Que faire quand on a une petite heure à tuer en arrivant à Montparnasse, en attendant l'heure de la réunion qui vous a propulsée là, au milieu de la fureur et du bruit, un peu étourdie par 4 heures de train pris dès potron minet ?? Mes alternatives tournent autour des deux musées du quartier : le musée Bourdelle et le musée du Montparnasse. Malheureusement pour moi l'exposition "Madame Grès" du premier que j'avais très envie de visiter, se terminait deux jours avant. Je n'ai pas pensé au Musée de la Poste qui, d'après Koka, offrait une expo de landart. Il me restait donc celle consacrée à Pierre Seghers dans ce charmant passage niché avenue du Maine où l'on entend encore les rumeurs de la cantine des artistes ou les répétitions pour le bal des 4'Zarts.
Cet hommage à Seghers présentait l'éditeur, le pionnier du livre de poche et promoteur de tant de poètes modernes. Mais elle parlait aussi du poète, essayiste, parolier, passeur de culture et de mémoire que fut Seghers. Ce galopin dont le grand-père était sculpteur de chaires d'église, que voilà un joli métier, déjà la comm !, était dans sa jeunesse plus attiré par le foot, la natation ou le billard dont il fut même champion local. Excécrable élève quand il était petit, il devint aussi facilement brillant qu'il avait été nul. Mais il n'avait pas de vocation ou de carrière tracée dès le départ. C'est la rencontre avec Louis Jou aux alentours de 1930 aux Baux de Provence qui va décider de sa vie. Jou était imprimeur, graveur, typographe et éditeur. Seghers venait de perdre son père "Le monde entier s'était écroulé sur ma tête, j'étais mort à moi-même ce jour-là", et cet anarchiste et érudit à la gouaille joviale va prendre en main la formation littéraire et professionnelle du jeune homme. Seghers dira à propos de leur rencontre : "A 26 ans je suis né de nouveau".
Mobilé à Nîmes en 1938, Seghers crée la revue "Poètes Casqués" (P.C.) dont le premier abonné sera, en toute simplicité, Aragon. La revue se transforme l'année suivante en "Poésie 40" et devient la revue de ralliement des poètes engagés dans la Résistance. C'est Louis Jou qui imagine les couvertures des revues et donne des conseils de mise en page au jeune novice. Fort de la réussite qu'on lui connait, Seghers publiera de son vivant plus de 2 000 poètes du monde entier et nous avons tous dans nos bibliothèques quelques uns de ces ouvrages bon marché, aux couleurs vives et au format presque carré, qui nous ont fait découvrir et aimer Neruda, Pessoa coincés entre Eluard et Tardieu.
Mais Seghers fut aussi un poète émérite et un auteur de recueils, d'anthologies, de traductions et aussi de chansons que nous avons forcément sur le bout de la langue. Et parmi elles l'inévitable "Merde à Vauban", immortalisée par Ferré et dont le manuscrit original figurait dans l'exposition. Ecrit en rouge d'un trait alerte, grifouillé et raturé à n'en plus finir, sauf la première strophe jaillie d'un seul jet sans retouche, ce document avait quelque chose de vraiment émouvant. Remarquez, en cliquant sur l'image pour lire ce texte qui appartient aujourd'hui aux manuels de littérature, que le poème original dit "Merde pour Vauban"...
Bagnard, au bagne de Vauban
Dans l'îl' de Ré
J'mang' du pain noir et des murs blancs
Dans l'îl' de Ré
A la vill' m'attend ma mignonn'
Mais dans vingt ans
Pour ell' je n'serai plus personn'
Merde à Vauban
Bagnard, je suis, chaîne et boulet
Tout ça pour rien,
Ils m'ont serré dans l'îl' de Ré
C'est pour mon bien
On y voit passer les nuages
Qui vont crevant
Moi j'vois s'faner la fleur de l'âge
Merde à Vauvan
Bagnard, ici les demoiselles
Dans l'îl' de Ré
S'approch'nt pour voir rogner nos ailes
Dans l'îl' de Ré
Ah ! Que jamais ne vienne celle
Que j'aimais tant
Pour elle j'ai manqué la belle
Merde à Vauban
Bagnard, la belle elle est là-haut
Dans le ciel gris
Ell' s'en va derrière les barreaux
Jusqu'à Paris
Moi j'suis au mitard avec elle
Tout en rêvant
A mon amour qu'est la plus belle
Merde à Vauban
Bagnard, le temps qui tant s'allonge
Dans l'îl' de Ré
Avec ses poux le temps te ronge
Dans l'îl' de Ré
Où sont ses yeux où est sa bouche
Avec le vent
On dirait parfois que j'les touche
Merde à Vauban
C'est un p'tit corbillard tout noir
Etroit et vieux
Qui m'sortira d'ici un soir
Et ce s'ra mieux
Je reverrai la route blanche
Les pieds devant
Mais je chant'rai d'en d'ssous mes planch's
Merde à Vauban
Quelques chansons de Seghers... cliquez !
Ce passage Montparnasse nous réserve toujours de très belles surprises
RépondreSupprimerpeu connu alors qu'il a un charme fou.
Seghers doit regarder cela puisqu'il n'est pas très loin juste un peu plus haut au cimetière Montparnasse
Grès c'était très beau je vais te montrer cela
merci l'évocation de l'éditeur du bagne
RépondreSupprimerde l'ile et de ferré
merci
Bienvenue Frankie, la caille dodue qui aime la conversation !! j'adore votre présentation, un peu à la Seghers donc !
RépondreSupprimerOui Françoise, ce passage est à lui seul un petit plaisir et même si l'expo est modeste, c'est toujours une façon agréable de tuer le temps aux alentours de la gare Montparnasse.
Merde à Vauban chanté par Ferré, un classique d'il y a bien des années. mais impossible de l'écouter...
RépondreSupprimerFrançoise je suis preneur pour ma Dame d'un petit ou grand billet sur Madame Grès.
Un grand classique Merde à Vauban !! j'ai pourtant l'impression que mon lien marche Robert mais la premieère chanson n'est pas celle-ci mais comme une flotte désarmée... tu dois aller à la seconde, en avançant d'un cran et ce n'est pas Ferré qui chante !
RépondreSupprimerPour ce qui est de Madame Grès, malheureusement je n'ai pas vu l'expo qui se terminait deux jours avant, par contre tu as, pour ta Dame, un très joli article chez "Ce que me souffle le ciel" :
http://cequemesouffleleciel.blogspot.com/2011/06/madame-gres.html
"Mais, à partir de riens, aussi vieux, aussi altérés que le monde
RépondreSupprimerLe poète recompose un univers de soleils et de vies,
La terre reverdit sous d'immenses forêts."
Pierre Seghers
J'ai senti quelque air de Vaucluse ...coucou donc ! Je crois bien que Seghers avait ses habitudes, comme Yves Berger, au "Mon Bar" tout près des carmes. Aux Baux la visite de la Fondation Louis Jou s'impose. J'ai raté, faute d'avoir pu aller à Paris, l'expo "Lettres de peintres" au Musée des lettres et manuscrits. L'as-tu vue ?
RépondreSupprimerJ'avais oublié que Jacques Douai chantait du Seghers, toute une époque !
RépondreSupprimerah! Ma page de culture!
RépondreSupprimerje ne connaissais que Pete Seeger, rien à voir, moi, "l'inculturée", mais il a bercé ma jeunesse..... je serai donc plus intelligente ce soir...
Si tu veux voir un billet magnifique sur Madame GRES, va sur le BANC MOUSSU, il a fait un reportage magnifique ainsi qu'une vidéo sur son blog, ce grand amoureux de Paris et de sa Picardie Natale!
bon dimanche Michelaise et j'adore l'expression des potron minet!
Je connais mon Ferré par coeur (suffit de me remettre sur les rails) et je vais réécouter avec plaisir cette chanson ! Les brouillons et leurs gribouillages quels trésors, quand on pense que tout ça c'est fini... Remarque les écrivains d'aujourd'hui deviennent plus souvent ceux d'hier que ceux de demain !
RépondreSupprimerA l'Ile de Ré maintenant le bagne c'est l'vélo, trop trop d'monde ! En me cassant la figure l'autre jour j'ai bien du dire m... mais je ne tenais pas le responsable de l'étroitesse de certaines pistes cyclables sinon....
Anne votre citation est fort à propos, et cette définition du poète est celle qui convient sur ce billet !
RépondreSupprimerRoberto, coucou, non je ne l'ai pas vue, j'avais une heure (à peine) de liberté à Paris !! et la dernière fois j'avais mes fifilles avec moi donc pas trop envie de courir les expos !
Et oui Enitram, Douai c'est pas aussi connu que Ferré mais vraiment c'est Seghers !
Lulu, ne me parle pas des pistes cyclables de l'île de Ré, on dirait l'autoroute du soleil au moment des grandes migrations, du délire !
monica je vais voir Blanc Mousse de ce pas, oups, de ce clic, et je recommande à Robert d'en faire autant !! et madame l'inculturée, tu m'as bien eue, j'ai dû aller voir sur monsieur Google qui est pete seeger !! le "vrai" folk des années de notre jeunesse, ou juste avant !!! super, je me coucherai moins ignare ! et vive internet
PS si Madame Grès vous agrée, je vous recommande l'article d'autour du puits, que je veins de trouver :
RépondreSupprimerhttp://autourdupuits.blogspot.com/2011/09/madame.html
et Monica je déménage ce n'est pas blanc mousse mais le banc moussu, ouh là là, c'est dur la reprise !!
donc pour banc moussu cela donne :
http://www.le-banc-moussu.com/article-mademoiselle-alix-71271775.html
et vraiment les plissés de madame grès c'est absolument du grand art et ça fait rêver ! quel talent, quelle artiste !
Ma Dame te remercie ces robes sont splendides . Il parait que tout l'art de Madame Grès est dans le travail du tissus en biais... bon je n'en dis pas plus ce n'est pas trop mon domaine.
RépondreSupprimerle Blanc Mousse ! mdr !
RépondreSupprimercomme cela lui va bien, mais je crois qu'il préfère le Bordeaux !
Leurs photos sont toutes incroyables sur cette expo, mais j'ai bien aimé, le mélange avec Bourdelle chez Christian, ainsi que la petite vidéo, voyage à domicile.... avec la Bloggo!
dès potron-minet!!!!