J'avais dit en sortant que je ne ferais pas de critique, parce que je déteste être méchante ou simplement avoir l'air de l'être. Mais, puisque le spectacle a été pour moi l'occasion de replonger dans l'univers romantique qui berça mon adolescence, difficile de résister à l'envie d'en parler.
Un Amour de Nohant retrace les sept
étés que Frédéric Chopin partagea avec George Sand à Nohant, dans la
maison familiale de cette dernière. Joué par Olivier Grimal, pianiste et Florence Grimal, narratrice, le spectacle suit le cheminement
des relations entre l'écrivain et le pianiste. « Un amour de Nohant »
évoque, par des textes de George Sand qui se mêlent aux œuvres de Frédéric
Chopin, l'histoire douloureuse et difficile des deux amants. Le moins qu'on puisse dire est que Chopin, pas encore remis de son échec avec Marie Wodzinsky, et sa première réaction en 1836 "
Elle est antipathique cette Sand ! Est-ce bien une femme? J'arrive à
en douter "est assez éloignée du coup de foudre. Il faut dire que la belle n'était pas nécessairement séduisante ! Qu'on en juge par la réaction de Balzac, invité à Nohant en janiver 1838 : " J'ai trouvé la camarade Sand fumant le cigare après le
dîner....elle avait doublé son menton comme un chanoine,
et pas un seul cheveu blanc malgré ses malheurs....elle travaille
énormément...elle se couche à six heures du matin
et se lève à midi....elle a été malheureuse
avec Musset et elle condamne le mariage et l'amour....elle n'est pas aimable,
elle est garçon, elle est artiste, grande et généreuse,
dévouée, chaste.....". Les qualités de coeur de George ne font aucun doute, mais sa beauté n'était évidemment pas son atout majeur. Par contre, sa propension à materner les hommes qu'elle aimait et que Musset a salué par un cruel " Tu t'es crue ma maîtresse, tu n'étais que ma mère.." au moment de leur rupture, trouve, en Chopin, un écho évident.
Cependant si l'on en croit les écrits de Rémy de Gourmont qui dépoussièrent joyeusement et efficacement les poncifs romantiques du genre "il découvrait en elle une bacchante nerveuse dont les élévations sublimes s'empêtraient dans les rages du plaisir ; elle avait l'impression de bercer un enfant malade" * la liaison ne fut guère épanouissante pour les protagonistes. Et les étés berrichons ou l'hiver majorquais sont loin d'avoir été idylliques. De fait, la traditionnelle estime réciproque qu'on leur accorde semble le résultat d'un "culturellement correct" qui cache sans doute bien des aigreurs.
" Ce n’était pas d’ailleurs une liaison, au sens strict du mot. Ce fut plutôt une possession où l’incube ne fut pas le frêle musicien... Il est donc ridicule de parler ici d’union idéale, d’amour platonique, de rencontres d’âmes; cependant ces expressions, qui n’auraient aucun sens du côté Sand, exprimeraient assez bien les aspirations secrètes du fragile Chopin.... Le célèbre « polyandre » lui faisait peur. Au premier contact il recula. La passion de la dame se manifestait par des airs dévorateurs...
Chopin s’abandonna, non sans souffrir. Il est la femme. Il a des scrupules, et parfois des remords. Il songe à sa famille, dont il a peur. Les premières années de cette liaison cependant ne le troublèrent pas au point de contaminer sa musique. C’est même à Nohant et à Majorque qu’il écrivit quelques-unes de ses plus belles pages. Quant à George Sand, elle rajeunissait près de ce cœur candide. Ses dernières amours connues étaient Musset et Pagello : la naïveté sentimentale de Chopin amusait sa perversité. Elle le traitait comme un enfant, comme une poupée, mais tirait de lui habilement avec tout ce qu’il contenait de volupté tout ce que la poupée avait dans le ventre de matière à littérature. Elle ne jeta au panier ce joli jouet qu’après l’avoir très proprement dépecé. Et tout cela avec quels élans de cœur, quels gestes maternels ! Elle fut maternelle jusqu’à sa dernière heure; elle mourut en berçant des adolescents et après avoir pouponné le pauvre Flaubert. Mais Flaubert était venu trop tard. Il n’avait connu que les bas bleus déteints de l’inférieure Colet et il croyait prendre sa revanche en baisant la mitaine du monstre. Chopin l’avait vue de plus près, le monstre, le crocodile : « Si je ne crois plus aux larmes, c’est que je t’ai vue pleurer. » Correspondance délicieuse des derniers temps ! La Sand, ayant conduit son amant jusqu’à la tombe, lui répondait amoureusement : « Mon cher cadavre ! »
Ah ! ces femmes sans lesquelles les chefs d'oeuvre n'existeraient pas !! Vous vous en doutez, c'est à moi, et non à Alter, que ce livre fut offert à Noël !!
Ouf, la charge est lourde et si vous en voulez plus, je vous laisse aller lire la suite de cette impressionnante diatribe, qui n'est pas du genre de celle dont le concepteur du spectacle s'est inspiré pour monter "les Amours de Nohant". José Manuel Cano Lopez a monté une représentation assez édulcorée, qui a pour principal mérite de faire la part belle à la musique. D'ailleurs, la FNAC vend les billets pour la soirée du 31 janvier au Vingtième Théâtre comme un concert de musique classique. Et d'ailleurs, c'est bien ce qui, paradoxalement, nous a un peu gênés. Car le pianiste est sympathique mais il aurait été plus inspiré de rester en "accompagnateur" et de jouer des pièces un peu moins longues, et il eut mieux valu que la musique soit au service du texte, ainsi que le titre le laissait prévoir. Texte par ailleurs un peu décevant, bribes éparpillées et fort minces, mais comment faire autrement au risque d'être pontifiant ? La mise en scène présentait quelques bonnes idées mais était un peu trop lâche. Quant à la narratrice, plus chanteuse qu'actrice, elle n'était pas forcément toujours convaincante.
Ne cherchez pas, je n'ai pas reproduit les "fausses lettres roses", soi-disant écrites par George à Chopin (un vers sur deux) ou à Musset (le premier mot de chaque vers), mon blog n'est pas un lupanar malgré l'article précédent, et ce serait idiot de me faire l'écho d'un canular ancien et fort prisé des amateurs de faux.
* Jean Rousselot "Chopin, le Roman d'un Romantique" page 169 (1968)
J'ai adoré ton billet !
RépondreSupprimerQuelle vie sentimentale, notre George !
Quant à la phrase de Musset : "Tu t'es crue ma maîtresse, tu n'étais que ma mère..." , elle pourrait s'appliquer bien des psychologies masculines... et féminines...
Bonne semaine, Michelaise !
l'éternel et délicat équilibre, si difficile à trouver entre relations amoureuses et relations affectives. Un vaste problème tu as raison Norma et le point d'achoppement de tant de couples !
SupprimerPassionnant, Monsieur de Gourmont n'y va pas avec le dos de la cuillère, mazette aurait-il un compte à régler avec les dames ?
RépondreSupprimerJe retiens malgré tout que amours idylliques ou pas c'est une période d'épanouissement pour la musique de Chopin, donc merci George !
Et voilà, Dominique, c'est le mot de conclusion qui s'impose !!!
SupprimerLe pire dans les vieux couples c'est quand ils s'appellent papa et maman quelle horreur. Allez restez jeune les filles. Michelaise le prochain article sur Le Marquis ?
RépondreSupprimerHORRRRRREUR en effet !! je pense que cela ne se fait plus guère, heureusement !! Le Marquis, pourquoi pas Robert ???
SupprimerBonjour, Michelaise.
RépondreSupprimerDerrière tes mots , j'ai retrouvé cet envoûtement des grands moments.
Merci beaucoup.
Bonne journée.
Je sais Herbert, combien Chopin est cher à ton coeur !!
SupprimerA propos du livre l'association d'histoire de l'art dont nous sommes membres a organisé à Bordeaux le mois dernier une journée "portes ouvertes" sur l'érotisme dans la peinture de l'antiquité à nos jours, c'était passionnant, le tableau de Boucher de Melle O'Murphy jeune "pensionnaire" de "l'escadron" de Louis XV y figurait bien sur elle avait moins de 15 ans que dirait-on de nos jours...
RépondreSupprimerAh oui Robert avec la sulfureuse Rolla de Gervex, le peintre des atmosphères qui rend là celle d'une torride nuit d'amour avec une virtuosité qui en impose !!
RépondreSupprimerOui Boucher aimait à représenter de toutes jeunes filles, que nous jugerions détournées ou offensées par un tel regard !!!
En tout cas, cela devait être passionnant ! j'avoue qu'à part Gervex, je ne "voix" pas d'autres peintures franchement érotique à Bordeaux, va falloir que tu m'expliques ce qu'on vous a montré !!!
Il s'agissait d'une projection !!! on est parti des vases grecs, passé par les romains rien au temps du gothique international ! pour arriver à la Renaissance et terminer au XXIe siècle ...j'ai les photos mais je crains d'être classé X voire XXL avec les romains si je fais un article !
RépondreSupprimerC'est fou toutes les critiques négatives qu'elle a reçues de son vivant cette George et je suis entièrement d'accord avec Dominique !
RépondreSupprimerTu n'as pas choisi la meilleure photo de cette "bonne dame " de Nohant. C'est sûr, elle avait une forte personnalité mais dans ce monde littéraire et artistique, il fallait que les femmes fassent double preuve de leur talent!!! Et quelle écriture elle avait...
Par contre les couleurs du désir m'intriguent, j'irai voir de plus près !!!!
Y aurait-il un vent de sensualité du côté de l'océan, hi, hi, hi !!!????
Ah que non, je ne l'ai pas flattée la pauvre George, mais je ne voulais pas tomber dans le poncif ! Les couleurs du Désir est vraiment un superbe bouquin, très intéressant même si on reste un peu sur sa faim, c'est souvent le cas avec les livres dits "d'art".
SupprimerQuant au vent qui souffle sur l'Océan, tu dois avoir raison, regarde le billet de ma copinaute et voisine Noune !!! Le GR 1. En hommage à Claude Mollard et Tomi Ungerer
Attention à vos jupons gentes dames en passant l'estuaire!!!!!! Bravo Noune !
SupprimerOh là là, si tu savais, le vent ici, Enitram, il est tout fou par moments !!!
SupprimerA savoir ce qui m'attend le 15 février ?
RépondreSupprimerUn beau spectacle de deux talents que j'avais eu le bonheur de voir à Nohant, dans la bergerie et parfois j'avais presque la larme à l'oeil tellement était émouvante la voix de Brigitte et le piano répondait parfaitement à cette émotion. Tu nous diras, Aloïs ! J'ai dû faire un article...
SupprimerJ'espère que mon choix de cette soirée le 15 février aura été plus judicieux
RépondreSupprimerCela devrait être très bien Aloïs : certainement de meilleure qualité pour l'interprétation musicale. J'ai vu le choix des textes, il est nettement plus fourni que le nôtre. Et sans doute plus évocateur. Par contre, le nôtre avait une mise en scène assez réussie.
SupprimerMe voilà, lectrice naïve et inculte qui tombe de haut ayant cru jusqu'à aujourd'hui à des amours paisibles et équilibrées entre George Sand et Chopin...
RépondreSupprimerBon tu as bien fait de me remettre (involontairement) sur les rails ;-)
Ton article est passionnant.
Merci Michelaise
Romantique va !!!
Supprimer;-) Que veux-tu.... On ne se refait pas... ;-)
SupprimerPS : c'est vraiment agréable la fonction d'abonnement aux commentaires... Au moins on sait lorsque la réponse arrive...
Bonne nuit Michelaise et bonne semaine à toi :-)
Avec ou sans tu n'es jamais seul(e) que dans ta tête :)
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