Elle l'avait déjà vue mais avait été tellement enthousiasmée qu'elle a choisi de venir la revisiter avec nous. Il faut dire que le propos est passionnant et le cheminement muséographique fort riche. Beaucoup d'oeuvres sont issues de collections particulières, ce qui donne à ce genre d'exposition une saveur supplémentaire.
Dans l'intimité des frères Caillebotte est très exactement le type d'exposition intelligente qui vous change des grands messes trop fortement médiatisées : elle décrit une ambiance, une atmosphère familiale, pesante et conventionnelle. Elle fait découvrir des mises en perspectives inédites et éclaire notre connaissance d'un peintre, ici Gustave Caillebotte, sous un nouveau jour.
Nous avions déjà appris, lors de la création de la Messe solennelle pour le temps de Paques, que Gustave avait un frère, musicien et compositeur : Martial. Dans l'exposition de Jacquemard André, on découvre les talents de photographe de ce dernier, féru de cette technique alors nouvelle et qui a pris de nombreux clichés, portraits, scènes de famille ou scènes de rue. On imagine volontiers combien l'approche photographique de ce dernier a influencé la peinture de son frère. Le cadrage des scènes d'intérieur, des gens ou des paysages lui permettait d'adopter des points de vue inédits, en plongée, en contre-plongée, de biais, point de vue qui vont provoquer forcément une certaine séduction pour le peintre.
Les deux frères sont fortunés et n'ont pas besoin de travailler. Ils vont pouvoir passer leur vie à investir dans leurs passions, qui sont nombreuses et que souvent ils partagent. Gustave, passionné de bateau, se fait une réputation d'architecte naval, et tous deux construisent, enchaînent les régates que Martial photographie et que Gustave peint.
Martial nous l'avons dit, étudie la musique au conservatoire, il joue et compose pour piano, voire pour orchestre, et Gustave croque des scènes musicales.
Passionné d'horticulture, Gustave entreprend la construction d'une serre envahie d'orchidées, qu'il aura soin de peindre pour mieux en saisir les subtiles mais éphémères nuances.
Et surtout, Martial manie la chambre noire avec délectation : ses images montrent des sujets proches de ceux que peint son frère : figures penchées au balcon, intimité familiale, vues sur les boulevards, scènes de rue où le pavé occupe, comme dans les toiles de Gustave, un large premier plan. Dès son apparition, la photographie est accueillie par les artistes comme une auxiliaire précieuse et troublante. N'oublions pas qu'alors, la vraisemblance est considérée comme la finalité de l'art. Or quel outil plus magique que ces étonnantes boîtes noires d'où la réalité surgit, à peine déformée par l'absence de couleur. Les artistes utilisent beaucoup les clichés pour mémoriser les scènes à reproduire, mais ne s'en vantent pas, comme s'ils avaient honte de ce secours technique trop "facile".
Paradoxalement, et contrairement à la première impression, si l'on s'attache à examiner les dates, chez les Caillebotte, c'est le peintre qui a inspiré le photographe. En effet Martial s'est lancé dans la photo en 1891, quelques années seulement avant la mort de Gustave en 1894. On peut donc imaginer, et ce d'autant que les frères ne cohabitent plus, que son oeil est influencé pour ses mises en scènes et pour ses cadrages par ceux des peintures de Gustave. Il réalise, avec plus de variété car un cliché est plus vite réalisé qu'une toile, une mémoire familiale et sociale qui est absolument passionnante à déchiffrer. L'abaissement du temps de pose autorise des scènes moins figées, presque prises sur le vif, qui nous offrent un témoignage émouvant de la vie d'une famille aisée en cette fin de XIXème siècle.
Une vie bourgeoise certes, oisive et confortable. Même si de nombreuses scènes sont naturelles et anecdotiques, il suinte de cette ambiance une atmosphère assez lourde et qui fait singulièrement penser à du Tchékov ! L'ennui, les conventions et le désoeuvrement y sont aussi palpables que dans "Le déjeuner", toile déconcertante mais ô combien parlante de Gustave.
Je regrette de ne pouvoir voir cette expo! Tu sais comme j'aime Caillebotte! mais je vais voir s'il y a un catalogue et comment ce le procurer.
RépondreSupprimerOui il y a un catalogue, fort bien fait mais un peu cher
RépondreSupprimertu le trouveras sur Amazon en occasion un peu moins cher :
http://www.amazon.fr/Dans-lintimit%C3%A9-fr%C3%A8res-Caillebotte-Photographe/dp/2081257068/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1305318824&sr=1-1
regard aussi sur Priceminister !!
Nous avons les billets, ton billet me conforte dans ce choix! il est magnifique! Merci!
RépondreSupprimerBon week-end!
Il faut que je vérifie la date de fin, j'aimerais bien la voir cette expo-là. Pourtant j'ai des souvenirs d'être très entassés dans ce lieu, ce n'était pas le cas cette fois-ci ??
RépondreSupprimerSI Aifelle c'était entassé et comme ce sont des photos, il faut vraiment choisir les heures les plus calmes. Aloïs a eu la chance de la voir sans presse et c'était sans doute plus agréable.
RépondreSupprimerENitram, je suis sûre que tu aimeras car c'est une exposition "vivante" enfin "de vie".
Bonjour, Michelaise.
RépondreSupprimerJe découvre plein de choses passionnantes avec des illustrations exemplaires.
Je reviens demain.
Merci beaucoup. Pour tout.
Je t'embrasse.
Quelle exposition passionnante... le parallèle entre la peinture et les photos est étonnant, et au seul vu des photos , on aurait en effet pu croire à l'influence mutuelle des deux frères or tu nous apprends qu'il n'en ait rien et que c'est le peintre qui a influencé le photographe, surprenant vraiment !en tout cas , j'aime beaucoup...
RépondreSupprimerIl faut réserver si je comprends bien.J'ai un peu peur du monde !
RépondreSupprimerBelle soirée,Michelaise.
Je ne verrai pas cette exposition Michelaise, mais en voilà une magistrale présentation.
RépondreSupprimerJe vais même la relire et m'attarder sur les images.
Au fait, bravo pour la présentation.
Vous donnez envie de découvrir cette exposition. Bonne semaine!
RépondreSupprimerAnne
Pas besoin de réserver Evelyne il suffit de faire la queue et rencontrer une Michelaise qui offre le billet qu'elle a en trop à une personne au hasard!!!
RépondreSupprimerJe suis certaine que cette personne n'en revient toujours pas et se demande encore ce qui lui vaut ce plaisir comme elle le demandait!!!
Merci Herbert, ravie de te voir de retour, et tant pis pour les pastis après la pétanque !!
RépondreSupprimerCatherine, quand on visite l'expo, on se dit que Gustave a dû s'inspirer, voire copier les photos de son frère... et l'on découvre en effet que le frère a surtout pris ces photos après la mort de Gustave ! Comme quoi, il faut se méfier des a priori
Anne merci de votre passage, une expo fort originale et intéressante, vraiment.
Ah ah, Aloïs, j'avais oublié cet instant : nous étions 4 à être contentes, la jeune femme qui a reçu le billet et nous trois de voir son étonnement !! marrant comme on peut créer un instant de bonheur, fugace mais réel avec un geste simple et surtout spontané.