Non, je ne vais pas, encore, vous parler de rugby... D'ailleurs c'est bien connu, le rugby c'est un sport de gentlemen et les règlements de comptes y sont des pécadilles. Il suffisait, pour s'en convaincre, de regarder Samoa Afrique du Sud, un superbe spectacle hyper musclé, dans lequel les contacts, comme on dit pudiquement, relevaient de l'anecdote.
Non, je vais vous parler de 4 mois, 3 jours, 2 heures, la palme incontestée et incontestable de Cannes. La grande question est de savoir si c'est, ou non, un film sur l'avortement. Le réalisateur le nie avec la dernière énergie, histoire sans doute de faire dans le paradoxe puisque la seule histoire qu'il y narre est celle de cette interruption tardive de grossesse vécue dans la Roumanie des années Caucescu par deux filles, paumées et victimes d'un système inutilement et absurdement écrasant. Pour moi, c'est un film sur l'amitié, sur une conception unilatérale et absolue de l'amitié. Et le déchirement de la solitude, constatée comme une inéluctable issue. Et la phrase la plus déchirante du film est celle où l'héroïne, qui s'engage au-delà du supportable pour aider sa compagne, dit à son fiancé "toi, tu ne ferais rien pour moi, Gabriela, elle, je sais que je peux compter sur elle si j'ai un ennui". Et à ce moment-là, bien que le dénouement n'ait pas eu lieu, nous savons qu'elle se trompe du tout au tout : cette Gabita légère et inconstante, menteuse et roublarde, qui joue les ingénues alors qu'elle n'a pas une once de candeur et que pour elle tout n'est finalement que prétexte à extorquer de l'autre un maximum, ne bougerait pas un cil pour aider son amie Ottila qui se sacrifie pour elle. Ce fossé hallucinant qui sépare les deux femmes est la plaie ouverte d'une société, sans doute totalitaire et confinant à l'accumulation d'inutiles brimades, mais c'est une plaie ouverte qui n'a ni frontières ni idéaux politiques, c'est la plaie ouverte de la nature humaine. Tout le reste suit, s'aggrave, s'intensifie au fil des civilisations, mais ce qui se heurte dans ce film c'est la charité, au sens humaniste du terme (s'il existe, n'en déplaise aux philosophes), et l'indifférence, dans sa valeur tout simplement universelle.
Après ? Ce film fait mal, très pénible pour toute femme ayant ou ayant eu des problèmes de procréation, et nombreuses sont les femmes qui en ont eu, sous toutes les formes et pas seulement l'avortement. C'est insoutenable et traumatisant. Fallait-il, alors que le film joue de l'élipse avec talent et efficacité au moment du viol, car il s'agit bien d'un viol, évoqué par de multiples traits après qu'il ait été perpétré, fallait-il imposer ces images chocs, que d'ailleurs je n'ai pas vues, mais malheureusement fort bien imaginées ? Au nom de quelle esthétique a-t-on le droit de tout montrer dans un souci d'efficacité ? Je n'ai pas regardé et pourtant, dans la scène suivante qui est un vrai chef d'oeuvre d'angoisse et de terreur mêlées, j'ai craqué et j'ai quitté la salle. Trop de tension, trop de malaise, j'avais le coeur en cascade et le corps révulsé. J'ai ainsi raté les dernières images, qui sont la conclusion logique et honorable de cette histoire banalement extraordinaire et insupportablement ordinaire. Je hais la souffrance sous toutes ses formes et je ne suis pas convaincue qu'il ait été nécessaire de la dépeindre de façn aussi crue, au risque de traumatiser certaines femmes qui, en tant que spectatrices, ont droit au respect de leur sensibilité. Ce qui n'enlève rien au film qui est réalisé avec un indéniable et incontestable talent.
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