CONVENTIONS MATRIMONIALES

- Je crois que nous allons trop au cinéma...
- ??? (décidément, je ne comprends pas grand chose quand Michel me parle !)

En face de nous, l'image qui illustre cet article, une assemblée enjuponnée et fleurie, une collection impressionnante de galurins de toutes sortes, quelques queues de pie et autres affutiaux de soie et de dentelles. Il n'a pas tort Michel, cela nous fait irrésistiblement penser aux armées de figurants convoqués par les réalisateurs dans nombre de films où la scène de mariage est incontournable. J'en sais quelque chose, pour avoir figuré, dans ma jeunesse, parmi cette foule hétéroclite à laquelle, après lui avoir collé une coupe de champagne remplie d'eau jaunie entre les mains, la seule consigne qui soit donnée est "ayez l'air naturel". C'était dans un film dont j'ai obstinément oublié le nom, ne l'ayant d'ailleurs jamais vu, et dans lequel jouait, c'est mon seul souvenir, Jean Paul Belmondo. C'était moins prestigieux que les figurations de votre papa au Festival de Théâtre de Sarlat, mais, croyez-moi, ça payait mieux !!

Bref, je m'égare, mais puisque les noces sont à l'ordre de la saison, je me devais de vous rendre compte de celle de ma filleule, qui fut, je dois bien l'admettre, bien moins guindée que je ne craignais. Certes, nous nous sommes beaucoup ennuyés ne connaissant âme qui vive, mais la fête avait fière allure et, selon l'expression consacrée et pour une fois parfaitement véridique, le champagne coulait à flot. Et, tu l'avais justement remarqué Marie, comme la couleur choisie par la mariée était le orange, avec le plus parfait bon goût, le beau-père de la mariée avait offert du Veuve Clicquot. C'est ainsi que 250 bouteilles de ce précieux breuvage furent vidées avec entrain, la journée étant fort chaude ! Le buffet qui accompagnait ces agapes était d'une qualité irréprochable, qui allait crescendo au fur et à mesure de la soirée, pour relancer les appétits défaillants. Le vin de Catherine servi sur le repas était à son apogée, les expériences viticoles de cette dernière remontant aux débuts des années 2000 et ses talents de vinificatrice étant incontestables.

La soirée avait lieu dans une grange décorée, déblayée, débroussaillée, empierrée, aménagée et surtout décorée avec un goût très sûr par la sœur de la mariée, une vraie mise en scène sur le thème champêtre, décliné avec une vraie inventivité. Des petits ananas en frise tout autour de la salle, aux armées de photophores pour illuminer le moindre recoin, en passant par les aquarium en centre de table, tout était d'un grand raffinement.

Mon inquiétude en arrivant était de savoir dans quel véhicule la mariée allait quitter l'église en compagnie de son nouvel époux. Je balançais, au comble de l'aterrement, entre la rolls et la calèche, évoquant pour mémoire la perspective de la voir enlevée en amazone sur un beau destrier blanc, histoire de me laisser aller à mes fantasmes. Mais c'était mal connaître ma filleule : elle partage avec vous une passion nostalgique pour la voiture de son enfance, je veux parler de la vieille 205 pourrie dans laquelle sa maman trimballa autant de sacs de ciment que moi de tentes de scoutisme dans la nôtre. Autant vous dire que l'état du véhicule en question est pitoyable. Elle avait donc décidé, la 205 ou rien. Et comme la famille horrifiée ne voulait pas cautionner cette fantaisie enfantine, ce fut rien.
C'était compter sans les copains, qui, dès qu'elle fut partie pour l'église firent main basse sur la voiture et, à grand renfort de tulle orange, de plumes de la même couleur et de peinture de minium, en firent un carrosse des plus originaux qui attendait la jeune fille émue à la sortie de la messe. Une vraie réussite qui dérida définitivement la noce et ôta tout côté convenu à la suite de la journée. Comme quoi, il suffit parfois d'un peu d'humour pour alléger les corvées estivales !

PS : Mon titre est en fait une dédicace discrète à Colibri, elle l'aura reconnu.