour avoir l'occasion de jouer entre eux, ils se détendaient là d'une carrière déjà prenante et s'amusaient fort : certains dîners d'après-concert ressemblaient à des troisièmes mi-temps !! On n'avait pas un rond, on leur imposait des cocktails très "prout prout" pour remercier ceux qui nous accueillaient dans leur château, ensuite on allait manger dans des auberges à la bonne franquette... la dernière année on leur paya leur cachet avec des pièces de 10 centimes ! Autant dire que le budget de ce Festival gratuit était plutôt déséquilibré et tout cela finit, malheureusement, en eau de boudin ! Mais il nous est resté le souvenir de grands moments. Augustin, à l'époque, était déjà "le chef" : il tâchait de tenir ses troupes quand Lodéon, excédé par les mondanités inutiles alors qu'il mourait de faim, entamait avec ses copains instrumentistes une bataille d'oeufs durs dans une cour de château ou jouait à colin-maillard avec le soutien-gorge de l'aubergiste dégoté dans un panier à linge. Il essayait de convaincre Collard, qui avait trop de facilités, de venir répéter, il gérait les problèmes de cœur des uns et des autres et surtout, s'éclatait complètement en formation de musique de chambre. Pas de doute, il est vraiment doué pour diriger, et son ensemble de Wallonie semble un orchestre de solistes : précision, qualité de son, attaques impeccables, perfection des finales, la direction de Dumay est vraiment très élégante. Enlevée, joyeuse, énergique, dynamique, ses interprétations de Haydn en particulier étaient fort bien venues. On le sent très proche des membres de son orchestre


Le week-end prochain, c'est le deuxième et dernier week-end des Fêtes Musicales en Touraine* à la grande de Meslays, un endroit qui reste merveilleux même quand le temps est pourri !! Ce qui fut le cas pour notre séjour : courants d'air glacés dans la grange, herbe trempée qui nous a privés du traditionnel pique-nique au bord de l'étang, vent entêtant, mais une telle qualité d'interprétation qu'on a oublié tous ces inconforts !


* Programme de la fin du Festival
Mercredi 26 juin : A 21 h : Sonates au piano. Salle de La Pléiade, La Riche, Zhu Xiao-Mei, piano.
Vendredi 28 juin : A 21 h : Sonates pour violon et piano.
Samedi 29 juin : A 18 h : Vostex Temporum pour piano et cinq instrumentalistes par l'Ensemble le Balcon. A 21 h : Orchestre de Chambre de Lausanne dirigé par christian Zacharias Beethoven.
Dimanche 30 juin : A 11 h : Sonates pour piano Schumann et Schbert par Adam Laloum. A 16 h : Soprano Juliane Banse accompagnée au piano par Wolfram Rieger dans Liszt et Mendelssohn. A 19 h : Concerto pour piano de Mozart orchestre de Lausanne et Dana Ciocarlie.

Photos interdites durant les concerts, mes photos sont donc des photos des photos officielles, affichées à la billetterie ! d'où les reflets bizarres ...

2 commentaires:

  1. Cette grange est magnifique et malgré les inconvénients dont tu parles cela doit quand même rester un endroit privilégié pour assister à un concert.
    J'ai cliqué sur ton premier lien et la photo de l'intérieur de la grange ne m'a pas déçue non plus. Tous ces piliers, cette charpente extraordinaire, en font vraiment un lieu d'exception même si on imagine volontiers l'agacement de ceux qui se trouvent derrière un pilier....
    Peut-être assisteras-tu au dernier rendez-vous musical de ce week-end alors je te souhaite le meilleur temps possible pour qu'au plaisir de la musique s'ajoute celui du pique-nique au soleil :-)

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    1. Merci Oxy, oui un des plaisirs de Meslays est le pique nique au soleil !! mais aussi, et surtout, la qualité des concerts

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