L'Hôtel de Caumont récemment restauré, réhabilité et fraîchement inauguré, a été cédé par la mairie d'Aix en Provence dont c'était l'ancien et malcommode conservatoire, à Culturespaces, la fondation qui gère, entre autres, le musée Jacquemart-André. Rien d'étonnant alors que l'exposition inaugurale de Caumont ait été consacrée à Canaletto, profitant sans doute ainsi d'une synergie avec l'exposition Canaletto-Guardi, les deux maîtres de Venise, qui s'est déroulée en 2013 à Paris.
A Aix, l'exposition est entièrement consacrée à Canaletto, et sous titrée "Rome, Londres, Venise, le triomphe de la lumière". Et cette manifestation entièrement consacrée au védutiste vénitien est, comme toutes les expositions de Culturespaces, intelligemment montée et fort judicieusement présentée. Le parcours, après une présentation du peintre, de ses origines et du genre qu'il va affectionner et pratiquer toute sa vie, la veduta, parcourt chronologiquement les trois lieux essentiels de sa brillante carrière : Rome, d'abord, où il commence vraiment à peindre des toiles de chevalet, puis Venise où il devient célèbre grâce à un collectionneur anglaise, puis Londres pour finir à Venise (ce sera l'objet de mon second billet). Suivent deux sections passionnantes qui montrent d'une part ce que fut la technique du maître et qui furent ses imitateurs ou, en renouvelant son style, ses suiveurs (ce sera l'objet de mon premier billet). Et comme l'exposition, je vais commencer par présenter le peintre et ses années de formation à Rome.
Rome, Santa Maria d'Aracoeli et le Capitole - Bernardo Canal, vers 1720-1722
Musée de Budapest
La peinture du père de Canaletto, anecdotique (linge qui sèche, quidam qui urine dans le coin droit du tableau, chiens qui se disputent ...), trace une vision idéalisée et un peu déformée du Capitole et déplaçant l'église d'Aracoeli afin qu'on la voit en entier. L'ensemble, quoiqu'un peu raide, n'est pas sans saveur !
Giovanni Antonio Canal naît à Venise en 1697, dans la paroisse de San Lio, près du Rialto. Il est fils d'un artiste vénitien, Bernardo Canal, peintre de scénographies et de décors de théâtre qui bénéficie d'une évidente autorité et d'une certaine aisance. C'est dans l'atelier de son père qu'il apprend la peinture, et, dès 1716 il aide son père, avec son frère Cristoforo, à peindre les décors pour deux œuvres de Vivaldi et Fortunato Chelleri, représentés aux théâtres Sant'Angelo et San Cassiano à Venise.
En 1719-1720, Bernardo, le papa, (1674-1744) est appelé à Rome pour travailler sur deux opéras de Scarlatti au théâtre Capranica. De tous ces décors, il n'est bien sûr rien conservé mais le nom d'Antonio Canal figure sur certains programmes d'opéra !
En 1719-1720, Bernardo, le papa, (1674-1744) est appelé à Rome pour travailler sur deux opéras de Scarlatti au théâtre Capranica. De tous ces décors, il n'est bien sûr rien conservé mais le nom d'Antonio Canal figure sur certains programmes d'opéra !
Le scene sono dei signori Bernardo Canal, e Antonio suo figliuolo, veneziani
Les décors sont de messieurs Bernardo Canal et Antonio, son fils, vénitiens.
Le voyage à Rome est décisif pour Antonio, car c'est là qu'il a les premiers contacts avec les peintres du védutisme. Trois importants artistes qui excellent dans le genre des vedute constituent des références : le premier est Viviano Codazzi (1604 – 1670), qu'Antonio n'a pu connaître de son vivant, le seconde est Giovanni Paolo Panini et le troisième est le hollandais Caspar van Wittel (appelé ultérieurement Gaspare Vanvitelli), considéré comme l'un des pères du vedutismo. Le védutisme consistait, pour ceux qui l'ont inventé, à reproduire fidèlement des paysages urbains en s'attachant à la précision topographique et architecturale. C'est Canaletto qui créera la veduta vénitienne, en explorant au retour sa ville dans ses moindres recoins. Mais la découverte des monuments antiques et des ruines du forum ont aussi une forte influence sur l'avenir de sa carrière. Il exécute sur place une vingtaine de dessins de "vues d'après nature" et, à son retour, Rome lui inspire plusieurs paysages peuplés de ruines antiques, en forme de "caprices", genre dans lequel il excellera bientôt. Le caprice est différent, quoique cousin, du védutisme. Il est plus tardif et l'on peut considérer qu'il fait partie de l'art baroque. Le décor de théâtre, la musique et l'architecture privilégient cette forme artistique qui se permet de grandes libertés avec la réalité des paysages et assemble des éléments d'architecture éloignés, ou de périodes différentes. Il s'en dégage toujours une grande fantaisie, et l'on imagine volontiers que sa formation de peintre des décors a favorisé chez Canaletto l'inventivité et l'aisance dans ce genre qui fait appel à l'imagination.
Composé selon une scénographie théâtrale, ce caprice réunit, autour d'un bassin, des éléments d'architecture antique (fontaine avec tympan à volutes, colonnade en ruine ...) et un édifice qui semble inspité du temple d'Antonin et de Faustine à Rome. Au loi, on aperçoit la colonne Trajane et le château Saint-Ange, surmonté d'une coupole et d'un clocheton. Il semble que le tableau se rapproche d'une description du décor de Turno Aricino d'Alessandro Scarlatti (1660-1725), tel qu'il fut mis en scène au théâtre Capranica pendant le carnaval de 1720 : "Portiques, roche d'où jaillit l'eau de la fontaine florentine, atrium qui s'ouvre sur un site agréable où se trouve le temps de Jupiter Latiaris".
Caprice avec ruines romaines d’Antonio Canal (attribution confirmée après la restauration effectuée à l'occasion de l'exposition) vers 1720-21
Composé selon une scénographie théâtrale, ce caprice réunit, autour d'un bassin, des éléments d'architecture antique (fontaine avec tympan à volutes, colonnade en ruine ...) et un édifice qui semble inspité du temple d'Antonin et de Faustine à Rome. Au loi, on aperçoit la colonne Trajane et le château Saint-Ange, surmonté d'une coupole et d'un clocheton. Il semble que le tableau se rapproche d'une description du décor de Turno Aricino d'Alessandro Scarlatti (1660-1725), tel qu'il fut mis en scène au théâtre Capranica pendant le carnaval de 1720 : "Portiques, roche d'où jaillit l'eau de la fontaine florentine, atrium qui s'ouvre sur un site agréable où se trouve le temps de Jupiter Latiaris".
Rome et Venise, caprice architectonique - Antonio Canal, 1723 - Collection privée
Ici Canaletto mêle aux ruines archéologiques de Rome quelques monuments vénitiens en arrière-plan : rien n'arrête l'inventivité quand on peint un caprice ! Les détails de la toile, peints d'un touche rapide et déjà très experte, sont autant de petits tableaux dans la toile principale, qu'on prend plaisir à savourer !!
Une femme vient laver du linge à la fontaine, tandis qu'un porte-étendard regarde l'eau en appuyant son drapeau blanc contre la margelle... près de lui, une fillette l'observe avec curiosité. Allez, imaginons l'histoire : le jeune homme qui semble plongé dans la contemplation de son reflet vient tous les jours pour tenter de séduire la belle lavandière, pendant que sa petite sœur, au courant de l’intrigue, n'en perd pas une miette !
Sur le toit de ce qui ressemble aux procuraties, une femme étend du linge et des rubans qui flottent dans la brise légère.
Mais que fabrique donc ce suisse, en équilibre instable sur un rocher, brandissant sa lance et tentant maladroitement de se hisser plus haut ? Il semble absorbé dans l'observation d'une pierre romaine sculptée ... rêve-t-il de batailles ?
On dirait une scène de théâtre : deux conspirateurs, étroitement penchés l'un vers l'autre, complotent. Le suisse est appuyé contre une colonne tandis que près de lui, l'homme en haillon que tire un gamin pas mieux loti, semble plongé dans de profondes réflexions. Mais derrière, sur la gauche, une ombre inquiétante les épie !
Près d'un mendiant, une femme gronde son enfant tout penaud. Elle a posé sa cape et son panier et semble très véhémente, le drôle a sans doute fait une grosse bêtise. Derrière eux, un peu à l'écart, un autre garçonnet remplit très précautionneusement une coupe avec sa cruche d'eau, est-ce pour donner au mendiant ?
Au pied d'un escalier majestueux, aux balustres régulières, deux personnages discutent et l'un d'entre eux montre à l'autre le chemin, "Vous montez pas là, et ensuite ...". Au loin un palais aux fenêtres protégées par des stores de guingois.
A SUIVRE
Il faudrait bien qu'un jour je pousse à Aix après Avignon !
RépondreSupprimerUne bonne façon de terminer notre semaine dans le Sud !! Au début, nous y allions depuis Avignon mais finalement, il faut mieux y passer une journée au retour, car le trajet est plus long qu'il n'y parait !!
SupprimerNous y sommes allés aussi, splendide expo !
RépondreSupprimerAmitiés
J'étais bluffée par la qualité de cette expo ! espérons que les suivantes seront aussi intéressantes ... ravie que vous l'ayez vue aussi, et aimée.
SupprimerEffectivement une expo splendide dans un cadre remarquable... avec beaucoup de photo pour un article mort-né.!!!!
RépondreSupprimerDonc vous y êtes allés aussi ... et vous avez, comme nous, trouvé que c'était magnifique ! Quelle belle structure que cet hotel de caumont
RépondreSupprimer