dimanche 15 juillet 2012

AVIGNON OFF 2012 - 6 -

Mère & fils

Joël Jouanneau

Une mère et son fils, longtemps séparés, se retrouvent. Quelque chose dans leur passé commun a provoqué la rupture. Au cœur de la nuit, leur rencontre, à mi-chemin entre règlement de comptes et retrouvailles, est l’occasion d’un tête-à-tête aux allures de concert. On joue de la musique et entre deux morceaux, on ne fait pas qu’évoquer la guerre, on se la fait. On tue quelque chose, le passé, le présent. Et puis la nuit prend fin, le jour se lève.
Coproduction L’Eldorado – Théâtre du Champ de Bataille

Là, il y a URGENCE !! Et si je savais un moyen d'obtenir que mon blog soit lu par un maximum de festivaliers, je n'hésiterais pas à en user. Car ce spectacle, sans doute le meilleur (un des meilleurs en tout cas) de notre séjour, est désespérément peu fréquenté. Pourtant le lieu n'est pas une arrière salle douteuse, le Grenier à Sel, tout de même, c'est une garantie de qualité. Mais parfois on doute du bon sens des festivaliers, qui se ruent sur des nanars et qui ratent les chefs d'oeuvre.
Résumons : d'abord la pièce elle-même, du vrai théâtre, bien écrit, bien mené, pas trop difficile mais assez élaboré pour que le spectateur se sente intelligent, une intrigue, des rebondissements et du beau texte, sensible et bien écrit. Ça, c'est Joël Jouanneau.

Ensuite la mise en scène : impeccable, une table lumineuse posée en diagonale coupe la scène en deux, et devient, au gré du texte, piano, ciel étoilé ou banquise. Les personnages s'y ancrent, s'y noient, y dansent et s'en servent de rempart, de barrière ou de protection.
Les acteurs enfin : justes, émouvants, précis, ils nous entraînent et nous accrochent, ils sont éloquents, touchants et surtout, surtout, terriblement vrais.
Au total, une pièce ciselée, où l'attention ne faiblit pas un instant, où l'on est surpris, saisi, remué, bref un authentique moment de théâtre, à ne rater sous aucun prétexte.

Trahisons

Harold Pinter
Emma: Et quel est le sujet d'après toi?
Robert: La trahison...
Emma: Non pas du tout.
Harold Pinter nous fait remonter le temps et revivre les moments clefs d'une passion à trois.
Sous les propos apparemment anodins s'ouvrent des abîmes.
Un chef d'oeuvre du Prix Nobel de littérature 2005
.

Bon, était-ce à cause du moment très fort partagé avec Anne Bellec et Eric Ferrat, les interprètes de Mère et Fils,  ou à cause de la chaleur, ou parce que nous avions faim ou trop mangé, va savoir, mais nous nous sommes un peu ennuyés. Oh, c'est pas mal, mais d'abord l'argument de Pinter, le mari, la femme, l'amant, ce dernier étant le meilleur ami du premier, est, comment dire ... rebattu ! Il y faudrait beaucoup d'inventivité pour en faire une thème qui accroche ! Et le grand dramaturge britannique est ici un peu superficiel.

Pour le reste, les acteurs sont honorables, la mise en scène propre, mais au total, je crois que cela nous a révolté d'avoir à se battre pour entrer alors que nous venions de quitter une pièce autrement plus prenante que le public, dans sa grande moutonnerie, ignore !

Invisibles


Nasser Djemaï

Martin débarque dans un foyer de vieux travailleurs immigrés pour retrouver la trace d’un père inconnu. Il a dans les mains un coffret et dans la tête les derniers mots de sa mère qui cachent de lourds secrets. C’est ici qu’il va découvrir le rude quotidien de ces hommes, ces «Chibanis» qui ne sont plus d’aucun monde - Invisibles ici, en France, et dans leur pays d'origine - Martin va suivre leur combat pour conserver le peu qu’il reste de leurs rêves et de leur dignité.
C’est avec beaucoup de délicatesse, de respect, de violence et de vérité que Nasser Djemaï a réussi à entrer dans le vif d’un sujet de société, à appuyer là où ça fait mal et à faire rire en même temps.


Au théâtre du Chêne Noir, on sait qu'on va faire la queue, que la foule est assurée et que ce sera la foire d'empoigne pour entrer. Nous y sommes allés tout de même, bien que d'ordinaire nous évitions ce "Off" un peu trop "In", car le thème d'Invisibles nous avait semblé intéressant. Et, de fait, l'idée est bonne : parler de ces anciens travailleurs immigrés, écartelés entre les deux rives de la Méditerranée, qui doivent vieillir ici pour avoir le droit de toucher leur retraite, est plus que respectable. La France est devenue, bon gré, mal gré, leur pays, ils y ont vu s'enliser leurs rêves, mais n'ont pas pu retourner chez eux. Ces sages, qui, chez nous, ne sont que des vieux, ont tant à dire et tant vécu qu'il était bon de leur donner la parole. La pièce est construite à partir de témoignages, et les dialogues sonnent vrai.

Mais... mais c'est trop long, trop lent. Et le jeune acteur dont l'histoire fournit une intrigue qui permet de faire prendre la sauce, n'est pas vraiment dans le ton. Je vous assure, deux de mes voisins dormaient comme des bébés, celui qui était devant moi ne cessait de tomber côté allée tant son sommeil était profond, derrière "ça"baillait à s'en décrocher la mâchoire et soupirait sans s'en rendre compte, mais tout ce beau monde à la fin, a applaudi à tout rompre. Pourtant, il manquait quelque chose, un je ne sais quoi qui aurait donné du souffle, un rythme au spectacle. Et ce ne sont pas les acteurs qui sont en cause, ils jouent de façon pertinente et sont très crédibles. Sans doute un problème de texte ou de mise en scène.


Les Oranges


Aziz Chouaki
Après 4 mois de succès au Théâtre du Lucernaire à Paris, ce spectacle est pour la première fois repris au festival d'Avignon.
Une tonique traversée de l'histoire algérienne par Aziz Chouaki.
Les Oranges ressemble à un conte d'aujourd'hui qui mêle fiction et réalité historique, un récit poétique, ciselé de cocasseries et d'humour cinglant, de gravité douloureuse et de lyrisme. Sans relâche, son narrateur, amusé, passionné, laisse filtré l'espoir. Une épopée haute en couleur qui retrace les déchirures, les errements, les espoirs du peuple algérien, son lent et difficile parcours vers la liberté.

Au contraire, les Oranges est un excellent moment de théâtre. Il y est encore question de l'Algérie, mais ici le texte de Chouaki est tonique et poétique. Des mots en liberté qui ont du style ! Le français se mêle à l’arabe, l’Orient épouse l’Occident, la démesure construit une sorte d’introspection joyeuse des drames historiques et contemporains de l’Algérie. Joyeuse parce que vivante, vibrante. C'est vraiment beau et prenant à entendre.

Et Azeddine Benamara, merveilleusement secondé par Mounya Boudiaf qui chante et forme la "bande son" du spectacle, joue avec l'exact équilibre qui permet à ces mots écrits d'être parlés, dits, sussurés, et de prendre vie pour nous. Il est irréprochable : léger, grave, très présent sur scène et parfaitement au diapason avec Chouaki. C'était notre dernier spectacle avignonais et (grâce à R. qui nous l'avait conseillé) c'était une bonne pioche. 

1 commentaire:

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