Aller faire des courses à Saintes serait sans intérêt si l'on n'en profitait pour revoir quelques uns des hauts lieux de cette ville, riche en monuments romains et romans. L'autre jour, ce fut Saint Eutrope que vous avons revue avec le plaisir que la perspective d'un billet rend toujours plus aigu.
La première fois, il y a fort longtemps, où j'ai visité Saint Eutrope, j'ai été impressionnée par son sort malheureux au cours des siècles : régulièrement dévastée depuis son origine, par les arabes, les Normands, les Huguenots et les révolutionnaires, en 1803, le préfet Guillemandet refusa de la restaurer pour la modeste somme de 1500 francs. Il préféra autoriser la population locale à utiliser l'église comme carrière de pierre et la moitié de ce chef d'oeuvre d'architecture, lourd d'histoire et riche d'art, disparut, réutilisée dans les maisons locales. La nef raccourcie de plusieurs travées fut coupée à la croisée du transept et bouchée par un mur façade sans esprit. On transforma en une petite place banale la partie démollie et c'est en général à cet endroit qu'on apprend, avant de rentrer dans l'édifice qu'on se trouve dans l'ancienne nef aujourd'hui disparue. Heureusement l'impressionnante crypte semie-enterrée qui abrite la tombe du saint fondateur de l'église, demeura intacte.
C'est la partie la plus ancienne et la plus saisissante de l'édifice. Terminé à la fin du XIème siècle, cet imposant sanctuaire souterrain se caractérise par un ample déambulatoire, un système de voutement solide et soutendu de lourdes tores en boudin (il fallait soutenir un impressionnant clocher et la structure n'a pas faibli !) et un ensemble de remarquables chapiteaux.
Très sobres, ils égrennent feuilles d'eau, grasses acanthes, motifs entrelaçés, palmette ou volutes épaisses. A certains endroits, comme devant cette sorte de corniche usée, mais encore altière (en bas à droite sur le montage), on sent palpable l'inspiration romaine et on croirait des pièces de remploi !
A l'étage, le choeur du sanctuaire répète dans son plan les dispositions de la crypte. Seules deux des trois chapelles rayonnantes qui les terminent subsistent encore, la troisième ayant été refaite au XVème siècle. Les piliers qui scandent l'espace sont, bien sûr, plus légers et plus hauts que ceux de la partie basse, mais ce qui constitue le plus grand attrait de l'ensemble est la riche ornementation que l'on admire aux chapiteaux de la croisée du transpet (aujourd'hui près de la porte d'entrée !).
La tendance, ici encore, est plus décorative qu'iconographique. Lions, oiseaux, animaux divers et pas toujours identifiables s'agitent au milieu d'une forêt de lianes exubérantes qui remplit le moindre espace vide. Cependant le chapiteau principal de chaque pilier présente peu ou prou un thème édifiant :
En haut à gauche, nous reconnaissons Daniel assis, les bras levés, dans la fosse aux lions. Deux de ces félins lui lèchent les pieds ! En face (image du bas) c'est Saint Michel qui, lors du Jugement Dernier, tient la balance que des démons, débout devant lui, voudraient faire basculer du mauvais côté.
Ailleurs, les motifs sont surtout anecdotiques et prétexte à élégances et volutes. Les animaux sont traités avec précision, et on sent que le tempérament du sculpteur le pousse à s'amuser des détails. Le lion dont la crinière ressemble à la mèche d'un rocker première tendance, les aigles féroces, les oiseaux agripés sur le flanc des chevaux, les orants dont la ronde est toute lascive sont autant de motifs dont la verve nous fait encore sourire. L'ensemble est très élégant et donne une impression de richesse. Cet édifice, achevé dans le second tiers du XIIème siècle, et s'inscrit dans le foisonnement imaginatif des ateliers médiévaux siantongeais comme un haut lieu d'inspiration.
Quel billet!
RépondreSupprimerTu peux te vanter de m'avoir fait chercher pour trouver quelque chose qui n'ai été dit à ajouter.
Elle fut donnée à Cluny en 1081 par le Comte Guy Geoffroy pour qu'y soit établi un prieuré.
Les deux sanctuaires superposés ont été construits afin de mieux accueillir les foules de pèlerins venus se recueillir sur le tombeau de St Eutrope,"l'église basse " est destinée à recevoir les pèlerins,tandis que l'église haute est réservée à l'usage des moines
sources Cluny MSM
La prochaine fois je veux bien aller faire les courses à Saintes à ta place!!
Quelle beauté, je t'envie la visite...
RépondreSupprimerBises du soir Michelaise.
Sans aucun doute à mon prochain passage, je visiterai Saint-Eutrope.
RépondreSupprimerBon week-end Michelaise
Ah Danielle si tu savais ce que notre Saintonge romane est belle !! le nec plus ultra de l'art roman... au point que, lorsqu'on nous avons découvert la Saintonge, toutes les autres églises romanes nous ont paru sobres.
RépondreSupprimerAlba, Saint Euttrope, l'abbaye aux Dames et tant d'autres découvertes à te faire faire.
Aloïs, attention danger, si tu me proposes de faire les courses à ma place, je pourrais bien te prendre au mot, je DETESTE faire les courses !!! Quant à Saint Eutrope, on aurait aussi pu raconter sa légende, mais bon, vais pas faire un blog hagiographie des saints ! il y en a trop...
Tu me rappelles une sortie à Saintes il y a quelques années sur le thème des églises romanes de Saintonge, j'en garde un très bon souvenir et quelques photos jamais triées. je n'arrive pas à me mettre à jour, hier nous étions à Bordeaux pour une balade le nez en l'air sur les balcons et l'art du fer forgé, très intéressant on ferra un petit billet la dessus un de ces jours.
RépondreSupprimerBon W.E.
Ah oui, les balcons bordelais voilà qui est une bonne idée... Ton billet me permettra de refaire la même promenade en suivant tes pas !
RépondreSupprimerMerci beaucoup, Michelaise, pour ce nouveau billet.
RépondreSupprimerTu décris, comme souvent, avec la précision d'un chirurgien.
J'irai naturellement y faire mes courses...
Bonne journée.
Je t'embrasse.