lundi 23 mai 2011

¡ ESPAñA !

Je vous en avais déjà parlé, l'annulation de l'exposition sur Diego Rivera prévue ce printemps à la Galerie des Beaux Arts de Bordeaux nous a valu une exposition improvisée ¡ España ! . En fait je ne sais nullement si elle fut improvisée, mais en tout cas, elle n'était pas prévue pour cette période. Quant à l'annulation, c'était pitié de voir que les commissaires avaient déjà rédigé et publié le catalogue, qui est d'ailleurs en vente, beau travail de réflexion sur le peintre cubiste, que l'affiche était prête à poser et, qu'il a, parait-il, fallu renvoyer quelques oeuvres déjà reçues pour la manifestation. Les gardiens eux-mêmes en étaient tout chamboulés.

Ce portrait, de grandes dimensions est peint à l'huile sur toile, mais son exécution d'un graphisme classique donne l'illusion de la technique du fusain. Seuls apparaissent sur la toile les traits du pinceau marquant le dessin en noir, avec pour les parties les plus affinées (tête et main), quelques plages modelées rappelant l'ombre de l'estompe. La composition, toute en courbes entremêlées, est douce et enveloppante.


Cette défection nous a valu une mise en valeur des collections du musée consacrées d'une part aux peintres espagnols, et d'autre part à l'inspiration hispannique propre à quelques peintres français. Je pense que le thème a été construit autour du splendide "portrait d'Olga" prêté par le musée Picasso pour l'exposition Rivera et qui était arrivé à bon port à Bordeaux. Quitte à présenter cette superbe toile, il paraissait logique de broder sur le thème de l'Espagne.

Le rez de chaussée expose les artistes espagnols dont bon nombre sont d'ailleurs venus s'installer en France. Bordeaux fut de tout temps terre d'accueil pour ceux qui fuyaient la terreur politique, que ce soit celle de Ferdinand VII et le Tribunal de la Sainte Inquisition (qu'on pense à Goya) ou plus tard celle de Franco. D'autres venaient, chassés par la pauvreté, en quête de travail. Et puis, les artistes espagnols aiment aller séjourner à Paris, et certains y restent. Ces jeunes artistes vont intégrer ce qui va devenir l'Ecole de Paris et qui, de Montmartre à Montparnasse attirera à elle les esprits les plus ouverts...

Joaquim Sorolla y Bastida Portrait de Madame Dequis, 1913
Sur un fond de tons sombres -verts, gris, marron- se détache le visage de Madame Jeanne Dequis, née Lavaud (1869- 1915), dont le rayonnement est souligné par l’éclat d’une blouse blanche de col délicatement transparent. Un grand chapeau à plumes appuie son élégance discrète et vient équilibrer la composition, réalisée dans une perspective oblique, formant avec le chapeau un V expressif et savamment équilibré par l'aigrette qui retombe sur la droite.


... Ferrandiz, dont je vous parlerai plus en détail dans le prochain billet, Sorola qui s'installe en 1885, qui découvre l'impressionisme qui illuminera beaucoup de ses toiles, Zuloaga arrivé en 1889 et qui va s'essayer à tous les "ismes" qui agitent ce petit monde, Picasso, parisien à partir de 1904 et bien d'autres encore.
 
Henri Achille Zo (1873-1933), La cour des Lions à l'Alhambra de Grenade,

A l'étage, l'exposition décline les artistes français que l'Espagne a inspirés. La vision romantique pour une espagne noire, sensuelle, pittoresque en a marqué plus d'un. Certains, comme Achille Zo, en retiennent des vues pittoresques et de belles évocations des monuments qui séduisent le touriste émerveillé. D'autres évoquent les heures sombres du pays, aimant, surtout en ce XIXème siècle finissant, brosser des scènes historiques d'une reconstitution douteuse, ou évoquer des scènes de genre, des portraits typés, des corridas ou des anecdotes populaires.

Yves Brayer Semaine sainte à Tolède, 1962, aquarelle
1962, aquarelle, et en-dessous, huile sur toile
Rue d'Almuñecar,

Enfin, une salle est presqu'entièrement consacrée à un artiste qui fut très à la mode dans ma jeunesse et pour lequel l'Espagne était une source inépuisable de motifs. Particulièrement à l'aise dans l'aquarelle, Yves Brayer (1907-1990) maniait  l'huile avec la même légèreté, sur un mode coloré et festif, et il est vraiment parvenu à renouveller le genre hispanisant et les thèmes typiques de la corrida, des places andalouses, des patios allanguis de chaleur ou des champs d'oranger croulant sous le soleil.

Gonzalo Bilbao y Martinez, Carmen, 1917. Plutôt que l'héroïne de Mérimée, c'est sans doute l'espagnole stéréotypée que le peintre nous montre. La mantille et son grand peigne rouge, le regard de braise, la posture fière et les couleurs chamarrées de l’ensemble renvoient à une image d’une Espagne pittoresque qui perdurera jusqu’à la fin du XXe siècle dans les cartes postales touristiques kitschs. Vous souvient-il de ces cartes habillées de tissus de pacotille qu'on vendait dans les années 60 ?? C'est ce genre un peu raide que Brayer a su dépasser avec brio.
PS les photos qui illustrent cet article ne sont pas prises à l'exposition mais utilisent les ressources d'internet ou le dossier pédagogique établi pour les visites scolaires qu'on trouve sur le site du musée.

11 commentaires:

  1. Excellent choix pour les peintures d'Yves Brayer, quel beau jeu de lumière sur la plus grande.

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  2. Oui Gérard, c'était vraiment un peintre de la couleur !! Cette rue est vraiment évocatrice ...

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  3. Tous des peintres que je ne connais pratiquement pas, leurs tableaux une vraie joie pour les yeux...
    Et cette "Carmen" sur la carte postale qui par sa jupe somptueuse me fait l'effet d'une madeleine, m'en évoquant celle que j'avais reçu il y a je ne sais plus combien d'années, ed era così bella, ma così bella... qu'elle avait failli remettre en question mon concept de kitsch !

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  4. J'aime beucoup Yves Brayer, surtout "Rue d'Almuñecar".
    Par ailleurs, il était de bon ton de le citer aux oraux d'espagnol...

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  5. Lorsque j'ai découvert le premier portrait, ma première réaction a été de me dire : quel beau dessin ! et surprise, il est peint à l'huile ! C'est bluffant !

    Biseeeeeeeeeees de Christineeeee

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  6. Bonjour Michelaise. Je suis totalement séduite par le portrait de femme en noir et blanc (j'ai vraiment cru à une réalisation au fusain) et par cette rue où la montagne colorée pose derrière le village inondé de lumière.... C'est magnifique !

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  7. Pas besoin des lunettes 3D avec le tableau que tu nous proposes ! (La cour des Lions à l'Alhambra de Grenade) C'est impressionnant même sur l'écran de l'ordinateur ce rendu en trois dimensions !

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  8. Il faut avouer, les filles, que cette peinture de Picasso est vraiment belle, très intérieure, très bluffante aussi. On est obligé d'aller coller son nez au tableau (à défaut de lire le cartouche !!) pour s'apercevoir qu'il ne s'agit pas d'un fusain. Et quelle douceur...
    Astheval, tu as raison pour le Zo, quoique j'avoue avoir un peu contrasté les couleurs, la toile actuelle étant, je l'avoue, plus pastel. Mais un beau rendu en effet.
    Siu, tu sais, moi non plus je ne connaissais quasiment aucun de ces peintres, ce sont de tout "petits maîtres", et justement, il m'a semblé intéressant de leur rendre hommage. Quant à la carte en question, j'ai aussi eu la mienne dans les années 60 et la petite fille que j'étais a failli aussi adhérer au kitch pour le reste de sa vie, tant j'étais alors enchantée de cette carte étonnante et si beeeeeeeeeeeelle !!!

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  9. Manifestement vous n'avez pas perdu au change!!!
    Sorolla est un de mes peintres coup de coeur
    Une magnifique exposition il y a deux ou trois ans à ton avis à quel endroit?
    Au Petit Palais bien sûr !!!
    Ta dernière photo comme disent les djeuns,elle est trop!!!
    Je suis certaine qu'on peut toucher la jupe!!!

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  10. Bonjour, Michelaise.
    Partir de Picasso avec Bordeaux comme terre d'acceuil.
    Merci beaucoup pour ce beau billet, toujours aussi finement et magistralement construit.
    Et bonne journée.

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  11. Herbert, c'est qu'un Picasso, un "vrai" à Bordeaux, cela méritait d'être souligné, d'autant qu'il est superbe.
    Aloïs, tu as raison, on n'a pas perdu au change, ne serait-ce que pour le Sorolla ou le Boldini dont je parlerai dans mon prochain billet. J'avoue que, toute passionnée que je sois de catalogues d'expos toujours passionnants quant au contenu, désireuse de plancher sur l'art moderne et soucieuse d'aider les pauvres commissaires de cette exposition Rivera ratée, je n'ai guère eu envie d'acheter le catalogue, trop difficile pour moi !!

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