mercredi 17 novembre 2010

HUMEUR ?

Quelques concerts d'arrière-saison

Notre ami Gérard, l'accordeur génial dont je vous ai déjà parlé, aime à organiser des concerts dans son domaine musical, saturé de pianos et remplis d'ondes bénéfiques qu'il entretient à loisir. Parfois il prévient le matin pour l'après-midi, et les fidèles accourent ! C'est ce qui s'est passé il y a peu, un mail annonçait pour l'après-midi même un "concert pédagogique" avec FRD, le célèbre pianiste qui a arrêté sa carrière il y a bientôt 10 ans en jetant son piano dans le Lac d'Annecy. Selon certains il aurait renouvelé deux fois ce geste symbolique, selon d'autres il n'aurait jeté qu'une carcasse de piano. Toujours est-il que son geste le poursuit, et qu'il a tenu à nous dire qu'il le renouvellerait pour l'anniversaire des 10 ans de cette démonstration spectaculaire.

Concert pédagogique, destiné aux enfants du conservatoire d'Angoulême, mais comme ils n'étaient pas très nombreux, Gérard nous invitait à venir y assister. Car FRD, s'il ne fait plus de concert "classique", disons de récital, aime à se produire de-ci, de-là, nous l'avons vu plusieurs fois avec Alain Carré, pour "populariser" la musique. Nous l'avons aussi entendu à Bourg sur Gironde avec l'inévitable "démocratiseur" qu'est Zygel. Et en Périgordservant Don Juan, en vélo , accompagnant Berlioz, etc (il y a peu de pianistes que nous ayons suivi avec une telle fidélité) ... FRD aime à dire qu'il a fait ainsi 350 concerts  « Pourquoi me priver de quelques spectacles de plein air, de son et lumière, de l'action sociale, de participations à des spectacles poétiques ? ». Il reçoit des jeunes, va dans les prisons et aime à se produire "librement". Tout cela paraît fort sympathique, mais son discours un peu anarchisant, son ego surdimensionné sont en fait la traduction d'un réel malaise personnel et il ne parvient pas à masquer l'agressivité qui l'habite. Il a souffert, c'est évident et il le dit, du syndrôme de l'enfant prodige, du pianiste célèbre et de l'interprète adulé. Il raconte comment, enfant, il cassait ses pianos, piquait des colères gandisoses contre l'instrument et ceux qui l'y contraignaient. Il est solitaire, aime la nature et son vélo, et a haï profondément tout ce qui accompagne la carrière d'un artiste. Public peu respectueux ou peu connaisseur, chambres d'hôtel et ronds de jambes... On le comprend, on compatit à l'énoncé des contraintes que cette vie entraine, mais de toute évidence, cela lui reste sur le coeur ! Malgré les gestes symboliques qu'il s'évertue à réitérer. Pourtant, comme disait Alter, "il aime le rugby, il ne peut pas vraiment être mauvais, cet homme-là !".

Son concert pédagogique visait à démontrer aux jeunes qu'on peut "jouer" avec la musique, qu'on peut se libérer du "classique" et que ce répertoire, tout beau qu'il soit, n'est pas l'unique. Il a flagellé le piano avec sa ceinture, joué avec le nez et avec les fesses, et essuyé très proprement son instrument pour l'air dit "de la femme de ménage". Mais il faut avouer que lorsque le directeur du conservatoire lui a demandé de jouer de façon sérieuse, pour conclure, une étude de Chopin, il y a mis une mauvaise volonté caractérisée : après nous avoir reproché d'être trop d'adultes venus pour l'écouter, et nous avoir suspecté d'avoir voulu "l'entendre gratis" (car la veille au soir il donnait un "vrai" concert à Angoulême, tiens, tiens ?!!), il a joué avec une manifeste mauvaise volonté, les notes, certes, mais pas l'interprétation ! Du genre, "vous en aurez pour votre argent, pas plus". Nous étions venus rendre hommage à l'artiste, pas "profiter" vilement de sa prestation. Cela nous a laissé un petit goût amer !

Autre concert le lendemain, bien différent, un vrai bain de jouvence pour les michelais ! Laissez-moi vous raconter. Quand nous nous sommes mariés, il y a de cela fort longtemps, nous avions choisi pour animer la messe de mariage, des extraits de la Missa di Gloria de Puccini. Et puis, les temps changent, et les goûts évoluent, nous l'avons oubliée dans un coin ! Et voilà que, dans le cadre des Coréades, la messe était donnée ce dimanche à Royan. Petit pélerinage aux sources donc. Double pélerinage, en fait, elle était dirigée par un chef que nous suivions fidèlement dans notre jeunesse, car il opérait dans notre région : Jean Claude Gaudin. Douce surprise, il arbore maintenant une superbe crinière neigeuse, mais il n'a pas changé ! Cela fait du bien ! Et nous non plus, nous n'avons pas changé car nous avons écouté avec ravissement cette messe facile certes, mais si joyeuse, jubilatoire et pourtant très lyrique, et elle nous a autant plu qu'à 20 ans ! Les choeurs étaient un peu désavantagés par l'accoustique trop réverbérante de l'église Notre Dame, mais par contre les deux solistes étaient au top, et l'orchestre bulgare qui accompagnait l'ensemble, très professionnel. Une façon agréable de se réconcilier avec la musique !

Et pour finir, dernier concert à Royan il y a peu : les solistes de l'Orchestre National de Bordeaux Aquitaine pour deux sextuors, le premier de Brahms, une oeuvre de jeunesse d'un romantisme à vous faire décoller vers les sommets, oeuvre raffinée et d'une inspiration tendrement poétique, et souvenir de Florence de Tchaikovsky, une oeuvre de maturité pleine de joyeuse élégance, malgré sa tonalité mineure.


Une version mythique avec Isaac Stern et Pablo Casals... cliquez vous verrez "ça arrache" !!
La musique de chambre, c'est un savant équilibre entre des instruments, des solistes qui doivent savoir vibrer à l'unisson et avoir un niveau suffisant pour dépasser les barrières techniques pour une meilleure fusion, une salle à l'accoustique porteuse, et un public attentif et capable d'apprécier à sa juste valeur. L'accoustique de la salle de spectacle de Royan est catastrophique, écrasée, étouffée, on a l'impression d'être dans un abri anti-aérien. Vous imaginez mon expérience des abris anti-aérien mais bon ! Le public, lui, était de très bonne composition, respectueux mais assez néophite et prêt à tout applaudir avec entrain, un peu trop souvent et sans discernement. Quant aux musiciens, très à l'aise dans le Tchaikovsky, beaucoup plus symphonique, ils nous ont laissé de marbre avec le Brahms qui, normalement, arrache les tripes, s'il est joué avec souffle. Il faut dire qu'après des moments comme ceux vécus à la Roche Posay ou au concours de quatuors de Bordeaux, avec des solistes qui se donnent à fond et transforment la partition en une apothéose d'émotions et de félicité, nous sommes devenus exigeants et l'"exécution" banale d'un morceau nous ennuie. Une mention spéciale tout de même pour le tout jeune viloncelliste du sextuor, Kenji Nakaji, dont l'engagement et l'aisance inspirée s'accommodaient admirablement d'un violoncelle ancien de Bernardel père (1844). On sent en lui la ferveur propres aux étudiants de Philippe Müller, cette joie de rentrer dans la musique que ce maître a su inculquer à ses disciples. Kenji jouait en octobre au festival de l'Orangerie de Sceaux, peut-être l'y avez-vous entendu ?
PS Vous comprendrez que, contrairement à mon habitude, je me contente d'indiquer les initiales du pianiste invité par Gérard, parfaitement reconnaissable, mais non cité pour contourner les moteurs de recherche. Ce n'est pas de la lâcheté, simplement je ne veux pas faire de contre publicité à notre ami Gérard !! Certes je ne dis rien de bien méchant, mais comme FRD a manifesté sa mauvaise humeur devant l'âge moyen de son auditoire, je manifeste mon désappointement devant sa réaction. On ne sait jamais, Google est si indiscret, et les artistes si curieux de ce qu'on dit d'eux ! Et si peinés quand on n'est pas aussi flatteur qu'ils le voudraient. Témoin ce long commentaire écrit par un acteur après que j'aie simplement dit ne pas avoir été enthousiasmée par sa pièce, qui, au demeurant, marchait fort bien !!

8 commentaires:

  1. Oui oui FRD et les pyroconcerts de Talloires.
    ,pour ceux qui n'auraient pas compris qui était FRD.
    J'aime bien les comparaisons d'Alter,mais tu lui diras qu'il y a une différence entre aimer et pratiquer.C'est comme ceux qui préfèrent les chaines télévisées culturelles ils sont nombreux mais de là à les regarder...
    Nous c'était entre autre le Gloria de Vivaldi et autres cantates de Bach tu imagines tous les pèlerinages...
    Je ne sais pas si tu as remarqué mais on ne entend beaucoup Brahms ces temps-ci.
    Je crois qu'en province vous profitez bien mieux de tous ces moments musicaux que nous les parisiens et pourtant je suis persuadée que vous pensez que nous sommes privilégiés.
    Je vais tout de même m'essayer ce WE à Gaveau où La folle journée de Nantes a été transportée.
    Et puis pour en ajouter,je viens d'en entendre parler à l'instant sur Radio Classique

    http://www.beaujolais-yves-bonnet.fr/

    Le genre de manifestation qui te plairait et qui nous vaudrait encore un billet comme je les aime

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  2. Rendre la musique pédagogique et ludique et faire descendre la musique dite "Classique" de son pied d'estal en lui redonnant des lettres de noblesse populaires est une fort belle initiative que je salue ! bravo et belle soirée à vous !

    charmant blog que je découvre !

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  3. Bonjour Jerry et bienvenue sur mon blog... j'aime bien l'idée de "lettres de noblesse populaires"
    Oh Aloïs, le Gloria de Vivaldi, cela nous fait en commun le Gloria !! faut dire qu'un mariage c'est triomphal !!!! youpi... quant à la diffusion tous azimuts de la folle journée, oui, oui, j'avoue que l'idée que cela soit devenu un "concept" qui se marketise, pourquoi pas... m'enfin ?! remarque l'an dernier nous avions réussi à avoir une chambre à nantes pour la folle journée, mais pas moyen d'avoir des places tant ce fut pris d'assaut lors de l'ouverture de la location sur internet, résultat je suis un peu sur le reculoir !

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  4. J'ai réussi à avoir des places pour Shani Diluka!

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  5. Un joli billet en perspective, sans humeur j'espère... ou que bonne (l'humeur !!)

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  6. depuis quand n'a t'on plus le droit de s'exprimer ? la critique puet être bonne, mais aussi mauvaise c'est ce qui la rend intéressante !
    Bon allez un artiste a le droit aussi d'avoir ses humeurs !

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  7. Pas grave mais les gens qui "font" des spectacles aiment surtout recevoir des compliments, cela se comprend !!!

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  8. Sacré Gérard ...mélomane je te "l'accorde"

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