mercredi 17 octobre 2012

IN VINO VERITAS ???


En ces temps de vendanges*, j'ai envie de vous parler de ce livre, récemment offert à Alter : Les ignorants. D'après la quatrième de couverture voici de quoi il s'agit : «Étienne Davodeau est auteur de bande dessinée, il ne sait pas grand-chose du monde du vin. Richard Leroy est vigneron, il n’a quasiment jamais lu de bande dessinée ». Et en sous-titre "Récit d'une initiation croisée", cela m'avait attirée et cela s'est révélé justifié. Tant et si bien que j'ai offert cette BD à tout le monde (j'en suis à mon 6ème exemplaire !!) et qu'Alter m'a conseillé d'arrêter de l'acheter, au risque de me répéter dans mes cadeaux !

Alors ? Et bien c'est la rencontre de deux passionnés, l’un de BD et l’autre de sa vigne. Ils ignorent tout du métier de l’autre mais acceptent de jouer le jeu, et, curieux, de vivre et découvrir la passion de l'autre. Pendant un an, Étienne Davodeau suit Richard Leroy dans les vignes et apprend le métier de vigneron. En contrepartie, Richard apprendra la BD… C'est bien fait, fort documenté, attachant et varié. Les dessins sont clairs et simples et pourtant terriblement détaillés, et en plus, on est bien dans ce bouquin !! On y parle du ciel, des saisons, de la vie, de la terre, parfois on s'échappe dans la fureur des villes et l'on revient au terroir, goûter le vin et la vie au quotidien, sans emphase. On y parle d'initiation, de découverte et d'amitié.


Enthousiasmée par les méthodes de Richard Leroy, nous nous sommes dit illico, il faut trouver son vin, mais croyez-m'en, cela relève de l'exploit que d'arriver à dégoter une bouteille produite par cet homme-là ! Les forums chantent ses louanges, les critiques sont tellement élogieuses et la production si petite qu'il faut être introduit, intronisé, tuyauté et parrainé pour avoir une chance d'en déguster un peu ! Mais rien ne dit que nous partirons pas un jour à la recherche de ce breuvage intelligent qui, même s'il est admirablement noté au Parker est, en quelque sorte à l'opposé des méthodes de ce dernier.



Alter, dans l’œnologie jusqu'aux oreilles, m'a donc rendu la pareille en m'offrant une autre BD "les sept péchés capiteux", procès en bonne et due forme de Parker et de son système de dégustation et de notation, accusé de collusion avec les experts, Michel Rolland essentiellement. Pour les non initiés, j'essaie de faire simple :
Parker a mis au point un système d’évaluation des vins qui se base sur l'indépendance du dégustateur vis-à-vis des producteurs de vin, des négociants ou de la presse. La dégustation doit se faire à l'aveugle, la notation de tous les vins se fait sur 100, quelle que soit leur réputation, note accompagnée de commentaires dont cet étranger au monde du vin a renouvelé la syntaxe et la poésie ! Son système a eu un tel succès qu'il est devenu LA référence en matière de vin et exerce une influence déterminante sur la commercialisation des vins, faisant la pluie et le beau temps sur les prix (les crus qu'il distingue voient leur prix s'envoler) mais aussi, et c'est ce qu'on lui reproche, sur le goût des consommateurs.





Partant, les adversaires de Parker dénoncent un affadissement du goût, une standardisation des méthodes qui menacent la diversité de nos vins.  Une uniformisation dont le prototype serait le "Clos Los Siete", créé par le complice redouté et redoutable de Parker, Michel Rolland. Je vais vous avouer un truc, même si cela doit en faire rugir certains, je le trouve bon moi, ce Clos Los Siete, parfumé, musclé, séduisant en diable. Et voilà le défaut majeur qu'on reproche au système Parker : la séduction ! L'américain a décrété des normes, posé des incontournables, des repères qui font la pluie et le beau temps sur le marché et en agacent plus d'un. 



Parker avance pour sa défense que son système a assuré le succès mondial de l'école de vinification bordelaise, a donné le goût du vin à de nombreux peuples qui n'en buvaient pas et permis à ce précieux breuvage de connaitre un succès inimaginable sans lui.

On lui rétorque qu'il a simplifié les nuances, américanisé nos pratiques et qu'en prime, ses diktats influencent les techniques de vinification développées dans tous les nouveaux pays qui se lancent dans l'aventure de la vigne (Californie, Chili, Argentine, Australie etc...).

Le vin "Parker", nouveau signe de richesse, submerge les tables à la mode des États Unis, de Hong Hong et demain, de la Chine et de l'Inde. La BD de Simmat et Bercovici lui fait sa fête, et l'oenologue Michel Rolland en prend aussi pour son grade. Comme, il y a quelques années le film Mondovino dénonçait les dérives que ces deux-là ont créées dans le monde du vin, "Les sept péchés capiteux" n'épargne guère leurs travers, leurs dévoiements et leurs faiblesses.



Ceci étant, il faut bien avouer qu'en achetant un "98 au Parker", on a tendance à "assurer" et à avoir la certitude qu'on aura un vin tout à fait buvable, voire mieux. Oui, je sais, il sera un peu complaisant, facile, fait pour être bu trop vite, pas vraiment de longue garde, mais quoi de plus désagréable que d'ouvrir une infâme piquette alors qu'on espérait un grand cru ? La notation Parker est commode, et ce ne sont que ses excès qui en troublent l'intérêt.

Je vous rassure,  Alter a comme livre de chevet (et de cave) "LE guide des vins de Bordeaux" de Jacques Dupont, ennemi juré de Rolland. Surnommé "l'avocat du vin", ce dégustateur réputé, chroniqueur à l'hebdomadaire Le Point, avait déjà raconté sa relation au vin dans Choses bues (Grasset, 2008). Il défend les vins élégants et harmonieux et surtout raconte les hommes qui sont derrière le vin, et leur passion.

L’histoire des familles, la rencontre avec les maîtres de chais et beaucoup d'anecdotes, parfois franchement drôles, accompagnent des jugements (sur 20, et non sur 100 !!) égrenés par cet autre amateur, qui impulse une nouvelle vision du vignoble. Le tout très clair, très pédagogique, mais aussi fort sensuel, écrit d'une plume allègre et dans un style fluide ! Qui vous donne envie de déguster !! Et de vous ruiner dans les "foires aux vins"...


Pour ce faire, il me semble que les 4 "principes généraux" de Pampille (encore elle !! mais que voulez-vous, elle est impayable Pampille !)  seront de bon aloi :

1) les vins français sont les seuls qui se laissent boire sans fatigue. Tous les autres, et le vin du Rhin lui-même (ouh là là, suivez mon regard, Marthe Allard était chroniqueuse à l'Action française !!) doivent être considérés comme de passagères fantaisies de chemin de fer ou de paquebot, auxquelles il n'y a pas lieu de s'attarder (fi !!).

2) la multiplication des vins rares, à un repas d'amis, est une faute. Offrez un très bon vin ordinaire, rouge ou blanc, puis un ou deux vins classés, pas davantage,et, à la rigueur, une coupe de Champagne pour finir ; encore que le Champagne non brut, c'est-à-dire commercial, soit le moins personnel de tous nos vins. Mais il représente, par l'usage, une tradition de politesse gastronomique (c'est pas bien dit, ça ??)

3) le vin, à un table française, ne doit pas être mesuré par dés et verres minuscules, comme il est d'usage de le faire en Angleterre ou en Allemagne (tous des sauvages, ces gens-là ! on s'en doutait ...). Il doit toujours être à la disposition des convives, auprès d’eux, à leur portée, et servi largement (hips !! et l'alcool-test ?? ah voui... c'est pas pour demain, ouf, repoussé aux calendes grecques pour cause de rupture de stock, hips !!)

4) Toutes les eaux minérales gâtent le vin (c'est bien vrai, ça, ma brave dame !!), même ordinaire...

Petit complément "Pampillien", à propos du "Mauvais dîner", dont je vous ai déjà entretenus :

"Les vins ont des noms célèbres, mais on les passe rarement ; et en grand mystère, le maître d'hôtel vous confie leur âge, sans doute pour nous rassurer. L'eau a davantage les honneurs de la table (a-t-on idée ??) ; il y en a de tous les crus, eau d'Evian, Châteline,  Vichy, etc ... et la maîtresse de maison paraît très fière de son invention ; mais la seule eau vraiment bonne, l'eau à microbes (est-ce à dire l'eau du robinet ou celle du puits ?), justement, ne figure pas sur la table."



Pas de doute, les vendanges, ça l'inspire Michelaise... Les vendanges et .... Donizetti !! Car il fallait bien un billet pour célébrer comme il se doit "l'Elexir d'Amour", pour lequel ce brave Donizetti fait une publicité gratuite et permanent, sur les scènes du monde entier :



Si vous voulez entendre la "pub" c'est à la minute 40:50 précisément :
- E il sapore ??
- Eccellente
- Eccellente ??
- Eccellennnnnnte ! (è Bordeaux ! non elisir...)


Elexir entendu l'autre soir dans le cadre de la première soirée retransmise en direct du Met de New York : une mise en scène simple mais jubilatoire, des voix superbes, une direction enlevée et sans faiblesse. La jolie Anna Netrebko s'amusait comme une folle et le séduisant ténor Matthiew Polenzani s'est taillé un vrai triomphe avec sa larme furtive !!

Dommage que l'extrait n'en donne que la moitié, mais quel phrasé !! Et des yeux à craquer, n'est-ce pas ??

Retransmissions du Metropolitan qui ont gagné cette année en qualité de son et d'image : l'opéra dans un fauteuil confortable, avec une visibilité parfaite, des distributions à faire pâlir les mélomanes, des mises en scène parfois un peu ringardes mais toujours très "propres", et le tout, pour un tarif d'une douceur inhabituelle !! N'hésitez plus, il y en a forcément pas loin de chez vous...


* enfin chez nous, elles sont encore en cours ! ailleurs, plus au sud, elles sont terminées depuis longtemps ... vendanges, qui depuis quelques années donnent ici aussi du vin et plus seulement comme autrefois, de la matière première pour le Cognac !
Pour votre information : un article surprenant sur les dates des vendanges et le climat, le tout observé par satellite !

3 commentaires:

  1. Michelaise comme disait Piaf tu me fais tourner la tête avec un tel article, passons sur la bande dessinée abandonnée depuis plus de soixante ans sauf à en piquer une à mon petit fils de temps en temps et parlons vin Parker or not Parker that is the question... je pense qu'il a apporté beaucoup à la renommée des vins de Bordeaux. Quant à Michel Roland il est pour moi un excellent oenologue. J'ai encore en cave quelques vins de sa propriété familiale de Pomerol, des petits bijoux.
    Je ne connais pas Jacques Dupont il va falloir combler cette lacune ! mais je ne suis pas d'accord, un repas autour de vins rares peut rester un souvenir éblouissant. En mémoire un réveillon, commencé avec un Lynch-Bages, un Ducru-Beaucaillou puis un cheval Blanc, et enfin un Mouton- Rothschild tout cela en millésime 1982.... inoubliable. Malheureusement l'ami négociant qui avait apporté les flacons vit maintenant au Chili.

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    1. Oh mais je suis d'accord avec toi, elle dit souvent, et même plus que souvent, n'importe quoi Pampille !! ses citations à propos du vin sont à mourir de rire, ou à s'étrangler d'indignation !!
      Et pour le coup, c'est vrai qu'on garde de certains flacons des souvenirs émus !!!
      Je te recommande vraiment la lecture de Jacques Dupont, c'est une excellente Bible !
      Quant à la BD, elle est fort enrichissante, tant au point de vue du contenu que du fait de ces expériences croisées, entre un vigneron et un dessinateur !!

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  2. Entourée de vignes comme tu l´es, ce qui m enchanterait, peut-être un jour, qui sait ?
    Donc je te lis avec intérêt, tu m´apportes des nouvelles de ce monde que j´aime bien.

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