mercredi 25 mai 2011

JEAN CLAUDE PENNETIER

Assister à un concert de Jean-Claude Pennetier, c’est être convié à un moment de partage et de communion intense autour d’un accord parfait : celui des œuvres qu’il a choisies et préparées pour nous. Un des plus grands souvenirs que j’aie parmi tous les concerts auxquels j’ai eu, tout au long de ma vie, la chance d’assister, est celui de ces 3 concerts donnés au Domaine Musical de Pétignac par Jean-Claude Pennetier, sa femme et son fils. Leur amitié avec Gérard Fauvin nous avait valu ces moments magiques où Poulenc, Babar, Debussy, Ravel et les percussions les plus étonnantes s’étaient offerts à nous par l’intermédiaire de Pennetier, de son épouse France (une pianiste remarquable aussi) et de leur fils Georges. Une approche de la musique qui n’a rien de mercantile, qui n’obéit à aucune règle ou mode affadissante et dont on ressort un peu grandi car enrichis d’un partage. C’est pourquoi, à propos du concert que nous avons entendu samedi soir à l’auditorium de l’Abbaye aux Dames de Saintes, j’ai surtout envie de vous parler de l’homme, pour, qui sait, vous donner envie d’aller l’entendre s’il se produit près de chez vous. Et surtout pour le remercier de ce qu'il apporte à son public, qu'il respecte infiniment.

La vocation de pianiste de Jean-Claude Pennetier date d’avant sa naissance, voire même d’avant sa conception, dit-il !! Autant dire que son enfance fut réellement conditionnée et que son rêve d’enfant, modestement éloigné de celui de sa mère, il voulait être organiste (ce n’est pas un révolté Jean-Claude Pennetier !!) se vit opposer la nécessité d’apprendre le piano. Et de poursuivre, de permier prix en premier prix, malgré son idée fixe ! S’il avoue en riant qu’aujourd’hui l’orgue ne le tente plus beaucoup, il a tout de même conservé ce désir pendant de nombreuses années. Être pianiste dès l’enfance, cela en a perturbé certains, Pennetier s’en est accommodé et s’il a eu d’autres velléités, comédien, peintre... il ne s’est pas rebellé. Mieux, il a repris ce métier de pianiste à son propre compte et là où son idéaliste de mère pensait lui offrir une échappatoire au monde, l’art devant aider à vivre hors du monde, il a trouvé que « que l'art est une manière d'exprimer son être profond dans le monde. Et de vivre deux fois plus intensément ». Il n’a pas choisi la musique mais il l’a immédiatement aimée et acceptée.

Enfant doux, rêveur et docile, il est devenu un adulte accompli autour de sa passion. Même s’il déclare que la chose la plus difficile de sa carrière fut de comprendre que sa vie entière allait se passer devant un piano : « N'être que pianiste, alors qu'il y a tant de choses qui me tentent et me passionnent. Le monde est si vaste. Et songer que toute sa vie d'homme ne sera que jouer avec mes dix doigts ! Ce fut très long à accepter et très dur. Maintenant j'ai changé. Peu à peu les œuvres que j'aime jouer m'ont fait sentir que toute ma vie pouvait s'inscrire en elles. Il y a tant de choses qu'on peut faire, qu'on peut dire avec ces touches blanches et ces touches noires, face à cette grande bête qu'est un piano ».

Grand travailleur, il joue environ quatre heures en moyenne chaque jour. « Ce sont des heures que j'apprécie beaucoup. Il y a la technique, certes, Mais il y a aussi les œuvres qu'il faut monter, se mettre dans les doigts, dans la tête et dans le cœur aussi ! Or je monte beaucoup d'œuvres et ça demande du temps. Car il faut toujours un certain temps face à son instrument pour qu'il fasse corps avec vous. Il faut que l'âme soit dans les doigts. Ce contact charnel est essentiel. Il n'y a pas que l'apprentissage et la technique. Il y a ce contact et ça, il faut le nourrir et ça vous nourrit ».
De bien mauvaises photos du concert, prises du dernier rang où l'accoustique est remarquable, avec un méchant téléphone ! Pour saluer la "tourneuse de pages" de choc de Jean-Claude Pennetier : son épouse, France, pianiste elle-même, qui a participé au concert avec tout le dévouement et la complicité requises !

Si j’ai voulu citer autant Jean-Claude Pennetier, c’est parce que ses propos ne sont ni affectés ni convenus : c’est un homme d’une sincérité, d’une honnêteté intellectuelle et d’une rectitude artistique assez rares. Et ses interprétations lui ressemblent : il joue avec une sensibilité qui vous prend au cœur, et vous fait participer, en tant qu’auditeur à sa démarche d’approche de l’œuvre jouée. Autant dire qu’il vous offre beaucoup, car on sent qu’il est « dans » la musique, fredonnée, alternant recueillement et jubilation, sagesse et émotion.


Son programme était d’une audace qui, en ces temps de démagogie outrancière, est à saluer : des œuvres peu connues, voire totalement inconnues des néophites de base, comme cette sonate de Hyacinthe Jadin qu’il nous a fait découvrir avec élégance et esprit. Un de ces défis qui sont tout à l’honneur des interprètes qui s’y adonnent.


L'allegro molto de la sonate op4, n°2 Hyacinthe Jadin (1776 - 1800)  joué par Jean-Claude Pennetier sur un pianoforte Schott de 1830. A Saintes, il jouait le grand  Steinway du Domaine de Pétignac, amoureusement accordé par Gérard.
Hyacinthe Jadin fait partie de ces compositeurs qui auraient pu être une légende et que l’Histoire a laissés injustement de côté. Né, selon les sources, en 1769 ou en 1776, il est mort de la tuberculose (on disait de consomption !!) en 1800, âgé de 24 ou 31 ans. Et au vu de ses dates, la plus grande partie de sa courte vie et de sa brève carrière se déroulèrent durant les temps troublés de la Révolution. Le répertoire de ses œuvres est essentiellement consacré à la musique instrumentale, de préférence pièces pour piano et musique de chambre. La sonate jouée l’autre soir, interprétée tout en finesse par Pennetier, était raffinée sans pour autant être fade.

Tout aussi intimistes, les pièces de Fauré qui suivirent permirent au pianiste de nous guider sur le chemin de ce compositeur qui mérite d’être approfondi. La deuxième partie du concert était consacrée à des pièces religieuses de Listz, jouées avec une simplicité, une forme d’évidence spirituelle qui leur donnaient corps et vie. Jean-Claude Pennetier nous a rendus, le temps d’un concert, plus riches d’émotions et d’intuitions musicales. N’est-ce pas, en soi, ce qu’on cherche dans un concert.


PS les citations de remarques de Monsieur Pennetier sont extraites d'une interview accordée par le pianiste à Alta Musica en 2000.

Pour mémoire : l'évocation de son entretien dans l'émission "à voie nue" sur Culture en 2010 :
Aux satisfactions immédiates du concertiste, Jean-Claude Pennetier préfère l'expérience. A la voix tracée droite, le musardage. Pour mieux revenir ensuite.... Il évoque très librement sa relation particulière à la musique, son refus de la carrière ainsi que les aspects les plus discrets d'un parcours spirituel qui l'a mené à devenir prêtre orthodoxe au sein de l'Eglise roumaine.

11 commentaires:

  1. Bonsoir, Michelaise.
    Tu m'émeus.
    Tout m'émeut.
    Y compris mon passé que tu fais ressurgir.
    Et ce que j'écoute s'entend bien avec que ce que tu dis de ton ami.
    Merci beaucoup.
    Bonne soirée.

    RépondreSupprimer
  2. Restons modestes Herbert... Jean Claude Pennetier est sans doute l'ami de Gérard, l'atypique facteur de piano du Domaine de Pétignac, qui lui-même est notre ami ... mais de là à s'adjuger l'amitié de Jean Claude Pennetier !! Non, je me contente de l'admirer de loin. Même si, tu vas sourire, nous avons des souvenirs de jeunesse communs (tu parles de passé qui resurgit) : en effet il y a presque 40 ans de cela, nous avions invité Jean Claude Pennetier, déjà reconnu mais encore fort jeune (comme nous d'ailleurs) dans un Festival de Musique à Gourdon dans le Lot, dont nous étions les ardents animateurs et qui s'intitulait Musique au Village. On faisait des concerts gratuits dans les endroits les plus reculés de ce beau pays, et nos artistes n'étaient autres que les vedettes des années qui ont suivi. Ah le passé !!!! Mais je doute que monsieur Pennetier s'en souvienne ...

    RépondreSupprimer
  3. Pennetier est donc guéri.
    Il avait annulé Nantes cet hiver remplacé par Brigitte Engerer
    Depuis que j'ai lu ton billet hier au soir je cherche où j'avais lu un article sur cet artiste qui m'avait émue et qui rejoint ton analyse à peu de choses près ,dite d'une autre façon
    Et j'ai retrouvé c'était dans Classica auquel je suis abonnée
    J'ai retrouvé l'article sur le net!!
    Car je ne trimbale pas mes Classica dans le Lot!

    http://www.pianomusique.com/3469/lascese-de-jean-claude-pennetier/

    RépondreSupprimer
  4. Oui il est guéri mais sans doute fragile ou au moins fatigable : faut dire qu'un concert, tel qu'il le vit, est une énorme épreuve physique. Et en prime, il ne lésine pas sur la durée : celui de Saintes a duré pratiquement 2h. Je vais voir Classica de ce pas
    Comment ça tu ne trimballes pas tes Classica dans le Lot, tu pars toute nue ???

    RépondreSupprimer
  5. Bonjour Michelaise. J'aime beaucoup ce que ce pianiste dit de son art. Bien que je ne sois pas musicienne je comprends très bien ce qu'il veut dire lorsqu'il parle de préparer et travailler une oeuvre et se l'approprier de telle sorte qu'elle soit jouée ensuite avec le coeur et l'âme...
    Je viens d'écouter 3 fois en boucle la sonate de Jadin... J'adore le piano. C'est un instrument qui m'émeut énormément. Un peu comme si chaque touche enfoncée était un doigt qui touche mon coeur...
    Merci de nous avoir fait partager ces moments. Je garde le nom de jean-Claude Pennetier en mémoire. On ne sait jamais...
    Bonne journée à toi !

    RépondreSupprimer
  6. Oui si on peut dire toute nue!!
    Je te dirais que cette fois je ne sais pas où je les aurais glissés
    Chargés comme des bourriques enfin les fleurs sont arrivées intactes!

    RépondreSupprimer
  7. FOSKIFO !! quand on va à la campagne fvaut mieux apporter de quoi survivre !! L'important c'est que les fleurs soient arrivées intactes !
    Oxy, dès lors qu'on éprouve un plaisir dans l'écoute, tout est parfait ! Et là, dans cet enregistrement de Jadin, tu as une version très épurée car, comme je le note sous le lien, c'est enregistré sur un pianoforte de 1830, donc c'est très "modeste" comme son, comparé aux pianos qu'on utilise de nos jours en concert, les Steinway le plus souvent, brillants, éclatants comme sonorité. Si tu aimes ainsi c'est que tu aimes la musique pour elle-même !!

    RépondreSupprimer
  8. Je suis encore ravie de vous lire et viens de terminer l'écoute du morceau, je ne connaissais ni Pennetier ni Jadin, et bien merci pour la découverte et le partage.

    A bientôt Miss.

    RépondreSupprimer
  9. Merci Miss Lemon, ravie de vous avoir fait découvrir sinon Jadin, on vit très bien sans, mais Jean Claude Pennetier, un pianiste qui rend l'écoute du classique tellement vraie !

    RépondreSupprimer
  10. Bonsoir Michelaise

    J'ai reçu au courrier du jour le programme du prochain festival de la Roque d'Anthéron.
    Il n'y a pas de hasard, je découvre la brochure et vois que Penessier se produira trois fois, Mozart, Liszt : Via Crucis, et lors de la Nuit Arte, en direct, même si je sais que vous n'avez pas de poste, qui clôturera ce mois de musique par "L'hexameron" transcris par Pennetier, pour six pianos.
    Six variations sur "La marche des Puritains" de Bellini par Liszt, Thalberg, Pixis, Herz, Czerny et Chopin.

    Je ne sais si je pourrais y être mais j'en rêve déjà.

    A très bientôt.
    Miss.

    RépondreSupprimer
  11. Aurais-je écris "Pennessier" dans mon message précédent, j'en suis désolée si cela est le cas.
    Toutes mes excuses.

    RépondreSupprimer

Pour vous aider à publier votre commentaire, voici la marche à suivre :
1) Écrivez votre texte dans le formulaire de saisie ci-dessus
2) Si vous avez un compte, vous pouvez vous identifier dans la liste déroulante Commentaire
Sinon, vous pouvez saisir votre nom ou pseudo par Nom/URL

3) Vous pouvez, en cliquant sur le lien S'abonner par e-mail, être assuré d'être avisé en cas d'une réponse
4) Enfin cliquer sur Publier

Le message sera publié après modération.

Voilà : c'est fait.
Et d'avance, MERCI !!!!