jeudi 20 juin 2013

SCARPE DELLA RIVIERA DEL BRENTA



L'industrie de la chaussure est prospère en Italie depuis l'entre-deux guerres. Auparavant, elle existait certes, mais dans un pays agricole où les paysans allaient souvent nu-pieds, la demande était très faible. Il n'y avait pas marché national mais seulement des marchés locaux, tant pour le produit fini que pour les matières premières, en particulier les peaux. L'urbanisation des villes du Nord-Ouest stimulant la demande cela favorisa, dès le début du XXème siècle la création de nouvelles fabriques de chaussure, près de Milan, à Vérone, Parme et à Stra, sur la Riviera del Brenta, entre Padoue et Venise. Après la seconde guerre mondiale d'autres usines s'ouvrirent sur tout le territoire, en particulier en Toscane mais la Vénétie reste traditionnellement un haut lieu de production de chaussures de toutes sortes. Pas seulement de chaussures de luxe ! Témoin Montebelluna, pas loin de Trévise, qui est devenu "le cerveau de l'industrie de la chaussure de sport au plan mondial"... on y trouve même un musée des chaussures de sport et de ski !! Mais c'est de la Riviera del Brenta surtout que je veux vous parler. C'est en 1898 que Giovanni Luigi Voltan crée à Stra, s'inspirant de l'expérience acquise dans les plus importantes industries américaines, la première usine vraiment automatisée de fabrication de chaussures en Italie. Très vite les usines se développent dans cette région qui était, après la seconde guerre mondiale, spécialisée dans les chaussures de travail, d'une qualité assez moyenne. L'impulsion viendra de l’introduction de nouvelles machines et de nouvelles techniques d'organisation du travail et permettra l'ouverture vers les marchés étrangers. Actuellement cette industrie "brentane" occupe 14 000 personnes et produit 22 millions de paires, à 95% pour les femmes. Ce sont essentiellement des produits de luxe ou "fins", représentant un chiffre d'affaires de 1.7 milliards d'euros, dont 89% à l'exportation. Ce qui fait la particularité de l'industrie de cette région est qu'elle crée, produit et commercialise la quasi totalité des chaussures griffées vendues sur le marché mondial. La liste de ces griffes est carrément impressionnante ! 




Du coup, ces  industriels se sont organisés en association, regroupant bien sûr les concepteurs et les fabricants de chaussures mais aussi tous les métiers qui les entourent : et là encore, la liste est impressionnante. Accessoires divers, métalliques  en cuir, fabriques d'emporte-pièce, travail sur les talons, ateliers de broderie, fabrique de moules, de semelles, de tiges, de premières de propreté, de talons, vente de peaux et de cuir, presses à découper, modélisme etc etc ... c'est fou ce qu'il faut pour fabriquer des escarpins ! Des escarpins, que dis-je ?? Des bottes, des sandales, des mocassins, des richelieux, des ballerines .... des chaussures de sport, de golf, de danse, anatomiques, de sécurité, sur mesure... on trouve absolument de tout sur la Brenta ! Et parce que les industries de la Riviera ont choisi le luxe, parce que leurs managers ont su se regrouper pour avoir plus de poids sur les marchés tout en restant de petite taille, elles ont moins souffert que d'autres de la crise.



Vous imaginez dans ces conditions que le musée de la chaussure somptueusement installé dans la villa Foscarini Negrelli Rossi, au centre de Stra, est particulièrement impressionnant. Créé en 1994 par Luigino Rossi, à l'occasion des 50 ans de son entreprise, il présente les créations les plus représentatives de l'activité de Rossi Moda. Luigino Rossi est entré à 17 ans dans l'atelier de son père, Narciso, une petite structure qui employait alors 5 personnes. Luigino raconte :


"En 1960, nous prenions l'avion pour Paris, mon père et moi, nous achetions des chaussures de marque, et au retour à Stra, nous disséquions la droite de chaque paire. C'était un rite ! "Regarde quelle colle ils ont mis ! ... comment c'est fichu... Et la matière !!". Et chaque fois, nous nous rendions comtes que nos chaussures étaient de bien meilleure qualité que celles que nous avions rapportées de Paris. L'idée alors est de proposer leurs services, leur qualité aux stylistes et autres grands couturiers afin que les chaussures vendues sous leur marque soient à la hauteur de leur réputation. L'intuition était bonne : en 1963 Luigino Rossi rencontre Yves Saint Laurent, et c'est le début d'une collaboration qui va aller en s'élargissant à tous les grands designers de mode. Une superbe réussite qui s'est terminée pour la famille Rossi en 2003, avec la cession de l'entreprise à LVMH.
Mais le musée est toujours là : à quelques chaussures anciennes et forcément vénitiennes s'ajoutent plus de 1500 modèles, un vrai panorama mondial de la mode et des créateurs ! Visite :


Article dédié à qui de droit !! et aux autres ...

12 commentaires:

  1. Un magnifique écrin pour des créations de prestige! Quel modèle choisir? Tout est original, tout est beau...confortable...pas garanti! je m'interroge: comment se porte l'escarpin placé sous les jolies souris???? le pompon rouge me plaît beaucoup... la noire avec le macramé d'or est...sublime ...aurais-je le pied fin et gracile que je n'aurais pas les moyens de m'offrir cette oeuvre d'art.
    Belle visite...moi j'aurais honte de mes petons dans pareil endroit..:-)))))

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    1. Ah oui, la noire avec le macramé or, superbe en effet !! quant à celle qui est sous les souris, je pense qu'il s'agit d'une sculpture, enfin je l'espère !

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  2. Merci, Michelaise, j’apprécie, grâce à toi,nous programmerons un petit voyage "culturel" sur la Riviera de la Brenta...
    Je te souhaite une très bonne journée !

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    1. Ah Norma, j'ai fini par te convaincre !! Même si la Riviera du Brenta n'est pas le plus grand lieu de production de chaussures en Italie, on y trouve ces escarpins de luxe qui vont te faire frémir d'envie !!

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  3. rien que pour le lieu, j'ai l'impression que cela vaut le détour! Quand aux modèles, si certains font sourire, d'autres font rêver! Bonne journée!

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    1. Oui, un musée de la chaussure passe, mais dans une belle villa c'est mieux, d'autant que ces villas sont rarement ouvertes à la visite.

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  4. Bel hommage aux créateurs italiens qui restent pour moi en tête de liste.
    Agréable dimanche à toi.

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    1. Il faut dire qu'en matière de chaussures, ils savent nous séduire ...

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  5. Tant de chaussures plus belles les unes comme les autres je pencherai pour les escarpins en chat mais bon etre pieds nus c'est encore le mieux! bisous.

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    1. Pieds nus Mayalène, j'ai la vague impression que tu te moques de moi, coquine !!

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  6. Belle expo ! et quel talent ces Italiens !

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    1. Avoir du talent pour les chaussures, c'est finalement le nec plus ultra de l'expression artistique ! En tout cas, présenter des chaussures dans cette ambiance, c'est proprement "italien" : ils ont vraiment le sens du luxe

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