La pêche au thon est, en Méditerranée, une activité fort ancienne, puisqu’on en voit des représentations sur des gravures rupestres remontant à la préhistoire. Les monnaies phéniciennes reproduisant des thons montrent, elles aussi, l’importance que ce peuple attachait à la pratique de cette pêche et à celle de la préparation du poisson. Les arabes, quant à eux, diffusèrent pour la capture le système des filets fixes ou madragues, divisés en chambres et organisés de telles façons que les thons soient guidés à travers les différents casiers jusqu’à la « chambre de la mort ». C’est d’ailleurs aux arabes qu’on fait remonter la naissance de la tonnara, et ce d’autant plus que la plupart des mots techniques utlisés dans le métier sont d’origine arabe : « rais » (chef de la tonnara), « muciara » (petite barque de travail) ; « marfaragghiu » (la structure de travail du poisson et les outils qui vont avec).
Une tonnara est formée de deux parties : La « pedale », parois de filets éloignés de la côte et qui s’étend jusqu’à une profondeur de 70m, sur une longueur pouvant atteindre 3km, et dont le but est d’interrompre le trajet des thons et de les dévier vers l’ « isola » ou chambre de capture L’ « isola », sorte d’édifice sous-marin, chambres d’environ 300 mètres par 50 reliées par des ouvertures appelés portes au-dessus desquelles stationnent des barques « de garde » dont le travail est de pousser les thons d’une chambre à l’autre. Jusqu’à la dernière, la fameuse « chambre de la mort » où le « rais », après s’être incliné devant les poissons en les appelant « Signurine », donne le signal de la « mattanza », c'est-à-dire de la tuerie.
La tonnara di Vindicari, dite aussi di Bajuto, était ce qu’on appelle une tonnara di ripasso : en effet les thons passaient une première fois devant les côtes syracusaines pour aller pondre vers l’ouest de l’île, où les « tonnare » sont aussi nombreuses mais ne capturaient qu’après la ponte qui avait lieu début mai. Lorsque les thons revenaient, reproduction assurée, les tonnare de l’est les piégeaient à leur tour. Les "anciens" avaient, à défaut d'un sens un peu frelaté de l'écologie, le "bon sens" de préserver la nature qui les nourrissait. Ils savaient respecter et protéger ce qui assurait leur survie, plutôt que d'en abuser sans penser aux générations futures.
La tonnara di Vindicari ou di Bajuto, avec ses faux airs de temple grec, et ses fours pour cuire le poisson pêché
La "nôtre" employait 44 pêcheurs, 2 « rais » et une cinquantaine d’ouvriers pour la préparation du poisson.
Active au moins depuis les années 1600 (on n’a pas d’archives pour la période antérieure) la tonnara di Bajuto appartenait aux Nicolaci dont elle fit la fortune et la réputation. La pêche au thon fut interrompue pendant la seconde guerre mondiale avec le débarquement des alliés qui éloignèrent les poissons de la côte, mais il semble que déjà auparavant on avait observé ce recul du passage des bans.
Actuellement il n’y a plus de pêche au thon au contact direct de l’île, mais les ilots proches, comme les îles Egades, continuent à pratiquer ce combat de l’homme contre la bête. Refusant avec la dernière énergie l’industrialisation de la pêche au thon, qui satisferait les consommateurs, surtout japonais, mais décimerait l’espèce, ces pêcheurs siciliens costauds et endurcis continuent à repérer les bancs, dresser leurs madragues et affronter les thons à la loyale, ou presque, pour la plus grande joie des passionnés et des touristes qui se pressent à Favignana au mois de mai. L’activité doit être subventionnée pour survivre mais la fascination qu’elle exerce sur ceux qui la pratiquent et sur ceux qui l’admirent procède du respect des traditions ancestrales dont le côté barbare ne doit pas rebuter.
Vous pouvez, à l’issue du visionnage de ce film, décider de ne plus jamais manger de thon, si tant est que vous en consommiez encore beaucoup, tant la présence de ce précieux animal est devenu rare sur nos étals. J’avoue quant à moi, faute de thon car on n’en trouve que très épisodiquement, avoir adopté la bonite, à toutes les sauces, comme son gigantesque acolyte : crue, marinée, au citron, grillée, chaude, froide, mijotée, elle est excellente et permet de se consoler agréablement !!!
Ceci étant, s'il vous arrivait de craquer malgré tout un joli pavé de thon, bien rouge et bien moelleux, je vous recommande de le paner avant cuisson dans un poudre de pistaches : c'est absolument délicieux et typiquement sicilien ! Vous accompagnez cela d'une bonne caponata maison.
Ceci étant, s'il vous arrivait de craquer malgré tout un joli pavé de thon, bien rouge et bien moelleux, je vous recommande de le paner avant cuisson dans un poudre de pistaches : c'est absolument délicieux et typiquement sicilien ! Vous accompagnez cela d'une bonne caponata maison.
Tu sais, déjà que je ne mange plus ni porc, ni boeuf... je crois que je vais laisser la vidéo!
RépondreSupprimerIci, les boîtes de thon de certaines marques comportent une petite mention au sujet de l'attention apportée à la protection des dauphins qui avaient l'habitude de se coincer dans les filets utilisés pour capturer le thon.
Est-ce aussi le cas chez vous?
Je te souhaite une bonne semaine et prendrai du temps pour poursuivre ton périple sicilien, car la semaine dernière a été un peu perturbante sur le front estudiantin!
@ +
peut-être la vidéo est-elle là pour montrer qu'en définitive la nature est constituée de prédateurs et de victimes !!! tu peux te rabattre sur la bonite, comme Evelyne, mais si la pêche en est moins impressionnante, doit-on être moins sensible à l'agonie des bonites, sous prétexte qu'elles sont plus petites que les thons ? Va savoir.
SupprimerOn entend enfin parler des tempêtes sur le front canadien, ce matin tout une chronique sur France Culture, il était temps qu'on s'y intéresse aussi. Et c'est très agité me semble-t-il : un chroniqueur a trouvé le moyen d'en sourire en citant la vraie ou fausse lettre d'une maman organisant un goûter d'anniversaire et demandant l'autorisation de le faire !
Je vais peut-être passer à la Bonita si tu le dis !
RépondreSupprimerC'est une façon de se consoler de ne plus trouver de thon sur nos étals, et c'est vraiment très bon, dans les mêmes utilisations culinaires
RépondreSupprimerLa nôtre était gardée par une jolie tour de Frédéric
RépondreSupprimerElle ne fonctionne plus depuis 1984
Je te conseille cette délicieuse poudre de pistache
Quant à leur pâte de pistache,une cuillerée délayée dans un peu d'eau de cuisson des pâtes c'est le petit Jésus en culotte de velours.
Oui elle est chère mais les bons produits sont chers et il en faut très peu
Celle dei Vendicari a flanquée d'une tour souabe aussi
RépondreSupprimermerci pour l'adresse poudre de pistache et la recette de crème sur les pâtes !