LA ROCHELLE, VENT DE TRAVERS

Pourtant, nous y allons souvent ! Mais nous passons vite, nous nous déplaçons d'un point à l'autre, nous avons un prétexte, une nécessité, un parcours prévu... nous courons voir un film, assister à un concert, suivre un festival. Et, résultat des courses, nous ne regardons pas la ville avec l'oeil du curieux. Certes, nous ne manquons pas d'en souligner le charme et les attraits, de nous extasier sur le plaisir qu'il y a à parcourir ses arcades ou à flâner sur ses terrasses. Mais c'est un regard d'habitué blasé, qui glisse sur les choses, que nous portons sur la ville. Cette approche, courante envers les merveilles qu'on côtoie au jour le jour, est certainement la plus grande entrave à la curiosité et au plaisir de la découverte. L'autre jour, nous étions donc à La Rochelle, et nous attendions "quelqu'un". Du coup, un peu pour préparer sa venue, et surtout du fait de la "vacance" dans laquelle cette attente nous plongeait, nous avons, enfin, "regardé". Malheureusement, faute de temps, pour cause de ciel gris et d'organisation serrée, nous n'avons pu ensuite visiter la ville avec elle comme nous l'avions rêvé. Tout est allé un peu de travers, jusqu'au temps inexplicablement pluvieux malgré l'anticyclone qui assèche nos nappes phréatiques. C'est pourquoi je lui dédie ce billet, et vous propose quelques images inédites de ce port où il fait bon flâner.

L'ancienne Bourse du Commerce, un immeuble superbe datant du milieu du XVIIIème siècle, s'ouvrant sur la rue par une porte sculptée de fort belle facture, qui oppose ses moulures "rocaille" à la sobriété toute classique de l'architecture du bâtiment principal. Agrandie à la fin des années 1700 par l'architecte des travaux du roi, elle offre au fond de la cour actuelle un péristyle élégant, qui, loin de gâcher l'ensemble, lui donne une distinction particulière.

Le palais de justice a été reconstruit vers 1604 mais il ne subsiste de cette époque que quelques vestiges, qu'on ne voit guère de l'extérieur. La façade, ici encore, date des années 1780 et elle présente une belle ordonnance évoquant un temple gréco-romain. Les colonnes cannelées, le soubassement, la corniche, tout procède d'une esthétique classique, dont la grammaire décorative est finalement très "parisienne".

Un ensemblier était, forcément, un artisan qui créait des installations ornementales d'intérieur, une sorte de "décorateur". Je n'ai pu retrouver trace de ce J. Brillet, le seul que Google mentionnât étant un certain Jacques, né en 1927 et décédé à l'âge de 84 ans en mars 2011. Il était président honoraire de la Chambre de Commerce et d'industrie de la ville, mais son activité semble avoir été la location de terrains et d'autres biens immobiliers. Comme cette plaque me semble plutôt début 20ème, on va admettre qu'elle concernait le père de ce dernier !

J'étais passée 100 fois à côté de la cathédrale Saint Louis, sans avoir jamais l'idée de rentrer dans ce sévère vaisseau 18ème, dont la façade inachevée et exempte de toute sculpture n'invite guère à la contemplation. J'avais eu tort car, non contente d'abriter de multiples oeuvres d'art de fort belle qualité, elle possède en outre l'immense mérite d'avoir été construite, achevée et décorée selon un plan d'ensemble très cohérent et jamais trahi. Les rochelais, soucieux de réaffirmer la foi catholique après les tristes événements du siège de la ville et sa reprise aux protestants, avaient pour leur cathédrale de grandes ambitions. Ils choisirent soigneusement le terrain, réunirent de nombreux fonds mais malgré la mobilisation, n'avaient guère les moyens de leurs rêves. Le pouvoir royal décida de soutenir leurs efforts et Louis XV, non content de leur offrir 100 000 livres pour démarrer dignement leur projet, leur dépêcha son architecte préféré Jacques V Gabriel. Et, de façon assez peu courante, le projet de Gabriel fut mené à terme dans son ensemble, sur plus d'un siècle. D'où une unité architecturale et décorative impressionnante.

La cathédrale Saint Louis ne possède quasiment aucun vestige antérieur au XVIIIème siècle, hormis quelques pierres tombales et couvercles de sarcophage, dont cette pierre "à 3 places", de 1373, découverte en 1982 à l'emplacement d'une ancienne chapelle de commanderie et sur laquelle figurent, simplement gravés, 3 personnages dont on ne connait que les noms, et entre lesquels semble n'exister aucun lien.

Les vitraux ont été commandés à la fin du XIXème à des verriers tourangeaux, et ils forment, eux aussi, un ensemble de qualité qui frappe par son élégance. Ceux de  Lucien Léoplod Lobin, qui aimait à s'inspirer de cartons de Raphael ou d'Ingres, sont particulièrement réussis, dans une sorte de grisaille relevée d'ocres et des bruns chauds.

Une belle collection d'ex-voto marins est exposée dans une chapelle latérale et chacune de ces toiles naïves et pas si malhabiles, raconte une histoire particulière : témoin celle qui représente le Saphir, un navire "négrier" qui transportait des esclaves entre les côtes de Guinée et l'ile de Saint-Domingue. Le capitaine H.D. Rossal, après 136 jours de traversée de Chama à St-Marc - côte de St-Domingue - offrit au retour cet ex-voto après que son bateau soit resté encalminé, et qu'une révolte d'esclave ait mis en péril le succès de l'opération. Une intervention miraculeuse, qui d'après la toile semble n'être qu'une légère intempérie suffisante pour relancer la barque, permit au bateau de sortir de ce mauvais pas et de toucher au port !

 

 

Un ours s'est posé sur la Tour de la Chaîne !! Rouge et ailé, l’animal est une œuvre de Richard Texier. Cette sculpture, une commande d'Etat, est  inspirée de l'ours polaire dérivant sur un bout de banquise et se veut un cri d’alarme sur l’état de notre planète. De quoi en laisser pantois(e) plus d'un(e) !!