mercredi 19 août 2015

Guido di Pomposa, plus connu sous le nom de Guido d'Arezzo.


Je ne vais pas vous raconter Pomposa... vous trouverez, sur la toile moult sites et informations (1) sur cette abbaye située sur le lac Giralda, au sud de l'embouchure du Pô, sur des terrains marécageux à la lisière de l'Adriatique. Fondée au VIe siècle, elle connut, aux époques carolingienne puis romane, un grand développement comme centre politique, spirituel et culturel. L'église abbatiale et les bâtiments du monastère, très abîmés au XIXe siècle, ont été remis en état depuis une vingtaine d'années, et nous, qui l'avions visitée il y a bien 30 ans, ne l'avons guère reconnue. 


L'église est une basilique de type ravennate à charpente ; dans son état actuel, elle appartient aux Xe et XIe siècles, mais ses murs portent une décoration d'incrustations romanes et des peintures murales gothiques. 


La simplicité du parti architectural et des volumes extérieurs en fait une œuvre caractéristique de l'art protoroman ; la façade, dotée d'un grand porche transversal, comporte aussi un clocher carré, ajouté au nord au cours du XIe siècle ; le décor des étages inférieurs est propre au premier art roman lombard. 


C'est ce clocher qui marque la silhouette du bâtiment qui en est presque le symbole. Il était incrusté de "plats" décoratifs fort détériorés, qui ont été refaits à l'identique par une école d'art ravennate et l'ensemble a retrouvé sa splendeur. Que quelques photos vous diront mieux que de longs discours.


C'est l'histoire de Guido Monaco, dit souvent, au grand dam des gens de Pomposa, Guido d'Arezzo, que je vais vous conter. Ce moine bénédictin italien, né en 992 et mort en 1050, est célèbre pour sa contribution à la pédagogie musicale, notamment par l'élaboration d'un système de notation sur portée. Le lieu de sa naissance reste sujet à conjectures : on avance, entre autres, Arezzo. Mais on (2) a démontré récemment qu'il  serait né sur le territoire de Pomposa, près de Ferrare et entré à l'abbaye tout enfant, il y reçut son éducation religieuse et sa première formation musicale. Le même auteur pense que c'est à Pomposa que Guido eut l'intuition de cette invention qui allait définitivement marquer la musique. Constatant les difficultés éprouvées par les moines à mémoriser exactement le plain-chant, il aurait eu l’idée d’une méthode pédagogique qui leur permettrait d’apprendre les morceaux beaucoup plus rapidement, méthode qui se serait répandue dans le nord de l’Italie. Jusqu'à cette époque, la musique se transmettait uniquement oralement, et constatant la corruption inévitable des morceaux transmis aux élèves par des maîtres qui ne pouvaient s’appuyer que sur une mémoire parfois défaillante, Guido entrepris de mettre au point un système de notation sur portée qui permettait à tous de se retrouver à la mélodie.
Mais, toujours selon Smits Van Waesberghe, ses frères, furieux d'être bousculés dans leurs habitudes et craignant de mal comprendre cette nouvelle méthode de lecture de la musique, montèrent contre lui une sorte de caballe qui aboutit à son expulsion de Pomposa et à son départ pour Arezzo. Autant le lieu de sa naissance est discuté, autant cette expulsion de Pomposa est communément reconnue.
A Arezzo, il fut recueilli par l'évêque Théobald, qui le logea à l’évêché, et surtout, le chargea de la direction de l’école de musique de la cathédrale.


Pour aider les chanteurs, Guido décida d'utiliser les premières syllabes des versets d'une hymne bien connue dans les monastères (3) pour désigner les intervalles :
« Ut queant laxis
Resonare fibris
Mira gestorum
Famuli tuorum
Solve polluti
Labii reatum
Sancte Iohannes » (4)
Les moines italiens du Moyen Age connaissaient bien cette hymne, en effet, et la chantaient avec une mélodie qui montait de degré en degré. C'était pratique pour apprendre les hauteurs relatives de chaque degré de la gamme.(5)
C'est ainsi qu'à Arezzo, non content d'être professeur de musique et de chant, il put y poursuivre les études entreprises à Pomposa afin de codifier la musique et de mettre au point la notation musicale moderne.  Cette invention de la gamme allait révolutionner la façon d'enseigner, de composer et de transmettre la musique (6). Et avec la fierté qui les caractérisent, les italiens de la région de Pomposa voient d'un très mauvais oeil qu'on appelle le moine Guido d'Arezzo alors que c'est ici qu'aurait été inventé le procédé !! Alors qu'Arezzo, vous vous en doutez, n'en démord pas : la partition fut inventée en Ombrie.


Entre deux délicates aquarelles réalisées par Valentina Lapierre pour l'exposition Tra(s) mutazioni, art et nature à Pomposa, les délicates décorations de la façade au soleil couchant déclinent leurs entrelacs.



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(2) Smits Van Waesberghe dans un ouvrage intitulé : De musico-paedagogico et théorico Guidone Aretino eiusque vie et moribus


(3) L'hymne à saint Jean-Baptiste de Paolo Diacono (diacre)


(4) Pour qu'ils puissent chanter librement les merveilles de tes actions, retire les impuretés des lèvres de tes serviteurs et guéris-les du péché, ô Saint Jean.

(5) Le si fut ajouté par Anselme de Flandres à la fin du XVIe siècle et le ut, jugé trop dur à l'oreille, transformé en do par Bononcini en 1673. Quant au mot solfège, il vient tout simplement des notes sol-fa.

(6) Les premières notations musicales à base de portées et de notes sont, en fait, apparues au VIIIe siècle à Metz et à Saint-Gall (aujourd'hui en Suisse) à l'initiative des chanoines en charge du chant liturgique (ainsi appelle-t-on le chant qui accompagne les cérémonies religieuses). Les musiciens ont d'abord utilisé des signes musicaux ou neumes en « campo aperto » sans ligne. Ensuite, pour aider les copistes à conserver les proportions verticales, on a introduit une, puis deux puis trois lignes. Guido d'Arezzo a ajouté une quatrième ligne à la portée et, ce faisant, il a introduit un moyen mnémotechnique, la « main guidonienne », pour représenter les notes : dans ce système d'écriture, en effet, tous les degrés de l'échelle musicale peuvent être assimilables aux jointures et aux phalanges des cinq doigts de la main gauche ouverte. Guido d'Arezzo a aussi ajouté au début de chaque ligne une lettre clef qui indique la valeur d'intonation de la série considérée et qu'il a appelé gamma, d'où le nom de « gamme » aujourd'hui donné à son système de notation musicale. 
La portée de Guido, étendue à cinq lignes, s'est généralisée très vite à l'ensemble du monde musical mais, à la différence des Latins, les Anglais et les Allemands sont restés fidèles aux lettres de l'alphabet pour désigner les notes. En anglais, do ré mi fa sol la si devient : C D E F G A B.

5 commentaires:

  1. Ouah ! c'est super intéressant. Combien de musiciens connaissent cette histoire ?
    L'apprent-on dans les conservatoires ?

    Un petit coucou de Lausanne, en Suisse. Blog de la suisse verte de cartes postales. la Suisse est belle comme dit la chanson !

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  2. N'y a-t-il pas une petite influence mauresque dans l'architecture ? La giralda andalouse !?

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  3. Un site splendide que nous avions visité lors de notre séjour en Emilie Romagne !

    Amitiés

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  4. Belles photos! merci pour le lien

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