On nous dit que "La Guerre de Troie n'aura pas lieu" serait la pièce française la plus jouée au monde. J'avoue que ce genre d'information péremptoire me laisse toujours pantoise, mais comment diable le sait-on ? Admettons cependant qu'elle soit fort populaire, et pourtant, vous savez combien votre pauvre Michelaise vit loin des "endroits où ça bouge", je n'ai eu l'occasion de la voir qu'une fois : il y a fort longtemps lors d'une mémorable journée de théâtre non stop dans le Lot et Garonne. On dirait le titre d'un polar mais pourtant c'est vrai : des fous des planches avaient organisé un marathon passionnant : 24 heures de théâtre de qualité, sans souffler entre deux pièces. Cela commençait de bon matin, doucettement, on accélérait l'après-midi avec "le journal d'une femme de chambre", dans la soirée il y avait même Jean Marais qui faisait une apparition (ben oui, je vous avais bien dit que c'était il y a longtemps), en début de nuit, le Cid, superbe d'ailleurs, et en plein milieu de la nuit, à l'heure où tout le monde devait se mettre des petites allumettes devant les yeux pour garder les paupières ouvertes, la pièce de Giraudoux. Que j'avais adorée, admirant l'exploit d'avoir été tenue éveillée par le verbe de l'auteur et le jeu des acteurs, entre 4 et 6h du matin !! J'avoue d'ailleurs n'avoir aucun souvenir de la pièce suivante, ayant sans doute fini par m'endormir !! Le festival se terminait vers 9h du matin par un gigantesque petit déjeuner bien mérité. Cette troupe pleine de talent, dirigée par un pur, Roger Louret, existe toujours, c'est les Baladins en Agenais. Après ces 3 nuits du théâtre de 1985, 1987 et 1989, Louret a remis ça puisqu'il existe encore, parfois, des Festival de théâtre à Monclar.
Bref, j'avais une folle envie de revoir La Guerre de Troie. C'est chose faite grâce au Festival d'Anjou qui proposait, en création au Château du Plassis Massé, la mise en scène de Francis Huster. Mise en scène qui sera d'ailleurs reprise le 29 juin à Carcassonne, le 28 juillet à Sarlat, les 29 et 30 juillet à Golfe Juan, dans le cadre du Festival Jean Marais, du 5 au 8 août à Carqueiranne ... c'est chose tellement méritante, qu'il est bon de le dire.
Donc nous (Koka, Alter et moi) étions excités comme des puces à l'idée d'aller voir cette fameuse Guerre de Troie. Las !!! Je déteste faire des critiques réservées, voire mauvaises : et ce, pour deux raisons : d'abord les théâtreux, qui, allez savoir pourquoi, sont toujours très attentifs à ce qu'on dit d'eux sur la toile, sont très chatouilleux. Ils détestent qu'on n'ait pas aimé ou qu'on fasse des réserves. Mais pire encore, et surtout quand une troupe a le mérite de monter un "classique" chose d'autant plus louable qu'elle est, je le disais, fort rare, c'est une énorme travail de réaliser un spectacle de cette ampleur et ce serait bien injuste de le "casser" d'un coup de griffe sur un clavier. Donc que mesdames et messieurs les théâtreux se rassurent, Bon Sens et Déraison a une MINUSCULE audience et ce billet ne les privera d'aucun spectateur !
Il faut dire que nous avons joué de malchance : d'abord le vent, que nous nous sommes, dans un premier temps, réjouis d'avoir vu chasser les nuages, et qui, le malappris, faisait un bruit d'enfer dans les branchesde sassafras de chêne, couvrant une phrase sur deux. Ce qui avait quelque chose d'autant plus frustrant que les acteurs semblaient prendre un malin plaisir à chuchoter. Ensuite, il y avait les jeunes recrues embauchées par le Festival d'Anjou pour placer, qui n'en avaient rien à faire de Giraudoux et qui "piapiataient" derrière nous, toussant à qui mieux mieux, quand nous leur avons demandé de cesser leur bavardage. Mais surtout, c'était la première et certains acteurs, dont Francis Huster, avaient l'air totalement terrorisés par l'enjeu de ce moment. Son jeu était mécanique et monotone, comme s'il était paralysé par le trac, pas encore dans le rôle, maladroit, comme engoncé et presque désarmant de raideur.
Par ailleurs, la scène du Plessis Macé doit vraisemblablement couper l'inspiration des metteurs en scène : trop grande, trop large, trop étroite ?? Va savoir, toujours est-il qu'ils se contentent d'y aligner des chaises et de faire entrer et sortir les personnages platement par les malheureuses portes qui scandent la façade. C'était déjà le cas en 2010 pour Colombe de Anouilh, et Giraudoux n'a pas eu un sort plus enviable.
Si l'on ajoute à cela que l'idée de transformer la pièce de Giraudoux en défilé de mode était pour le moins superflue*, (mais venait donc faire Dior dans cette galère ?) et que les extraits de discours de Staline et d'Hitler avaient surtout pour effet de couper la pièce et d'avoir l'air de nous faire de l'explication de texte (nous ne sommes plus en classe de bac français), on mesure l'étendue de notre désarroi. Nous n'avons rien retrouvé de ce qui fait le panache de cette magnifique fresque théâtrale, la mise en scène était ennuyeuse et le rythme plat.
Pourtant je rêvais de vous faire une critique enthousiaste, alors j'insiste sur l'excellent jeu d'Olivier Lejeune (Ulysse), de Simon Eine (Priam) et de Pierre Boulanger (Pâris). J'ajoute (même si Koka doit me fusiller) que j'ai trouvé Gaïa Weiss (Hélène) tout à fait honorable, Valérie Cruchant (Cassandre) crédible et surtout, surtout, Giraudoux sublime !! Car, malgré mes réserves, l'auteur était respecté et, rien que pour cela, si la pièce passe par chez vous, allez la voir ! D'autant que certains l'ont trouvée parfaite, n'hésitez pas, pour vous en convaincre à lire d'autres critiques. Et puis, j'en suis sûre, une fois le spectacle rodé, et sans vent (pourvu qu'il n'y ait pas de mistral dans le midi !!), vous passerez un excellent moment en compagnie de l'auteur. Il faut que les efforts faits pour faire vivre, sans trahison, le théâtre classique soient encouragés. Car il ne suffit pas de le lire, il faut l'entendre aussi.
* Cela m'a irrésistiblement évoqué la scène de la réception sur l'île de Ré, vers la fin d'Alceste à bicyclette, quand il devient manifeste pour Luchini que Lambert Wilson n'a rien compris à ce qu'il a tenté de lui expliquer sur le théâtre durant leurs jours d'isolement.
Photo du spectacle empruntée à Angersmag, car photos interdites.
Il faut dire que nous avons joué de malchance : d'abord le vent, que nous nous sommes, dans un premier temps, réjouis d'avoir vu chasser les nuages, et qui, le malappris, faisait un bruit d'enfer dans les branches
Par ailleurs, la scène du Plessis Macé doit vraisemblablement couper l'inspiration des metteurs en scène : trop grande, trop large, trop étroite ?? Va savoir, toujours est-il qu'ils se contentent d'y aligner des chaises et de faire entrer et sortir les personnages platement par les malheureuses portes qui scandent la façade. C'était déjà le cas en 2010 pour Colombe de Anouilh, et Giraudoux n'a pas eu un sort plus enviable.
Si l'on ajoute à cela que l'idée de transformer la pièce de Giraudoux en défilé de mode était pour le moins superflue*, (mais venait donc faire Dior dans cette galère ?) et que les extraits de discours de Staline et d'Hitler avaient surtout pour effet de couper la pièce et d'avoir l'air de nous faire de l'explication de texte (nous ne sommes plus en classe de bac français), on mesure l'étendue de notre désarroi. Nous n'avons rien retrouvé de ce qui fait le panache de cette magnifique fresque théâtrale, la mise en scène était ennuyeuse et le rythme plat.
Pourtant je rêvais de vous faire une critique enthousiaste, alors j'insiste sur l'excellent jeu d'Olivier Lejeune (Ulysse), de Simon Eine (Priam) et de Pierre Boulanger (Pâris). J'ajoute (même si Koka doit me fusiller) que j'ai trouvé Gaïa Weiss (Hélène) tout à fait honorable, Valérie Cruchant (Cassandre) crédible et surtout, surtout, Giraudoux sublime !! Car, malgré mes réserves, l'auteur était respecté et, rien que pour cela, si la pièce passe par chez vous, allez la voir ! D'autant que certains l'ont trouvée parfaite, n'hésitez pas, pour vous en convaincre à lire d'autres critiques. Et puis, j'en suis sûre, une fois le spectacle rodé, et sans vent (pourvu qu'il n'y ait pas de mistral dans le midi !!), vous passerez un excellent moment en compagnie de l'auteur. Il faut que les efforts faits pour faire vivre, sans trahison, le théâtre classique soient encouragés. Car il ne suffit pas de le lire, il faut l'entendre aussi.
* Cela m'a irrésistiblement évoqué la scène de la réception sur l'île de Ré, vers la fin d'Alceste à bicyclette, quand il devient manifeste pour Luchini que Lambert Wilson n'a rien compris à ce qu'il a tenté de lui expliquer sur le théâtre durant leurs jours d'isolement.
Photo du spectacle empruntée à Angersmag, car photos interdites.
C'est un ancien combattant de cette fameuse guerre qui s'adresse à toi... et oui Michelaise, dans une autre vie, alors étudiant en fac de lettres j'étais un obscur membre de la.... si je me souviens bien de la compagnie universitaire.. mais de quoi ? art dramatique ? en tous cas... j'étais ... le géomètre !!! un nul en math !!! cette pièce est admirable, le discours aux morts, un texte qui devrait être lu à tous nos généraux...
RépondreSupprimerUn superbe souvenir que tu ravives par ce billet.
Si tu savais comme je suis ravie Robert de raviver ce souvenir ! "Et ne crois pas que les Géomètres n’aient pas à s’occuper des femmes ! Ils sont les arpenteurs aussi de (n)otre apparence."... et encore "Il n’y a plus de mètres, de grammes, de lieues. Il n’y a plus que le pas d’Hélène, la portée du regard ou de la voix d’Hélène, et l’air de son passage est la mesure des vents. Elle est notre baromètre, notre
Supprimeranémomètre"... alors pas besoin d'être fort en math pour cela, pas vrai !!! Heureuse aussi de partager avec toi cet amour du texte du Giraudoux.
Aïe j'ai peur pour La Flûte mise en scène aussi par Huster
RépondreSupprimerJe suis morte de rire tu as vu Alceste à bicyclette toi?
Alors là je n'en reviens pas
Euh ??? pourquoi pas Alceste ? J'avoue ne pas comprendre ton étonnement, sauf à m'imaginer autrement que je suis !!! Mais plus sérieusement, Huster est quelqu'un d'honnête, et je doute qu'il massacre la Flûte. Les circonstances n'étaient pas porteuses au Plessis Macé et j'ose croire que c'est pour toutes ces raisons que nous avons été déçus. Je suis certaine que cette flûte sera réussie.
SupprimerFranchement ce n'est pas trop le genre de film que tu vas voir et dont tu parles ici
SupprimerAlceste c'était sympa moi j'ai bien ri mais je ne m'imaginais pas un instant que tu soies allée voir cette aimable comédie
J'en ai même parlé ici : http://lepetitrenaudon.blogspot.fr/2013/02/amours-crapaudines.html
SupprimerEt j'en garde un excellent souvenir ! D'autant que Luchini y défend une approche du théâtre qui me plait vraiment, car Dieu sait qu'en la matière, c'est la chienlit à l'heure actuelle !
"La Guerre de Troie n'aura pas lieu" serait la pièce française la plus jouée au monde... je ne l'ai pourtant jamais encore vue sur scène, comme quoi! Je retiendrai la présence de Simon Eine sur scène,j'ai lu sa biographie il y a peu.
RépondreSupprimerBonne journée
Ah Eimelle tu aurais pu la voir donc, car ce n'était pas si loin de Tours... il semble, si j'ai tout compris, qu'Huster pourrait devenir le nouveau directeur artistique du Festival d'Anjou. Quant à Eine, j'avoue que je l'ai trouvé fort bon, et pense que tu aurais aimé le voir jouer.
Supprimerj'ai entendu aussi qu'il s'était proposé.. à suivre!
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