samedi 25 mai 2013

LA VILLA ET L'ANTI-VILLA (2) : LA VILLA DEI VESCOVI

SUITE DE 



La villa Olcese de Torreglia fut édifiée au milieu des collines euganéennes entre 1535 et 1542, comme résidence de vacances de l'évêque de Padoue, et elle mérite de ce fait le surnom de villa dei Vescovi. Le commanditaire, Francesco Pisani en fit le siège d'un cénacle intellectuel*, fréquenté par tout ce que l'époque comptait d'hommes de lettres et d'humanistes.


C'est un peintre-architecte de Vérone, Giovanni Maria Falconetto qui en conçut le projet, et tout l'intérieur, et même les loggias, fut décoré de fresques délicates réalisées par Lambert Sustris, grand admirateur de Raphaël. D'autres noms célèbres intervinrent ensuite ** et la villa resta propriété de la curie padouane jusqu'en 1962. Achetée à cette date par un milanais, Vittorio Olcese, elle fut léguée par sa seconde épouse et son fils à la FAI *** en 2005 et restaurée avec le talent qu'on connait à cette institution. Cela nous vaut l'immense joie de pouvoir la visiter et l'admirer dans sa beauté retrouvée.


La villa s'élève au coeur d'un splendide amphithéâtre des Monts Euganéens, ces ravissantes "taupinières" qui piquètent de leur courbes arrondies la sévère plaine padouane. Épousant la forme du terrain, elle offre sur la nature environnante de nombreuses échappées, qui ont permis aux bâtisseurs de réaliser une parfaite harmonie entre l'architecture et le paysage.


Dès l'entrée, on pénètre dans une simplissime et pourtant ébouriffante cour jardin, parfaitement carrée, qui s'ouvre par de larges arcades sur les vues environnantes. Au fond, la villa s'élève sur une impressionnante base à bossages, qui lui fait un socle solide et bien proportionné.



La construction, aussi idéalement carrée que le jardin d’entrée, s'ouvre largement sur l'extérieur par deux loggias ceintes de fresques représentant une tonnelle, avec des roseaux, des vignes et des treillis de bois, donnant la sensation que la nature envahit la pierre. L'environnement naturel, comme élément susceptible d'élever l'âme et d'éduquer l'esprit, prend ainsi une sorte de valeur morale, comme un idéal de vie  qui épanouit l'esprit.



Cette nature est de nouveau présente à l'intérieur du bâtiment, par l'intermédiaire des superbes fresques de Lambert Sustris, qui, entre deux scènes allégoriques, donne une grande importance à l'élément illusionniste de paysages, en vue classique ou à vol d'oiseau.


La restauration, parfaite, des lieux, et surtout l'accueil presque amical dans le complexe de la Villa dei Vescovi, permet au visiteur d'éprouver cette sensation de sérénité, de refuge pour méditer et l'on n'a qu'une envie, c'est de s'installer dans les fauteuils, disséminés partout, pour s'imprégner des lieux. Sur les deux loggias, des divans en rotin invitent à la halte, au sous-sol des canapés incitent à s'installer, une cafeteria en libre-service (on laisse son argent dans une corbeille et l'on se sert en boissons chaudes et pâtisseries variées... et personne ne "pique" les billets, et encore moins les petits gâteaux !!) permet de prolonger la visite.


L'endroit est vraiment "rare" tant par son état de conservation que par son charme. C'est une vraie leçon d'humanisme en 3D : il faut y aller aux heures calmes (nous y sommes arrivés en fin d'après-midi) pour en apprécier la quiétude, et surtout cette parfaite adéquation entre l'idéal d'un bâti confortable, conçu pour la fête et la réception, et une intégration parfaite dans l'environnement, dont il s'agit d'admirer les beautés. Ici, tout est équilibre et harmonie.



Exactement la devise du FAI : "Per il paesaggio, l'arte e la natura. Per sempre, per tutti". On peut même s'y installer, puisque le FAI y propose deux appartements au second étage, fort bien agencés, qui se louent à la demande. "Nos hôtes peuvent savourer l'expérience de vivre dans une villa en appréciant la vraie nature de cette demeure : celle d'un lieu où réfléchir, se retrouver, s'arrêter pour jouir de la beauté pure des espaces intérieurs et du paysage environnant. Se promener parmi les œuvres d'art, admirer la précieuse décoration intérieure à fresques,  et se reposer dans les loggias silencieuses, en admirant d'un côte la beauté des collines et de l'autre le subtil dégradé de la campagne. Et quand la villa ferme ses portes, nos hôtes peuvent s’immerger dans une atmosphère unique, en profitant de la lumière du coucher de soleil." J'avoue ne pas m'être renseignée pour connaitre le prix d'un tel bonheur, cela aurait été trop trivial !!





* comme ce fut le cas pour celle, bien plus modeste mais tout aussi recherchée, de Bembo !

** Giulio Romano, Vincenzo Scamozzi, Andrea della Valle entre autres...

*** FAI fonds pour l'environnement italien qui sauve, restaure et entretient de nombreux sites auxquels il a rendu sa beauté originelle : depuis le bois de Saint François jusqu'à la boutique Olivetti de la place San Marco en passant par les jardins de la Kolymbetra en Sicile et de nombreux autres lieux magnifiques. FAI auquel nous adressons toujours des "remerciements" émus quand nous visitons une de ses fondations !

PS qu'il me soit permis ici de me féliciter de l'initiative du FAI qui, plutôt que de poursuivre les malheureux touristes de la vindicte de ses gardiens supposés interdire les photos, propose à l'entrée un billet à 3 euros, qui autorise à prendre tous les clichés qu'on désire. Au moins ainsi les choses sont claires !
A SUIVRE 

10 commentaires:

  1. Quelle merveille ! Tout me plaît ici : les murs, les salons et la nature environnante. Tu as dit dans ton article le mot qui m'est venu à l'esprit en découvrant tes photos : "Sérénité" car c'est bien ce que j'ai ressenti au fil de cette "visite"...
    Un grand merci à toi pour cette magnifique découverte :-)

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    1. Les "amis" (ils ne l'étaient pas encore mais le sont devenus ou le deviendront, nous avons trop de goûts communs pour en rester là !) qui nous l'avaient chaudement recommandée, avaient surtout insisté sur ce bien-être qu'on éprouve en visitant la villa dei Vescovi :(bien sûr en évitant les moments trop fréquentés) c'est superbe de la part du FAI d'avoir recréé cette ambiance, qui est la définition et le sens même de la villa !

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  2. Je partage pleinement l'étonnement d'Oxy, et ces sensations si agréables, assouvissantes dirais-je de sérénité qu'on éprouve face aux images de ce lieu : on dirait un véritable miracle représenté aussi bien par la villa en soi que par sa parfaite intégration dans la nature, avec laquelle on releve qu'elle a un dialogue d'une valeur incomparable...
    Quant au prix pour y séjourner, hélas, je ne peux qu'imaginer qu'il soit prohibitif : le FAI est une insitution bénie des dieux à laquelle je conjure de ne jamais disparaitre, surtout dans un pays barbare comme le mien, mais les initiatives qu'il organise sont toujours très chères, je pense par exemple à plusieurs concerts que je n'ai pas pu me permettre. C'est peut-etre un bon choix, que ce soient les riches à payer pour protéger nos biens artistiques..?.. question ouverte.

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    1. Il me semble qu'il en a toujours été ainsi : les gens qui ont les moyens et du goût œuvrent pour favoriser l’expression artistique ou la conservation, pour la plus grande joie de tous. Peu importe qu'on ne puisse séjourner dans la villa puisqu'on y a un accès à un prix correct pour la visite et qu'on bénéficie de ces installations, fauteuils, sous-sol avec canapés, terrasse, un peu comme si on y habitait. Et surtout la villa est merveilleusement entretenue et restaurée.

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  3. un endroit qui donne envie de se poser, de contempler...
    bon dimanche!

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    1. De méditer, de dessiner (si on sait le faire !! c'était le cas de Jacques, l'ami dont je parle, qui a passé son après-midi à griffonner) ... visiter et être bien dans un lieu pour en éprouver physiquement la vocation repos et détente, c'est une sacrée réussite.

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  4. Siu a raison, et je ne saurais mieux dire, la qualité du dialogue entre paysage et architecture est miraculeuse. Merci à toi de m'avoir introduit dans ce luogo stupendo que je ne connaissais pas!

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    1. Ce qui nous a plus saisis dans cette restauration est, justement, l'intelligence de la démarche : donner ou redonner (à nous contemporains qui y voyons, une manie du touriste, d'abord un lieu à "visiter") le sens du lieu... comme une église ne peut être un hall de gare où les touristes déambulent en parlant, en flashant, en commentant les oeuvres, il y faut une certaine réserve qui correspond à la vocation de l'édifice, la villa obéit à un souci de "villégiature", de bien-être, de repos... et offrir au "passant" ce sens, permet de mieux comprendre pourquoi ces villas ont été construites. Comme il m'a semblé parfaitement logique d'y vendre vins, huile et miel, produits par le FAI ou les environs, car la villa est aussi une ferme !! Logique même si, bien sûr, c'est aussi du marketing ! mais bon, faut-il être bégueule, si cela crée des ressources qui permettent de maintenir le patrimoine en état ? On rejoint la question de Siù...

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  5. Superbe ! irresistible envie d'y être !

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