samedi 21 mai 2011

QUATUORS A BORDEAUX 2011


Année sans concours : je vous rappelle cette manifestation à laquelle nous assistions les années dernières et qui s'organise autour d'une forme musicale qui est sans doute parmi mes préférées : le quatuor à cordes. Héritière directe du concours international d'Evian, créé en 1976, l'épreuve a vu sa notoriété s'affirmer quand elle a été "déménagée" (récupérée diront certains) par Bordeaux en 1999. Depuis le concours revient tous les 3 ans dans la capitale de l'Aquitaine, en alternance avec Reggio Emilia (en 2011) et Londres (en 2012). Les années sans concours, Quatuors à Bordeaux propose tout de même au public un rendez vous sous la forme d'un festival . Durant une semaine, il est possible d'assister à de nombreux concerts et de retrouver aux côtés de formations invitées, les lauréats des Concours précédents.  On peut également assister à des master-class, dispensées aux jeunes formations invitées.

Nous avions choisi la journée qui accueillait le quatuor vainqueur de l'épreuve 2010 à Bordeaux : si vous allez parfois écouter des quatuors à cordes, lisez leur notice bibliographique, telle que nombre de programmes en exposent parallèlement à la présentation des morceaux du concert. Vous verrez qu'il n'est pas rare qu'un quatuor se prévale d'avoir gagné un de ces 3 concours qui a, fort à propos, lancé sa carrière. Nous allions donc entendre au Grand Théâtre de Bordeaux le quatuor Zemlinsky, dans un programme intéressant : Haydn pour le quatuor dit "de l'Empereur", le quatuor numéro 3 de ce fameux Zemlinsky, et le quatuor numéro 2 de Mendelsohn. La formation vainqueur en 2010 est arrivée dans la salle de son triomphe en jetant sur le public un regard confiant et rassuré : enfin ils allaient jouer en ces lieux de façon décontractée, et non en tremblant de décevoir un jury, dont on sait qu'il est intransigeant. Habitués au public du concours, forcément mélomane et très au fait des moeurs musicales, ils ont été un peu surpris par la manie bordelaise d'applaudir sans discernement entre chaque mouvement, et la déconcentration qui s'en est suivi n'était pas à leur avantage. Toujours impeccables d'un point de vue technique, ils n'avaient pas l'inventivité qui a fait leur succès l'an dernier. Ils ont joué certes avec brio, mais sans cette inquiétude qui, finalement, sied aux concertistes. Un bon concert, mais loin des émotions du printemps 2010.

Pas de doute, la musique de chambre demande une sacrée forme physique : comparez le dos du violoniste entre le début du concert et une heure plus tard !!

A midi, dans la merveilleuse salle capitulaire de la cour Mably, on écoutait un tout jeune quatuor roumain
Le Quatuor Arcadia, créé en 2006 alors que ses membres fondateurs étaient encore étudiants à la « Gh. Dima » Académie de musique de Cluj-Napoca. Ils fréquentaient alors la classe de musique de chambre du professeur Nicusor Silaghi, membre du Quatuor Transylvanien. Cherchant continuellement à étendre ses horizons scéniques, le Quatuor a participé à différentes Master Classes à la fois en Roumanie et à l'étranger.
Leur programme à Mably était court mais musclé :  après le quatuor n°3 de Bartok, le superbe quatuor en fa majeur de Ravel, exécuté avec une fougue due à leur immense jeunesse.

Mais le plus passionnant de la journée fut sans nul doute d'assister aux masters classes dispensées par le professeur Eberhard Feltz. Vilonoiste et chambriste il a décidé de se consacrer à la pédagogie. Dans sa classe de la Musikhochschule de Berlin se sont succédés des formations devenues célèbres : les Quatuors Kuss, Vogler, Camerata, Faust, Atrium, Ebène, ... Il donnait donc aux jeunes invités du Festival des cours de près de 2 heures qui valaient qu'on y assiste, bien qu'ils soient en allemand. La présence d'une interprète, discrète mais intervenant pour les notions les plus complexes, et surtout l'expressivité toute latine de ce prusse enthousiaste, permettaient de suivre conseils, remarques et critiques.

Le quatuor de Madrid, très attentif, mais ayant encore besoin de travailler beaucoup, suivait avec vénération ses observations, en tentant de traduire l'allemand en espagnol et l'espagnol en musique !! Ils planchaient sur la Grande Fugue de Beethoven, une oeuvre éminemment compliquée et qui demande une grande mâturité.
- Savez-vous que juste l'année où Beethoven écrivit cela, on inventait l'écriture en braille ?
...

- Les deux violons étaient magnifiques (un bon pédagogue qui commence toujours par les compliments !!) mais les deux autres qui débarquent, ça manquait de méditation !!
Se retournant vers le public :
- ça va ??
- On a entendu pire (rires !!)
- A Bordeaux, on a un public merveilleux ! Et ici, tout le monde se rend compte qu'avec cette figure Beethoven a inventé un langage nouveau.
Du coup, voilà nos jeunes musiciens investis d'une mission encore plus difficile : nous montrer en quoi "Beethoven, c'est une réflexion, mais qui ne dort pas !"
- Là on aurait dit que tu écrasais une grenouille !


La séance avec le quatuor Zaïde fut plus musclée. L'an dernier, ces 4 jeunes femmes avaient décroché à l'unanimité et sous les vivats le prix de la Critique musicale. D'après une amie qui assistait aux deux premières master classes de la formation, Ebehald Feltz les secoua pas mal et n'hésita pas à les remettre en cause. Il voulait, semble-t-il, leur démontrer que rien n'était acquis et qu'elles ont encore beaucoup à faire ! Du coup, lors de leur dernier cours, l'ambiance était un peu tendue et le premier violon, volontiers rétive, ne semblait guère apprécier les recommandations du professeur. "Warum ?", lui demandait-elle ex abrupto, à propos d'un avis technique. Il prit très à coeur cette réserve et tenta longuement, mais en allemand, de justifier et d'expliquer ses interventions, ayant soin de souligner très souvent le talent des musiciennes. Il ne put tout de même s'empêcher de conclure sur le rôle du temps et du travail assidu, susceptibles, il le leur a garanti, de leur assurer la perfection !!

9 commentaires:

  1. Les femmes tiennent encore la vedette, mérité je pense !

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  2. Comme il doit être difficile d'être musicien... de devoir gérer l'oeuvre, les partenaires, le public et le stress inévitable...
    Face à ces concerts je n'aurai pas eu ce regard pointu que tu as et je n'aurai su que me laisser porter (ou non) par la musique...
    Bon dimanche à toi Michelaise.

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  3. Merci Gérard pour cet hommage à la gent féminine ! Là, les Zaïde avaient vraiement du caractère et c'est un plus indéniable !
    Tu as tout compris Oxy, être musicien c'est un travail d'enfer et un stress permanent. Quant à la réussite d'un concert c'est une osmise entre le public et les artistes, quand le public est mauvais les artistes sont "commerciaux" ! et ils ont raison !!

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  4. Il me semble que j'ai connu ton blog lors du billet sur ce festival, il y a un an, en tout cas, je m'en souviens comme si c'était hier...

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  5. Cécilia Bartoli vient à la fondation *Pierre Gianada* à Martigny !!!Le 22 juin 2011.

    Fondation connue au delà des frontières, pour ses expositions extraordinaires.... Et ses concerts.

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  6. Bonjour, Michelaise.
    Je serai toujours étonné par la précision et la pertinence de tes analyses.
    Je sais, il y a alter.
    Mais d'où vient cette passion pour la musique ? D'où vient cette passion pour la peinture ?
    Il y a un truc...
    Tu le diras peut-être un jour.
    Bon dimanche et merci pour tout.

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  7. NORMA, c'est vraiment sympa de souligner l'anniversaire de notre "rencontre" !!! ça me fait tout drôle !! EN tout cas, oui, le temps passe...
    BEATRICE, la Grande Cécilia, quelle chance !
    HERBERT, ça me fait aussi tout drôle !! je t'avoue ne jamais m'être posé la question de l'origine de ces passions. Un fond de culture familial, et surtout, toujours, le désir d'en savoir plus, à deux... une immense curiosité et une inlassable envie d'approfondir pour comprendre, et pas seulement regarder ou écouter. Car regarder ou écouter passivement, chez moi, provoque l'ennui. Et plus on découvre, plus on aime, non ??

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  8. Le programme du mardi m'aurait je crois davantage tentée Zaïde et Beethoven!!!
    Le cadre de celui du vendredi aussi
    Le quatuor est je trouve un exercice difficile pour le public,car méconnu pourtant les quatre voix donnent une certaine couleur
    Une couleur que j'apprécie beaucoup peut-être car assez proche du baroque.
    Et puis peut-être que les gens ne comprennent pas bien la présence de trois de ces instruments si proches ,du moins l'alto qui est peu connu du grand public.
    Quant au violoncelle pour beaucoup ce n'est que Tous les matins du Monde ,alors que les suites pour violoncelle de Bach par Queyras ou Anne Gastinel,quel bonheur sans aller jusqu'à Rostro
    Connais-tu ce lien?

    ftp://trf.education.gouv.fr/pub/educnet/musique/webradio/secondaire/bacmusique/opus_131-Imp.htm

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  9. Tu as raison de préciser ce point de vue Françoise : nous sommes tellement mordus de musique de chmabre, et en particluier de quatuors, que cette passion nous semble devoir être communicative. Mais ce n'est peut-être pas si évident que cela d'apprécier.
    Le lien que tu me donnes me fait me rendre compte que, bien qu'utlisatrice obligée d'educnet (ma boite en déborde tous les jours) je ne connais pas les coins secrets de ce site où l'on apprend beaucoup !!
    Zaïde et Beethoven, oui tu as bon goût mais que les derniers quatuors sont difficiles, pour le coup, il faut être pointu !!
    Quant au Chateau Lafite, c'est bien sûr la soirée originale du Festival : le concert a lieu dans les chais, et on t'offre une petite dégustation avant d'entrer, ce qui est assez magique. Cependant l'accoustique est "moyenne", disons juste correcte mais pas porteuse, il fait froid et les instruments à cordes souffrent, et enfin le public est un peu "en goguette", du genre cocktail et baisemains avant. Mais ceci mis à part, l'expérience vaut d'être vécue !
    l'an dernier nous y étions :

    http://lepetitrenaudon.blogspot.com/2010/05/toujours-les-memes-partitions.html

    et nous avons eu droit à quelques gouttes de Chateau Lafite Rotchild de 1995, ce qui était assez grandiose !!

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