vendredi 20 avril 2012

LEONARDO DOPO MILANO

Suite de LEONARDO A MILANO


Été 1982... notre  6ème voyage en Italie. Après avoir, comme il se doit, découvert la Toscane en 1978, parcouru les plaines ravennates en 1979 pour y apprendre la mosaïque, pérégriné dans la campagne vénitienne à la découverte de Palladio en 1980, nous avions cette année-là envie de visiter l’Étrurie après avoir lu, avec enthousiasme, "les petits chevaux de Tarquinia" !! 
Florence venait d'accueillir, mais nous ne le savions pas, une exposition consacrée au Codex Hammer, précieuse collection d'écrits scientifiques de Léonard de Vinci, 72 pages de dessins et d'écrits qui fascinent les collectionneurs depuis 5 siècles. Il appartint d'abord à des artistes, peintres, sculpteurs, puis fut vendu en 1717 à Thomas Coke, comte de Leicester. Ce qui lui valut son premier nom "Codex Leicester". Resté à Norfolk jusqu'en 1980, il fut cette année-là vendu chez Christie's à un certain Armand Hammer* qui l'installa au cœur de son musée californien de Los Angeles. Il l'avait donc prêté, sous le nom de Codex Hammer, au musée des Offices pour une exposition exceptionnelle, décidée pour fêter le 5ème centenaire de l'arrivée de Léonard à Milan, au service des Sforza. L’Italie fêtait dignement son héros et, aux multiples conférences, séminaires et autres colloques consacrés à l'étude de son œuvre, s'ajoutaient de nombreuses expositions, donc celle de Florence fut sans doute, avec ses 350 000 visiteurs (oui, plus que Londres 2012 !!) la plus impressionnante.

Nous étions encore fort ignorants de tout cela, et notre approche de l'art et de la peinture était aussi enthousiaste que naïve. Ainsi, nous n'avions pas imaginé que le nom du trop célèbre auteur de la Joconde puisse venir de son village d'origine. Imaginez quelle fut notre joie d'avoir, Google n'existait pas, l'impression d'avoir découvert une donnée fondamentale de l'Histoire de l'Art en abordant Vinci. Car, sachant que le lieu où l'on nait vous façonne et vous modèle, nous étions certains de mieux comprendre Léonard après avoir visité les lieux de son enfance. Nous étions donc arrivés, tout fringants et fort curieux dans ce petit sanctuaire de la mémoire, jusqu'à la maison natale pieusement conservée sur la route d'Anchiano, à un jet de pierre de la ville. Fruit d'amours ancillaires, Léonard était le fils illégitime de Piero de Vinci, notaire, et de Caterina, probablement domestique de la maison. Son grand-père, Antonio de Vinci, enregistra sa date de naissance, 15 avril 1452, sur la dernière page du livre de notaire de son père, mais n’en précisa pas le lieu. Toutefois, on admet couramment que les bâtiments d’Anchiano, existant dès 1427 et situés sur les terres qui appartenaient à la famille de Vinci depuis la fin du XVe siècle, sont très probablement sa maison natale.

 La Madonna dei Fusi, telle que nous l'avons admirée à Vinci (collection américaine). Elle aurait été payée 150 millions de dollars, ce qui en fait une des peintures les plus chères de tous les temps.

Ensuite, nous avions décidé de visiter le musée consacré à Léonard, histoire de découvrir "pour de vrai" la mise en volume des dessins qui nous avaient tant intrigués. On ne voyait guère encore, à l'époque, ces maquettes de machines volantes, d’automobiles, de ponts, de poulies compliquées, comme on s'est plu à les multiplier depuis. Et là, au cœur du château des comtes Guidi, dans une salle doucement éclairée, présentée comme un joyau inattendu à nos yeux éblouis, s'est révélée pour nous seuls, une petite peinture (50 x 36 cm) qui défrayait, parait-il, alors la chronique du monde de l'Art. Il s'agissait de la Madonna dei Fusi, que nous avons reçue avec une telle intensité que, 30 ans plus tard, nous nous en souvenons avec la même intensité.


Le groupe de la Vierge et de l'Enfant domine un paysage montueux où certains ont relevé une orographie dolomitique, qui serait le fruit des observations de Léonard lors de son séjour en Vénétie. Les deux figures sont disposées harmonieusement de part et d'autre de la diagonale du tableau. La Vierge, tournée vers la droite, retient l'enfant et l'observe avec une expression triste et résignée, typiquement léonardesque. L'enfant, potelé et coquin, se projette vers la droite et admire un dévidoir  à laine qu'il tient à la main. L'image est admirable : l'instrument cruciforme, utilisé pour préparer les laines du tissage, devient un symbole de la vie, le fil de la vie, mais aussi de la mort du Christ, car il a une forme de croix. Et, sous-tendant l'ensemble, le fait que le sacrifice de Jésus sera Rédemption pour les hommes. Bien plus complet comme symbolisme que l'habituel chardonneret ou l'agneau qui n'évoquent que le sacrifice (le chardonneret car il se nourrit de fleurs de chardon qui évoquent la couronne d'épines).

La ville de Vinci avait organisé une exposition intitulée "Leonardo dopo Milano" qui regroupait œuvres, écrits et dessins du maitre et de ses élèves autour d'une seule peinture, récemment nettoyée et appartenant à un collectionneur américain, désireux sans doute de consolider au mieux sa toute nouvelle attribution. Certains en effet, comme à chaque nouvelle œuvre donnée à Léonard, en contestaient l'originalité, et n'y voyaient que pâle copie ou mieux, travail d'élèves. 

 La version d'Edimburg : volée dans des conditions rocambolesques et assez violentes en 2003, et retrouvée intacte après de vaines tentatives de demande de rançon, dans une étude notariale, en 2007.

L’œuvre originale fut peinte, on le sait par une lettre de Fra Pietro da Novellara à Isabelle d'Este et datée du 14 avril 1501, pour Florimond Robertet. Il s'agit d'« une Vierge en train de dévider un fuseau tandis que l'enfant pose le pied sur la corbeille de fuseaux et regarde attentivement les quatre branches en forme de croix. » Le tableau décrit dans cette lettre est donc identifié comme la version originale de la Madone aux fuseaux, due à la main même de Léonard. De nombreuses copies en furent réalisées, et, chaque détenteur prétend avoir l'original. C'est absolument rigolo de lire les notices de chacun sur Wikipedia : celle d'Edimburg présente deux photos : la "sienne" donnée DE Léonard, et dessous celle des États Unis, donnée comme copie. Si vous allez sur le site en italien, vous trouvez exactement la disposition inverse. On en trouve même une, qui ne fait pas parler d'elle, au musée des Beaux Arts de Dijon !

 La copie de Dijon

L'émotion ressentie en 1982 est restée intacte et, pour nous, Vinci a pris ce jour-là tout son sens : en espérant avoir l'occasion d'y retourner un jour puisque la maison natale de Léonardo doit rouvrir en 2012. La peinture que nous y avons admiré en 1982, nous a paru splendide et pour nous, à l'époque, les organisateurs de l'exposition ne nous laissaient aucun doute, c'était l'originale.   Elle figure d'ailleurs, dans le catalogue "officiel" (mais américain !!) des œuvres de Vinci  et son propriétaire, continue de la prêter de-ci, de-là, pour en consolider l'attribution ! Comme le propriétaire du Salvatore Mundi a vu dans l'exposition de Londres l'occasion idéale pour accréditer la "découverte" selon laquelle cette peinture serait autographe. Mais c'est une autre histoire !




* Depuis, revendu en vente publique en 1994 et acquis par Bill Gates qui, soucieux de mériter son titre de "bienfaiteur de l'humanité", le prête chaque année pour des expositions à travers le monde (il était en 2004 à Chambord) et a assuré une édition de l’œuvre en CD qui a permis sa vulgarisation. Il lui a redonné son nom de Codex Leicester.

4 commentaires:

  1. Parmi toutes ces toiles au même thème, j'admire particulièrement le visage de la Vierge... Douceur, tristesse, inquiétude... C'est magnifique
    Bon week-end à toi Michelaise :-)

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    1. Oui douceur maternelle, mais aussi inquiétude car l'avenir de l'enfant est noir, et les peintres montrent toujours cette compassion de la Vierge pour les souffrances à venir de Son Fils
      Merci Oxy

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  2. L'émotion de cette Vierge est très belle....
    Nous avons eu à Amboise, au clos-Lucé une belle exposition il y a quelques temps sur Léonard de Vinci et la France, avec de nombreux dessins, c'était un vrai plaisir pour les yeux.
    bonne journée!

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    1. Une autre émotion justement Eimelle que celle du jour où nous avons découvert le Clos Lucé !!! et sans doute souvent des expositions passionnantes !

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