Les Bons Plats de France... par Pampille !! J'ai trouvé ce petit livre à La Tâche (la maison de famille d'Alter) en y cherchant désespérément pour Aloïs la cuisine de Zette : "les secrets des fermes en Périgord Noir". De Zette Guinaudeau-Franc, point dans cette vénérable maison, de livres de cuisine guère plus d'ailleurs, je n'ai trouvé que cet exemplaire très dépenaillé qui a fait hurler Alter : "tu vas jeter ce vieux truc, on a assez de livres comme cela". Faut dire que l'exemplaire part en lambeaux et qu'à part le scanner pour le mettre sur mon ebook, il n'est guère utilisable. J'ai pourtant voulu voir si ce recueil loqueteux ne renfermait pas quelques trésors.
La mise en bouche, intitulée "les quatre grandes soupes" est plutôt prometteuse : " Vous qui ouvrirez ce petit livre, n'y cherchez pas des recettes nouvelles ou compliquées, ou de menus de grands dîners avec des pièces montées je serais bien incapable de les donner... mon ambition n'est pas si grande, je ne prétends rien inventer ; j'ai voulu seulement essayer de grouper dans ces pages quelques unes des bonnes traditions de la cuisine française et donner les recettes des plats les plus caractéristiques de chaque province". Les 4 grandes soupes, cela vous intrigue n'est-ce pas ? Ce sont le pot-au-feu (pas moins de 4 pages pour vous expliquer comment le faire), la poule au pot, la soupe à l'oignon et la soupe aux choux. Auxquelles Pampille ajoute, pour faire bon poids, la soupe aux poireaux et pommes de terre, et le consommé du sorcier. Non ! Je ne vous dévoilerai pas comment on fabrique ce consommé, ce serait carrément hors sujet. Car ayant appris que la cuisine provençale semblait à cette dame la meilleure de toutes les cuisines, que les bretons ne ressemblaient presque en rien aux autres français, "ayant quelque chose en eux de grave et de profond, quelque chose qui ne s'exprimera peut-être jamais mais qui existe dans leur silence, dans leurs regards et dans leur amour passionné, je dirai presque déchirant, pour leur pays", que la Normandie avait trop de tout, "trop d'ombrages, trop de pâturages, trop de cours d'eau et, hélas, trop de nuages" mais que c'était tout de même "un pays de gourmands, la crème fraiche, la crème douce et la double crème que l'on ajoute dans presque tous les plats donnant à ceux-ci un liant, un moelleux extraordinaire", j'ai voulu en savoir plus sur la région que j'habite. De Saintonge, point, mais j'ai trouvé, cela ferait l'affaire, le Poitou.
Et là, ce fut le choc : "le Poitou n'offre pas de grandes variétés culinaires ; le pays lui-même n'a rien de caractéristique : les vallées sont trop resserrées, les horizons sont trop étroits ; on dirait que le petit Clain a noué dans son ruban d'argent tout une collection de jolis tableaux, genre chromos, à la fois riants et banals, dont on ne garde pas le souvenir. Cela n'empêche pas les poitevins d'être des gens charmants et de véritables gourmets. Mais ils connaissent le peu de ressource de leur province et savent habilement profiter de leur voisinage avec l'Anjou et la Touraine pour se procurer des vins délicieux ; ils savent également faire exécuter avec soin tous les excellents plats de France." Alors là, j'ai entendu rugir Lulu, et d'autres, écœurés de voir traiter les poitevins de coucous culinaires et d'incapables gastronomiques. Dans le genre règlement de compte rapide, elle s'y entend la mère Pampille. Faut dire que cette dame, Marthe Allard de son vrai nom, n'a rien de très respectable : journaliste à l'Action française, quotidien nationaliste, monarchiste, antidreyfusard et antisémite qui n'a pas résisté à la Libération, elle fut en prime la seconde femme de Léon Daudet qui l'épousa en 1903, autant par communauté d'idées, de valeurs que par intérêt financier. Pas très recommandable ma chroniqueuse culinaire et je crains qu'Alter ne mette plus vite encore son projet de destruction des "bons plats de France" à exécution quand il aura lu ces lignes.
J'avoue quant à moi que les lieux communs que cette dame égrène sur les provinces françaises qu'elle connait manifestement peu ou de loin m'ont quelque peu énervée ! De là à en conclure que ses recettes ne valaient pas tripette, il n'y avait qu'un pas ! Elle n'a jugé le Poitou capable de ne fournir que 2 spécialités ; un clafoutis aux cerises dont la recette, sans oeufs, a l'air fort étouffante, et le tourteau fromager dont je vous livre la réalisation, on ne peut plus sommaire : "Versez dans une bonne pâte brisée un fromage de chèvre très sucré et délayé avec un peu de lait, faites-le cuire à four doux". Avec ça, on est armé pour réussir le tourteau !!! Du coup, j'ai eu envie d'en faire un, je n'ose dire "un vrai", car je ne suis pas poitevine, mais au moins quelque chose de mangeable ! Histoire d'égayer le dimanche de mon amateur de tourteau !
En principe il faut 4 œufs mais ceux de Pâques sont tellement beaux que j'en ai mis 3 seulement ! De la même façon la vraie recette se fait sur un fond de pâte brisée mais j'ai préféré faire une petite pâte sablée, pour que ce soit plus gourmand (Pampille m'avait désespérée !!). N'ayant pas de fécule de pomme de terre, j'ai mis de la farine de maïs, et n'ayant pas le moule adéquat pour ce gâteau, j'ai utilisé une tourtière... mais à part ça, tout va bien. Je résume : environ 350g de fromage de chèvre frais, 3 oeufs, 100g de farine de maïs, 150g de sucre, un peu de lait, de la levure, quelques grains de vanille et au boulot.
Après avoir tapissé un moule assez épais avec la pâte brisée (ou sablée, oui, oui c'est très bon !), on bat dans un saladier les jaunes d’œufs, le fromage émietté, la farine de maïs, le sucre, la levure et la vanille. Il faut que le mélange soit bien lisse d'où la nécessité d'ajouter un peu de lait pour obtenir la consistance désirée. On ajoute à cet appareil les blancs battus en neige, "en soulevant bien la masse pour ne pas les briser", selon la formule consacrée. Plus qu'à mettre tout cela dans le fond de tarte et à peaufiner la cuisson. Car il faut que le tourteau soit cramé sur le dessus mais pas en profondeur, or, l'ensemble étant assez épais, il faut une cuisson plutôt longue. J'ai commencé à four normal, 15 minutes à 250°, puis en chaleur tournante à 200° pendant 30 minutes et encore un quart d'heure à 150°. C'est tout gonflé quand ça sort du four, ça s'effondre un peu ensuite. Cela se mange en principe froid, à condition que vos gourmands aient la patience d'attendre... C'est léger, parfumé, en un mot délicieux.
Je m'inscris sans aucun doute aux cotés d'Alter hurlant "...jeter ce vieux truc...", et tout de suite après à ceux du groupe des gourmands qui vont briser les principes, n'ayant pas la patience d'attendre que ça se refroidit car... mmhhh... le parfum de ton tourteau arrive jusqu'ici !
RépondreSupprimerAh ah, je cite le "lait ribaud", une sorte de lait fermenté comme on en boit aussi avec les plats d'afrique du nord
Supprimer"Ah ! par exemple, il faut être breton pour aimer ce lait ribaud. Ce sont des cailles cuits, blanches et fades, d'une consistance caoutchouteuse, avec un arrière goût de fumée (???). Je ne conseille pas aux étranger d'y goûter"
Moi qui en bois tous les matins, au petit déjeuner, en me léchant les babines de gourmandise !!!!
Finalement ce vilain bouquin est une source sans fin de "drôles d'affirmation" toujours très péremptoires ! sans doute le fait du "chroniqueur" qui sait !!!
des cailles cuitEs (une caille du lait caillé, dont fermenté !! explication pour Siu, qui risque de se demander ce que vient faire la caille, petit oiseau dodu, dans du lait !!!
SupprimerAïe il va y avoir des discussions lorsque Marie Josée saura que Proust rendait hommage aux"recettes incomparables" de ce " livre délicieux ".Il qualifiait Pampille de "vraie poète"!
RépondreSupprimerQuelle édition possèdes-tu?
Celle de 1913 ou de 1927?
Moi je sais que c'est celle de 1913 que je possède et qui est dans le Lot.
Le livre a été réédité par CNRS éditions,sous la houlette d'une Américaine,celui de 1927 qui comprend des suppléments sur les vins ,fruits et primeurs .
Il en existe même une adaptation Pampille's Table de Shirley Roi,cela ne s'invente pas lorsqu'on sait que Pampille était royaliste!!!
J'aimerais bien voir à quoi ressemble un "joyau gastronomique adapté pour la cuisine moderne américaine",c'est que je j'ai traduit ....
Ce passage que j'adore " le tour de main de la cuisinière, grosse plutôt que maigre"
Et à Paris, en dehors des pommes de terre frites, il n’y a que de la cuisine de gens pressés, faite sans amour. Car cuisiner est une vocation « qui exige le sens de la joie dans la réalité ».
Donc les parisiens sont tristes!
J'ai glané le dernier paragraphe sur le net
Ici les agapes sont terminées mais je note cette recette pour le prochain dîner
Le plus dur ce sera de se procurer une GROSSE bûche de chèvre
Je ne sais quelle édition j'ai, car la dernière page a disparu !! mais comme il y a le supplément sur les vins ("les vins français sont les seuls qui se laissent boire sans fatigue. Tous les autres, et le vin du Rhin lui-même (!!!!!!) doivent être considérés comme de passagères fantaisies de chemin de fer ou de paquebot, auxquelles il n'y pas lieu de s'attarder"), sur les fruits et primeurs ("peu renseigné sur la saison par le petit peu de ciel qu'il aperçoit au-dessus des toits, parmi le hérissement des girouettes et des cheminées, mal renseigné par la floraison des arbres trop intelligents de Paris (??!!), le parisien peut néanmoins toujours avoir avec précision le mois et la date de l'année par l'apparition et la succession des fruits et primeurs)... et même sur le "mauvais dîner", qui vaut à lui seul un billet ! J'avoue que la poésie de Pampille me laisse froide ! quant à adapter le bouquin pour la cuisine américaine, la recette de la "graisse normande" où l'on fait bouillir tout une journée 25 livres de graisse de bœuf avec 5 livres de graisse de porc et tout un tas de légumes me semble très adaptée aux mœurs yankee !
SupprimerQuant à la GROSSE bûche de chèvre, tu as vu que j'en ai pris 2 de 250g et j'ai mis 1 tiers de la seconde !! j'ai hésité à mettre les deux !!!!
je complète ma phrase non terminée à cause des citations qui m'ont tourné l'esprit : comme il y a le supplément sur les vins et sur les fruits et primeurs, c'est sans doute l'édition de 1927 !
SupprimerA propos de gastronomie locale, l'humoriste anglais Glen Baxter en est un grand amateur, puisque non content d'aller à la chasse au tourteau fromager, il pratique le lancer de Grimolle (autre spécialité pictonne).
RépondreSupprimerhttp://www.charentelibre.fr/2011/06/10/en-route-pour-un-safari-historico-gastronomique-au-musee,1040156.php
Ah ah, j'avais vu cette exposition l'an dernier alors que j'étais allée voir l'expo Hennessy à Cognac, mais je l'ai ratée faute de temps pour la visiter ce jour-là... tu me donnes des regrets !!! cela avait l'air fort drôle en effet !
SupprimerBon. Je suis à la fois interpellée et en même temps, hors-concours, comme pour la liste d'inscription en hypokhâgne où je pouvais concourir, mais pour la seule gloire, sans avoir les avantages de l'intégration! Histoire ancienne, je me reprends...
RépondreSupprimerJ'avoue que les premières lignes citées m'ont beaucoup réjouie et que je m'apprêtais à te demander la recette de la soupe à l'oignon rédigée à la façon mère Pamphile, mais, en lisant la suite, comme j'ai déjà affirmé chez Danielle que le marine était ma couleur préférée, je risque de me faire jeter à la porte du monde des blogs.
Entendons-nous sur l'intérêt poétique et historique de ces ouvrages. J'en ai aussi un sur le tricot dont il faudra que je vous cite des extraits un jour. C'est édifiant sur le rôle de madame au foyer! Quant à adopter leur contenu à nos habitudes contemporaines, c'est un peu autre chose.
Comme Proust n'a vraisemblablement jamais tenu une casserole dans ses mains, je crois que nous pouvons nous fier à son jugement pour la poésie et laisser tomber ses considérations sur l'art culinaire...
Concourir pour la gloire, que voilà un bel et beau programme... quand on a 16 ans !! quand on en a un peu plus, on aime de moins en moins jouer à ce type de jeu.
RépondreSupprimerRevenons à Pampille, que je suis allée récupérer dans la poubelle tant il me reste de détails croustillants à en dire ! "Pour 8 personnes : mettez du beurre ou de la graisse de rognon de boeuf dans une casserole sur un feu vif ; pelez et coupez en tranches minces quatre ou cinq oignons, laissez bien dorer vos oignons, jetez du bouillon gras bouillant dans la casserole par petite quantité (environ 1 litre 1/4) tout en tournant avec un cuiller en bois. Salez très légèrement, laissez bouillir au moins un quart d'heure ; quelques minutes avant la fin de la cuisson ajoutez quelques cuillerées de crème fraîche. Disposez d'autre part dans une soupière : une couche de tranches de pain rassis coupées très mince et poivrées, une couche de parmesan râpé (ou de gruyère mais le parmesan est meilleur) et par-dessus encore une couche de tranches de pain poivré et une couche de fromage râpé. Versez votre soupe dans la soupière, faites-la gratiner au four pendant un quart d'heure environ et servez. Il faut près d'une demie-livre de formage râpé.
A défaut de bouillon gras, le bouillon de haricots frais écossés, le bouillon de fèves ou le bouillon de lentilles, etc, donneraient aussi bon goût à la soupe....
... certaines personnes, quand elles se servent simplement d'eau bouillante, ajoutent une cueillerée de farine ; mais j'aboue que je préfère la soupe à l'oignon faite sans farine".
SupprimerVoilà donc, citée in extenso, étrangetés grammaticales comprises, la recette de Pampille pour ce plat de "fin de fête" qui a la réputation d'enlever l'ébriété. Ma recette est légèrement différente puisque je saupoudre légèrement les oignons d'un peu de farine que je fais brunir quelques instants avant d'y ajouter le bouillon. Et surtout je parfume ma soupe d'une rasade plus ou moins appuyée de Madère ou de Porto. Certains la font avec du vin blanc mêlé au bouillon. A toi de choisir !!
... certaines personnes, quand elles se servent simplement d'eau bouillante, ajoutent une cuillerée de farine ; mais j'avoue que je préfère la soupe à l'oignon faite sans farine".
RépondreSupprimerVoilà citée in extenso, accords grammaticaux étranges compris, la recette de Pampille pour cette spécialité de soupe "fin de fête", qui a, dit-on, la faculté d'enlever l'ébriété ! J'avoue que ma recette est un peu différente puisque je saupoudre légèrement les oignons de farine avant d'y incorporer doucement le bouillon. Bouillon auquel je rajoute une rasade plus ou moins appuyée de Madère, pour le parfum !
Ouh que ça semble intéressant tout ça... Je reviendrai te lire en détails plus tard Michelaise car je suis en retard (on attend de la famille pour toute la fin de semaine et je ne suis pas prête du tout... ;-)))
RépondreSupprimerPour l'instant, je n'ai parcouru ta page qu'en diagonale et elle mérite mieux que ça...
A très bientôt donc et bonne journée à toi.
Je n´ai jamais goûté de tourteau poitevin. Moi qui ai vécu 18 ans à quelques kilomètres du Poitou.
RépondreSupprimerIl est vrai qu´à cette époque, je n´en voyais pas. Je l´ai connu plus tard sur les revues de cuisine.
Et bien merci Michelaise, je vais essayer la recette.
Le plus difficile, il me semble est la chaleur du four.
Je vais donc suivre tes indications.
C'est vrai que ce n'est que relativement récemment que l'on a trouvé cette spécialité sur les marchés locaux. Mais le cramé qu'on achète n'est pas très bon, il fait grincer les dents et il est sec, moi je l'enlève ce qui est un comble !!! par contre celui qu'on fait est délicieux !! Bonne dégustation Alba !
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