Verdi est français… On ne le dit pas suffisamment, nous qui avons pourtant tendance à nous approprier toutes les célébrités flateuses au motif seulement qu’elles sont francophones, de Hergé à Simenon, nous ne revendiquons pas assez cette vérité évidente. Quand il naquit en 1813 à Roncole en Bassa Parmense, la région était sous la domination napoléonienne, et sa mère, dit-on, ne déclara sa naissance que quelques mois plus tard pour qu’il n’eut pas la honte de n’être point italien. Son acte de naissance est pourtant rédigé en français :« L’an mil huit cent treize, le jour douze d’octobre, à neuf heures du matin, par devant nous, adjoint au maire de Busseto, officier de l’état civil de la Commune de Busseto susdite, département du Taro, est comparu Verdi Charles, âgé de vingt huit ans, aubergiste, domicilié à Roncole, lequel nous a présenté un enfant du sexe masculin, né le jour dix courant, à huit heures du soir, de lui déclarant et de la Louise Uttini, fileuse, domiciliée aux Roncole, son épouse, et auquel il a déclaré vouloir donner les prénoms de Joseph-Fortunin-François»
Un pèlerinage sur les pas de Verdi commence donc forcément par la maison natale du maître. L’humble demeure construite au XVIIIème par le marquis Pallavicino est située dans le petit village de Roncole (Verdi). Elle fut louée à la famille Verdi pour y installer une auberge de poste et une boutique d’alimentation.
Le travailleur a cheminé de l'humble maison à la conquête du monde
Avec lui le grand souffle de l'âme latine a fait le tour de la terre
Géant, il revint parmi les humbles
Aux humbles qui travaillent il offrit la glorieuse abondance
Pour l'anniversaire de sa mort, les pauvres de cette cité, avec gratitude *
L’enfant qui naquit là fut initié à la lecture et à la musique par le brave curé local, l’église en juste en face ! La famille Verdi n’était pas insensible à la musique, plusieurs proches de sa mère étant chanteurs. C’est ainsi que son père lui fit les cours du maître de musique de la ville voisine, Busseto, et il tenta, vers 18 ans, d’entrer au conservatoire de Milan. Où on le refusa au motif que sa technique pianistique était jugée insuffisante.
La position de ses mains est considérée comme irrémédiablement mauvaise. La position des mains, son âge, de quatre ans supérieur à l’âge habituel d’admission, le peu de places de l’établissement, le statut d’étranger (et oui, rappelez-vous Verdi est français !), toutes ces raisons sont sans appel. De cette décision pénible Verdi, habitué à être adulé dans le petit cercle des mélomanes de Busseto, conservera durablement une profonde amertume.
Il travaillera dur pour finalement, trois ans plus tard, réaliser son rêve : devenir maître de chapelle à Busseto. Rêve qui, cependant, après les années milanaises où il baigna dans le monde du lyrisme qui lui ouvrait d'autres horizons, lui sembla bien étroit quand en 1835 il put l'accomplir. Il revient à Busseto, dirige, est maitre de musique mais aussi compose. La ville est trop petite pour lui et c'est à la suite de la mort de sa petite fille qu'éprouvé par le chagrin il décide d'aller se reposer à Milan. Il en reviendra pas à Busseto, ou si peu...
« Monsieur le Maire,
Je m’aperçois, hélas, que je ne puis rendre à ma malheureuse patrie les services dont j’aurais voulu m’acquitter envers elle. Je regrette que les circonstances ne me permettent pas de donner une preuve effective de mon attachement à la cité qui, la première, m’a donné le moyen de progresser dans l’art que je professe.
La nécessité où je suis de me procurer les moyens suffisants pour nourrir ma famille me pousse à chercher ailleurs ce que je ne peux obtenir dans ma patrie. C’est pour cela que, me conformant aux dispositions de l’article 8 du contrat passé entre la mairie et moi-même le 20 avril 1836, j’annonce à Votre Excellence, avant que n’expirent les six mois de préavis, que je ne continuerai plus à servir en qualité de maître de musique après le 10 mai 1839.
Je conserverai dans mon cœur la plus vive affection pour ma patrie et une reconnaissante estime pour ceux qui m’y ont aimé, encouragé et assisté"
Je m’aperçois, hélas, que je ne puis rendre à ma malheureuse patrie les services dont j’aurais voulu m’acquitter envers elle. Je regrette que les circonstances ne me permettent pas de donner une preuve effective de mon attachement à la cité qui, la première, m’a donné le moyen de progresser dans l’art que je professe.
La nécessité où je suis de me procurer les moyens suffisants pour nourrir ma famille me pousse à chercher ailleurs ce que je ne peux obtenir dans ma patrie. C’est pour cela que, me conformant aux dispositions de l’article 8 du contrat passé entre la mairie et moi-même le 20 avril 1836, j’annonce à Votre Excellence, avant que n’expirent les six mois de préavis, que je ne continuerai plus à servir en qualité de maître de musique après le 10 mai 1839.
Je conserverai dans mon cœur la plus vive affection pour ma patrie et une reconnaissante estime pour ceux qui m’y ont aimé, encouragé et assisté"
Il reviendra à Busseto pour s'y reposer, pour composer, des étés de détente et de retour aux sources. En 1845, il achète l'imposante demeure bourgeoise de l'ancien maire, le Palazzo Cavalli. Une revanche sans doute ! Il s'y installle même, quittant Passy, en juillet 1849, non sans appréhension car il a maintenant une jeune maitresse et il leur faut faire face aux préjugés conformistes de la petite ville. De fait, Peppina et Guiseppe passent les mois d’été à travailler sans contact avec la population bussétane pour en éviter la malveillance qui ne manque pas de se faire jour. Au printemps de 1851, la vie à Busseto devenant par trop étouffante, le compositeur s’installe à Sant’Agata avec Giuseppina (qu’il n’épousera qu’en 1859).
C'est donc la Villa Verdi de Sant'Agata qui, désormais accueille le maitre quand il a besoin de se retirer. Il y coulera des jours plus paisibles qu'à Busseto .
Ce qui n'empêche pas cette dernière d'être officiellement le sanctuaire verdien : théâtre Verdi construit en son honneur, statue, musée, tout y parle du célèbre compositeur ! Même s'il n'a eu, en définitive qu'une ambition, de la fuir !
Bonjour, Michelaise.
RépondreSupprimerC'est plein de culture, mais c'est surtout émouvant.
Merci beaucoup.
Bonne journée.
Chapeau Michelaise, tu n'aurais pas pu faire mieux... Figure-toi que le "linguaggio aulico" de cet italien si désuet, moi j'aurais eu des difficultés à le traduire meme en italien courant: deux fois bravo alors, pour ta traduction impéccable.
RépondreSupprimerMais comme je ne rechigne jamais à la besogne et en plus... comment est-ce que vous dites, vous, "cercare il pelo nell'uovo"? ..ça commence peut-etre par "enc..." et finit par "les mouches"..?.. Bref, puisque je pratique un peu (trop) ce sport... et bien j'ai trouvé, entre la plaque et Verdi assis, un Busseto qui s'est transformé en Busetto (ce qui dans les dialectes de notre nord-est équivaut à "petit trou").
Mais pour en venir aux choses sérieuses, tu m'as fait souvenir justement de ces mains (si controversées...) du Maestro. Encore petite, j'avais fait le tour des "luoghi verdiani" avec mes parents, et les deux choses restées vives dans ma mémoire ce sont cette maison natale si incroyablemet humble, et les deux mains de Verdi, en marbre blanc, posées -si je ne me trompe pas- sur son piano, dans la villa de Sant'Agata. Est-ce qu'elle est encore là, tu l'as vue peut-etre, cette petite sculpture qu'il y a un demi-siècle m'avait émue?
Ces trois derniers billets sont époustouflants de détails et informations qui donnent tous envie d'aller voir in situ par le premier avion!
RépondreSupprimerMerci pour tout ce partage "d'amore della bell'Italia"!!!
Chercher les poils sur des oeufs, Siu, cela se ressemble pas vrai ?? Enc... les mouches, c'est plus hard, plus mâle disons, mais un peu moins courant !!! Je vais de ce pas corriger mes problèmes avec les doubles lettres !
RépondreSupprimerQuant aux mains de Verdi, je t'avoue que celles qui m'ont fascinées, enfin celle (il n'y a en qu'une) qui m'a fascinée est celle de Chopin au musée de la Vie Romantique à Paris, pour une raison marrante : c'est exactement, en juste un peu plus grand, la forme de ma main... tu imagines ma fierté !!
Merci HERBERT et ENITRAM de votre enthousiasme, mais comme dirait Lulu, la prof a encore sévi !!
Eh bien des profs aussi passionnantes , moi , j'en redemande ! merci de m'avoir appris toutes ces petites choses sur Verdi... c'est par les anecdotes souvent qu'on retient d'autres choses plus importantes et en tout cas , elles nous rendent le personnage beaucoup plus proche et attachant...
RépondreSupprimerBon j'arrive après la bataille elles t'ont toutes déjà félicitée ,cela devient lassant c'est toujours parfait ici.
RépondreSupprimerSon beau-père sera manifestement toujours un mécène pour Verdi même après le décès de Margherita en 1840.
Triste destin tout de même il perd sa femme et ses deux enfants
Oh Catherine, je m'amuse en te lisant car c'est on ne peut plus vrai : au point que mes étudiants en management ne retiennent que les anecdotes, et oublient consciencieusement la théorie et le cours proprement dit, ce qui donne des copies bizarres !
RépondreSupprimerOui Aloïs, triste destin mais on ne retient du Maître que son écriture "héroïque", ce qui n'est sans doute pas le terme approprié, mais tu vois ce que je veux dire. Au point que nous sommes tous, un jour ou l'autre, un peu verdiens pas vrai ?
Verdi français, Napoléon Bonaparte à quelques mois près aurait été italien, naissance : 15 août 1769.
RépondreSupprimerLa Corse est devenue française le 8 mai 1769... Le destin...
Bon weekend
Félicitations pour tes billets si bien documentés