Agité, l'air bougon, il parcourait les allées en maugréant... il avait manifestement envie de partager son mécontentement ...
- Je n'ai jamais vu une exposition aussi laide.
- Vous n'aimez peut-être pas les scultptures animalières ?
- Mais si, au contraire, j'adore ça...
- ???
- Mais c'est cette présentation, c'est horrible, insupportable.
- ... C'est de la muséographie moderne, c'est cela qui vous insupporte ?
Et de repartir en râlant dans sa barbe, pas encore revenu de la mise en scène, et, en plus, vexé de ne pas être moderne. Rien de révolutionnaire pourtant dans cette présentation, qui est, à mon sens, de très bon goût. On nous a évité les forêts de pacotille ou les fausses allées en sous-bois dans lesquelles ce monsieur devait sans doute vouloir voir s’ébattre les animaux. Un ensemble sobre, brun, orange et vert tendre, des cheminements sur des allées en aggloméré très rustique, à gros copeaux, comme les socles de présentation des sculptures, et surtout une vraie cohérence dans la progression de l'exposition.
Le titre de cette exposition présentée au musée des Années 30 du tout flambant neuf espace Landowsky de Boulogne, est aussi sobre que sa présentation : "100 sculptures animalières, Bugatti, Pompon, Giacometti ...". Pas de prétexte fumeux, pas de problématique prétentieuse : non, 100 sculptures de "bêtes", par les plus grands en la matière. L'événement rend hommage aux artistes qui se sont passionnés, et se passionnent encore pour la représentation de l'animal, sauvage ou familier, réaliste ou stylisé. Après Barye, Mène et Géricault, la sculpture animalière était à réinventer, et les "jeunes générations" du début du XXème la délivrèrent de son côté épique, au paroxysme de l'action, et toujours très naturaliste.
La première section de l'exposition montre cette approche encore très soucieuse de l'anatomie, rendue après avoir passé de longues heures d'observation au Jardin des Plantes ou au Zoo de Vincennes. Un bestiaire riche et varié exprimé par des matériaux toujours nouveaux, le bronze, bien sûr, mais aussi le plâtre, le pierre, le granit, le grès, le cuivre... toutes matières prêtes à rendre au plus près la douceur d'un pelage, la nervosité d'une musculature.
On croise dans cette partie des sculpteurs consacrés, comme Bourdelle (1861-1929), Bugatti (1884-1916) ou Sandoz (1881-1971), mais aussi les nombreux contemporains de ce qu'on pourrait appeler le "groupe du Jardin des plantes" : Henri Bouchard (1875-1960), Georges Guyot (1885-1973), Marcel Derby (1914-2003) Paul Jouve (1873-1973), Jacques-Victor Dulau (1918-1973), Gabriel-René Lacroix (1875-1950), Jacques Nam (1881-1974), Dandelot (1910-2007).... Des femmes aussi : Anne-Marie Profillet (1898-1939), Olga Yversen (active entre 1928 et 1938), Chana Orloff (1888-1968).
Guyot
Tous ont cet art consommé de la spontanéité, adoucie d'une sorte de compassion pour leurs sujets. Ils arrondissent les lignes, simplifient à l'extrême, toujours soucieux de réalisme mais ajoutant à ces sculptures un caractère de "portrait". Tout est dit, les animaux ont une présence et une expressivité étonnantes, on les voit vivants, vibrants, prêts à l'action ou au repos. On a l'impression d'une complicité entre les artistes et leurs modèles.
La deuxième section s'ouvre sur un "ancien", Pompon (1855-1933), mais parle maintenant d'une recherche d'absolu, d'une volonté de stylisation dont il a été le promoteur éblouissant. Les lignes anatomiques sont épurées, étirées, simplifiées à l'extrême et acquièrent une efficacité éblouissante.
Pompon est un magicien de la forme : économe de détails, il se concentre sur la structure, il équilibre les masses et ses animaux sont habités d'un supplément d'âme. Comme si l'intériorité du sculpteur trouvait sa traduction dans ces formes "sans trou ni ombre". Pompon a la passion du lisse, du doux, du rond, et, de fait, ses sculptures attirent la main pour la caresse. La lumière qui joue sur les flancs de ses animaux brille et chatoie doucement, invitant à l'arrêt, à la méditation, à la contemplation.
J'ai une passion particulière pour Pompon qui en a inspiré beaucoup, Armand Petersen (1881-1969), Alfred Janniot (1889-1969), Charles Artus (1897-1978) ... mais que peu ont égalé.
Pompon
Pompon est un magicien de la forme : économe de détails, il se concentre sur la structure, il équilibre les masses et ses animaux sont habités d'un supplément d'âme. Comme si l'intériorité du sculpteur trouvait sa traduction dans ces formes "sans trou ni ombre". Pompon a la passion du lisse, du doux, du rond, et, de fait, ses sculptures attirent la main pour la caresse. La lumière qui joue sur les flancs de ses animaux brille et chatoie doucement, invitant à l'arrêt, à la méditation, à la contemplation.
Pompon
J'ai une passion particulière pour Pompon qui en a inspiré beaucoup, Armand Petersen (1881-1969), Alfred Janniot (1889-1969), Charles Artus (1897-1978) ... mais que peu ont égalé.
La troisième section, regroupant des artistes souvent contemporains des précédents mais ayant une approche plus libre; s'intitule "l’animal prétexte, liberté formelle". On y croise Arp (1886-1966), Zadkine (1890-1967), Gargallo (1881-1934), Duchamp-Villon (1876-1918), Picasso (1881-1973), Calder (1898-1976) et, bien sûr Giacometti (1901-1966).
L'animal devient abstrait, se teinte d'humour ou de poésie, se joue des réalités anatomiques pour se concentrer dans la représentation du mouvement ou, au contraire, d'une immobilité inquiétante.
Arp
L'animal devient abstrait, se teinte d'humour ou de poésie, se joue des réalités anatomiques pour se concentrer dans la représentation du mouvement ou, au contraire, d'une immobilité inquiétante.
L'exposition se termine par une dernière salle résolument contemporaine, parle de "questionnements infinis". On y rencontre un cochon "taxidermisé" et tatoué, un esturgeon nageant dans une flaque de bijoux de pacotille, un renard qui a aussi subi une taxidermie mais dont la peau est à l'envers, un squelette d'homme en biscuits à chien et un âne grandeur nature transformé en porte-pyjama.
On ressort de cette salle déprimé, l'art moderne est morbide, déstabilisant, terriblement baroque au sens inquiétant du terme. Surcharge, provocation, désespoir en un mot, pèsent sur ces animaux qui dérangent ! Même les papillons volent dans un amas de détritus qui fait penser au 6ème continent.
On ressort de cette salle déprimé, l'art moderne est morbide, déstabilisant, terriblement baroque au sens inquiétant du terme. Surcharge, provocation, désespoir en un mot, pèsent sur ces animaux qui dérangent ! Même les papillons volent dans un amas de détritus qui fait penser au 6ème continent.
Vous avez vu une bien belle exposition, Michelaise. J'aime particulièrement l'élégance des sculptures de Pompon. Quant à la mise en scène, elle me paraît parfaite: sa sobriété met en valeur les oeuvres afin que le public n'ait de regard que pour elles. Merci d'avoir partagé vos photos avec vos lecteurs. Je vous souhaite une belle soirée!
RépondreSupprimerC'est tout à fait cela Anne. La présentation s'efface devant les œuvres et on n'a d'yeux que pour les sculptures ... Pompon, moi, j'ai toujours envie de toucher, c'est rond, c'est lisse , c'est tentant !
SupprimerJe crois que cette présentation ne m'aurait pas déplu, l'évolution de la représentation de l'animal, et c'est vrai que l'on aurait bien envie de caresser certaines sculptures!
RépondreSupprimerDepuis le naturalisme jusqu'à l'abstraction en passant par la simplification ...
SupprimerJe connaissais Pompon, que j'aime. Robert Hainard n'y est pas. Il est sans doute moins connu. J'aime autant ses sculptures que ses gravures.
RépondreSupprimerBon orage!
Pas vu de hainard. Ça sent l'automne
RépondreSupprimerCette présentation qui met en valeur les sculptures et non pas la folie d'un commissaire d'exposition égocentrique, me plait beaucoup.
RépondreSupprimerJ'aime Bourdelle et Pompon entre autres.
Mais comme toi je suis anéantie par cette représentation dite "contemporaine" de la troisième partie qui, me dérange désagréablement.
Belle journée et merci pour cette belle visite
Oui Mireille, un respect total pour les artistes...
SupprimerQuant aux temps modernes, qu'on nomme contemporains en Histoire de l'Art, ils sont carrément déprimants !!
Pompon sort vainqueur de cette exposition !
Oh, j'habite à 4 minutes à pieds du musée ... et je n'y ai mis les pieds qu'une fois en 4 ans - la honte! je voulais emmener ma filleule mais elle a préféré l'expo Babar. Je pense que j'aurais eu un doute sur la 3ème partie, moi aussi...
RépondreSupprimerBlandine
Oh vas-y Blandine ! tu habites donc juste à côté de chez ma Koka, ou presque, elle est à Issy !
SupprimerL'exposition est belle tout de même, dommage de la rater, tu as encore quelques jours je crois ?
justement j'hésitais! Pompon et Arp! quelle merveille et pas seulement de l'art animalier.
RépondreSupprimerArp c'était assez poétique mais Pompon garde ma préférence Miriam. Merci de ton passage et vas-y, prends les deux !!
SupprimerAlors évidement le cochon n'est pas celui qui a le plus de classe mais il est toujours aussi sympa ;-))
RépondreSupprimerAh le cochon, Chic, un vieux copain d'Alter depuis la déclaration de Kouchner, "cochons de dentistes"...
Supprimerici c'est un vrai cochon, mort de vieillesse et tatoué du nom de l'artiste Wim Delvoye, WD, comme Walt Disney... amusant en effet !!!
Certes le cochon (mon animal préféré) manque un peu de classe, mais le sanglier, lui, est superbe! Il faudrait que tu ailles voir en complément de cette exposition La petite renarde rusée quand tu reviendras à Paris, c'est le plus bel opéra animalier qui soit!
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