Au flanc de la cathédrale de Tours,
qu’Eimelle appelle aimablement la Gatienne, du nom de son saint
patron, Gatien, à gauche des hautes tours un peu composites qui
construisent dans le ciel tourangeau une double flèche aux accents
presque lyriques, s’élève le cloître de la cathédrale,
construit, ou reconstruit, on s’en doute, aux alentours des années1500.
On y chemine ainsi entre un gothique tardif et déjà fort disert, et une renaissance qui ne dit pas encore son nom, mais se pare déjà des atours d’une élégance revisitée.
On y chemine ainsi entre un gothique tardif et déjà fort disert, et une renaissance qui ne dit pas encore son nom, mais se pare déjà des atours d’une élégance revisitée.
Le Chapitre métropolitain de Saint
Gatien était formé de chanoines séculiers, qui trouvaient dans
l’enceinte de la cathédrale un lieu de vie leur offrant toutes les
commodités propres au recueillement et à l’étude. Pour cette
dernière ils disposaient d’une bibliothèque, plutôt appelée
librairie, fondée par un érudit et mécène, Raoul Le Segaler, qui
entretenait des liens très étroits avec la bibliothèque Sainte
Geneviève du Mont à Paris.
Le bâtiment fut entrepris sous le mécénat de Jean Bernard, en 1460, celui-là même qu’on voit agenouillé à droite sur le triptyque de la Passion de Jean Poyer. On y accède par la galerie située à l’étage, auquel on monte par un escalier qui se donne des airs de Chenonceau et qui vous accueille, au sortir des voûtes d’ogive par une porte de la plus belle eau antiquisante.
Belle salle voûtée d’ogives, car elle est dans la partie la plus ancienne du cloître, la librairie est éclairée par six grandes fenêtres à meneaux, dont on sait qu’elles arboraient des papiers huilés en guise de vitres. C’est devant ces fenêtres qu’on disposait les pupitres pour la lecture, alors que les manuscrits étaient rangés sur des lutrins, ou dans des coffres, pour les plus précieux d’entre eux.
Traditionnellement, le scriptorium se trouve près de la libraire. Celui de Tours a été commencé au début des années 1500. Il est, bien sûr, très lumineux, pour faciliter le travail des copistes et orienté plein sud. De plus, et c’est à cet accessoire qu’on reconnaît toujours le scriptorium, il possède une cheminée pour éviter que les doigts engourdis ne puissent tenir la plume. Plume tenue dans la main d’écriture alors que, de l’autre, le moine tient un canif, qui lui sert à gratter les erreurs et à tailler son instrument.
Début XVIème, le support est, pour les ouvrages soit du parchemin, un vélin très fin préparé avec soin, soit du papier qui va peu à peu le supplanter pour des raisons d’économie. On admire d’ailleurs, dans l’exposition Tours 1500, un missel imprimé que se firent fabriquer à plusieurs exemplaires les chanoines de la Cathédrale, copies d’un exemplaire unique sur vélin qui ne pouvait être partagé entre eux tous ! Les couleurs y sont rapportées à la main, avec un soin extrême, faisant de cet ouvrage imprimé une vraie œuvre unique. Avant l’imprimerie, la méthode de reproduction des ouvrages consistait à les recopier, et c’était le travail des copistes. Souvent, en plus, ces derniers commentaient, annotaient et illustraient les textes reproduits.
La bibliothèque de Tours, composée d’un fond fort ancien remontant pour certaines pièces au VII ème siècle, comportait, outre les textes liturgiques (bibles, missels, livres d’heures) de nombreux ouvrages littéraires, scientifiques et musicaux. Les copistes y avaient donc fort à faire ! D’autant qu’en ces années 1500, la ville est en train de prendre un essor artistique qui en fait l’égale de Paris. La présence de Jean Fouquet, l’existence d’une clientèle privilégiée, en partie royale, permet l’essor d’une activité artistique de premier plan. C’est aussi ici que s’établit la chancellerie et que l’on trouve tous les membres de la haute administration royale, une classe de lettrés aisés qui se découvre un goût pour les beaux arts et commande volontiers des ouvrages précieux. Pour eux, les artistes vont se multiplier et rivaliser de créativité, enrichissant les textes d’enluminures qui deviennent de véritables œuvres d’art. Curieux, ils s’ouvrent aux innovations décoratives venues d’Italie ou des Flandres qu’ils s’approprient en leur imprimant leur culture locale, créant un style élégant et tempéré qui a été nommé « École de la Loire ». Ce style original influencera d’ailleurs tout le reste de la France, l’enluminure tourangelle se maintenant comme le chef de file de l’excellence jusque vers 1520.
L’enluminure est, pour ceux qui la
crée, plus qu’une simple illustration du texte : elle
participe au sens du texte et, historiquement, apporte à
l’observateur des renseignements passionnants, sociologiques,
religieux, littéraires sur l’époque qu’elle dépeint, même
indirectement. Le terme enluminure insiste sur l’importance de
l’image et de la lumière, sur son rôle proprement ornemental,
alors que le terme plus tardif de miniature renvoie à l’aspect
plus technique du travail : il vient du minium, pigment qui
donne le rouge utilisé très tôt. Ce n’est que plus tard, vers le
XIXème, que le mot a évolué vers le sens de minutie et petite
dimension. La séparation des tâches entre copiste et enlumineur
s’impose très tôt, vers l’époque carolingienne, mais il faut
attendre le XIVème siècle pour voir apparaitre une nouvelle
spécialisation : alors que l’enlumineur est chargé des
parties décoratives, lettrines et bordures ornées, parfois avec
faste et une imagination débridée, le miniaturiste se voit confier
les illustrations proprement dites, petites scènes historiées
adaptées au textes qu’elles côtoient.
Sur le support convenablement préparé,
la peinture, sans épaisseur et à l’eau, est appliquée par
couches successives. Les couleurs en effet se mélangent très mal,
voire pas du tout, pas plus lors de leur élaboration que sur le
parchemin. L’enlumineur va devoir jouer en ton sur ton, en créant
différentes nuances à partir du même pigment de base. Tout le
travail se fait en patience et en génie inventif, et la transparence
de ces aplats plus ou moins nombreux donne au sujet sa profondeur et
sa luminosité. Quant à la pérennité de ces enluminures, elle est
impressionnante : le soin apporté à leur réalisation, la
nécessité de faire preuve d’une grande patience dans l’exécution,
le respect d’un séchage absolu entre chaque couche, la qualité
des pigments et des liants utilisés, tout cela a permis de créer de
pages qui sont parvenues jusqu’à nous dans un état étonnant de
fraîcheur et d’authenticité. Les ouvrages étant précieux et
beaux, ils ont souvent été conservés avec beaucoup de précautions.
Et la conjonction de cette qualité de production et d’un archivage
soigneux nous fait admirer des « peintures » aux teintes
révélatrices du vrai goût des anciens en termes de gamme colorée !
Ici pas de vernis qui auraient jauni, pas de poussières
intempestives, pas d’offense du temps ou de la lumière qui
auraient modifié l’intention de l’artiste en effaçant les
nuances ou en fonçant les teintes. Tout est comme Bourdichon ou Fouquet l’ont conçu, et cela accroît l’émotion qu’on éprouve
en regardant ces vignettes précieuses.
Mais ces couleurs qui nous subjuguent,
d’où viennent-elles ? Les plus anciennes et les plus
classiques d’entre elles proviennent de terres, abondantes dans la
nature et connues depuis longtemps. Mais très vite s’ajoutent des
macérations de fleurs, d’étamines ou de racines (garance, safran)
auxquelles on n’hésite pas à ajouter des éléments d’origine
animale qui élargissent la gamme. Cochenilles, coquillages pilés,
foies d’animaux fournissent de nouvelles couleurs : kermès
rouge, pourpre , fiel.
Pour que les poudres soient
utilisables, qu’elles s’agglomèrent et adhèrent sur la surface
du parchemin, il faut y ajouter un liant, élément neutre pour la
couleur mais indispensable. Ce sera du blanc d’œuf, l’albumine
présente un pouvoir collant très satisfaisant, de la colle de
poisson, ou, plus simplement, de l’eau de gomme arabique, puis de
l’eau claire.
Je vois avec plaisir qu'il te restait encore des articles en réserve autour de ton séjour dans notre belle Touraine! Et honte à moi, je ne suis pas retournée visiter ce cloître depuis plusieurs années et je vois que les travaux de restauration ont bien avancé, il va falloir que j'aille y faire un tour!
RépondreSupprimerBonne journée!
Et voilà, c'est toujours comme cela... plus on est proche, plus on se dit qu'on va y aller ! et on repousse. C'est magnifiquement restauré et il y a vraiment une ambiance !
RépondreSupprimerJe repasserai lorsque je disposerai d'un peu plus de temps
RépondreSupprimerLorsque je mis en diagonale et laisse un commentaire je me fais toujours prendre!
Prendre par la garde ??? tu as retrouvé internet toi !!!
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