dimanche 6 mai 2012

ELECTIONS...


C'est à Caltagirone que tout  a commencé : dès notre arrivée, un samedi soir, la place était noire de monde, les festivités battaient leur plein et de loin en loin, s'égrenaient des discours, ponctués de vagues applaudissements. Et le même scénario s'est reproduit tous les soirs, au moins les soirs de week-end : à Militello, à Scicli, à Ragusa, à Balestrate enfin... toujours une fête, feux d'artifices, exposition d'artisanat, radio-crochet (mon Dieu ça existe encore ça ??)... et toujours une estrade, avec des discours bien orchestrés, se succédant pour dire et médire du précédent, promettre qu'on ne promettrait rien? mais tenter de faire rêver tout de même ! Nous qui avions quitté la France et ses salmigondis politicards, nous étions en plein dans la mêlée. 
Et c'est toujours à Caltagirone que nous avons compris le fin mot de l'affaire : alors que nous étions plongés dans la contemplation un peu hagarde d'une affiche électorale pour tenter de démêler le faux du vrai, nous avons bénéficié de l'avis fort avisé d'un professeur de droit public, qui, voyant notre perplexité, nous a expliqué l'histoire. De toute évidence les 6 et 7 mai doivent se dérouler des élections municipales partielles, c'est donc aujourd'hui qu'en Sicile, on vote ! Seules 1025 des 8000 communes italiennes* vont y participer mais en Sicile, cela s'agitait ferme. Les discours étaient tous un peu les mêmes : on ne vous promet rien qu'on ne puisse tenir, mais ce qui est sûr, c'est que la gestion des précédents a été lamentable, à la limite de l'incurie, voire de la friponnerie, et qu'il y a tant à faire qu'on peut toujours vous promettre la lune ! Quant aux fêtes, elles étaient bien sûr offertes par les sortants, soucieux de distraire ses électeurs en lui assurant de joyeuses soirées. 
A Caltagirone, l'affiche n'offrait pas moins de, notre prof de droit public nous l'a affirmé, 450 noms !! Pour 30 places. Imaginez notre stupéfaction devant les colonnes denses, tous des "nés natifs", ou presque, parfois émaillés de croix et de soulignages bizarres. Car ici la méthode est loin d'être simple : disons qu'elle ressemble à ce qui se passe dans nos petites communes, où l'on peut panacher les listes et barrer d'un trait rageur celui qui vous déplait.


D'abord, contrairement à nous, on élit en Italie un maire directement. Chaque candidat maire présente une liste de candidats de conseillers communaux, et est élu maire le candidat qui a obtenu le plus grand numéro de votes. Mais pour les conseilles municipaux ça se complique !
À la liste du candidat maire élu sont attribués les 2/3 des sièges assignés au conseil, le reste des sièges étant repartis entre les autres listes à la proportionnelle, en suivant la méthode de Hondt**. 
Et enfin, à cela, s'ajoute le vote de préférence. Normalement,  l'électeur vote pour une liste mais s'il veut favoriser un candidat il peut ajouter, en l'écrivant lui-même, un nom pris dans n'importe quelle autre liste, sur le bulletin de vote. Ce qui fait qu'on voit des listes secondaires s'ajouter à un maire, sans tête de liste, des candidats faire leur campagne tout seuls en se réclament d'une liste locale ou politique... Selon la taille des municipalités on coche, ou on souligne ou encore on écrit les noms de ces "préférés" à la main. Au moment des calculs sauvages dont je vous parlais plus haut, dans chaque liste est élu celui qui se présentait comme maire et celui qui a obtenu le plus de votes de préférences***. Autant vous dire que le dépouillement dure : je ne sais si vous avez assisté au dépouillement d'une élection municipale dans une petite commune française, mais c'est déjà sportif, là, c'est carrément délirant ! ça peut prendre parait-il plus de 48 heures, et c'est forcément la source d'erreurs et de batailles, accusations de tricherie et invectives variées !!

Et notre cicérone très fier, nous a expliqué que la bataille était forte à Caltagirone, d'autant que selon lui, y règne un sens civique particulièrement aigu, une longue tradition politique et de droit public venant éclairer les citoyens de cette calme cité. Vous nous connaissez, nous l'avons écouté poliment, en se disant "ah ces italiens, ils ont toujours un sens aigu de l'hyperbole !"
Mais de fait, ce monsieur avait parfaitement raison car nous avons découvert que la ville a été le berceau de "grands hommes" politiques. En 1598, Bonaventure Secusi de Caltagirone, s'entremit comme légat du pape pour faire aboutir le paix de Vervins, entre Henri IV et Philippe II d'Espagne. Le capucin intervint encore, toujours au nom du pape dans la paix entre la France et la Savoie. Un autre capucin émérite, Padre Innocenzo Marcino se révéla dans les années 1640 être un diplomate de haut vol qui contribua de manière décisive à la fin de la Guerre de Trente ans et travailla avec une grande efficacité pour la paix en Westphalie. 


Mais surtout, la ville est le berceau d'un homme politique éminent, vénéré à l'instar d'un saint**** et pourtant vrai politicien : Luigi Sturzo, ordonné prêtre en 1894, maire de sa ville de 1905 à 1920, est considéré comme "l'inventeur" de la démocratie-chrétienne. Le fondement de son action était de permettre l'expression des catholiques en politique et ainsi, d'offrir une alternative chrétienne et sociale au mouvement ouvrier socialiste. Fort détracteur du centralisme excessif, il s'opposa à Mussolini (il dut même s'exiler en 1940) et prônait le régionalisme, nécessaire selon lui pour concéder une vraie autonomie individuelle. En matière d'économie, Don Sturzo n'était pas un libéral classique, car s'il dénonçait le capitalisme d'état qu'il considérait comme étant gaspilleur de ressources, il restait convaincu de l'importance des interventions de l'état dans l'économie, même si, selon lui, elles devaient rester brèves dans le temps et engendrer des résultats mesurables.


Pas de doute donc, la ville de Caltagirone peut s'enorgueillir d'avoir vu se développer chez ses citoyens une vraie conscience politique, une longue tradition qui s'est affermie et développée au cours des siècles, et l'on comprend pourquoi les élections y sont un réel événement !


* savez-vous au passage que nous en avons presque 37 000 !!! nous sommes les champions de l'"esprit de clocher" !
** Sachant qu'il existe celle du plus fort reste, de la plus forte moyenne, de Sainte-Laguë, de Jefferson, le quotient de Hare, j'en passe et des meilleures, si les arcanes de la proportionnelle vous amusent allez donc étudiez cela en détail sur wikipedia ou ailleurs !!!
*** Ne me demandez surtout pas d'explication supplémentaire : j'ai essayé de suivre le cours de notre prof de droit le plus attentivement possible mais je vous avoue que la logique du système n'arrive pas passer la barrière de ma petite cervelle française ! Donc je tente de vous rapporter les principes généraux mais ce système du "vote de préférence" me laisse encore un peu ébahie !
**** son procès en béatification a été commencé en 2002. Et le "mausolée" que ses compatriotes lui ont construit dans l’Église San Salvatore, est une vraie chapelle, ornée d'ex-voto et très fréquentée !!

2 commentaires:

  1. Je passe...
    Rien que le mot je vois rouge
    Je pars reprendre mon souffle avant la prochaine fournée

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    1. Ben faut dire que dans le genre week-end corvées, tu es servie en ce moment
      encore les 10 et 17... à moins qu'il n'y ait qu'un tour chez toi, ce que je te souhaite
      courage madame l'adjointe !

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