vendredi 27 juillet 2012

JEUDIS MUSICAUX 2



Jeudi 28 juin, Duo Chant Piano, Guy Bonfiglio baryton et Isabelle Poulain, piano à Brie-sous-Mortagne

Un récital de mélodies françaises : délicieusement ringard et pourtant j'adore !! Des mélodies de Gounod, Poulenc, Fauré, Debussy... des poèmes de Lamartine, Baïf, Verlaine, Éluard... Et puis, une découverte, amusante et qui mérite d'être contée.
Connaissez-vous Pierre Vellones ? J'avoue que je n'en avais jamais entendu parler et ce fut une de ces découvertes intéressantes que la musicologie actuelle permet. Elle tente de plus en plus, au-delà des célébrités reconnues et consacrées, de nous faire apprécier des talents oubliés.
Pierre Rousseau était fils de médecin et papa, plein de bon sens, ambitionnait que son fils ait le même métier que lui. Ce que ce dernier, en enfant obéissant, accepta sans révolte, disant pourtant : « Pour moi, la médecine n’est qu’un pis aller ». Car Pierre avait un joli coup de crayon, et il s'essayait à peindre. Il aimait aussi la musique et il étudia, en plus de l'anatomie et de la physiologie, le contrepoint, la fugue et la composition. Cette aimable conjonction, alliée à une vraie inspiration, lui permit de réaliser sa vocation, tout en continuant son sage métier d'omnipraticien. Et il le fit avec un sérieux et une inventivité qui garantissent à l'auditeur de l'an 2012 une vraie qualité musicale. Dès ses premiers essais, il déclare : « J’ai acquis la conviction qu’il me fallait à tout prix éviter l’amateurisme et le dilettantisme. »


En 1914, alors qu'il était médecin sur le front, il traversa un joli village meusan qui lui paru fort romantique et qui se nommait Velosnes. C'est à cette occasion qu'il choisit son pseudonyme de compositeur. 
Aquarelliste et poète, il traduisait ses inspirations visuelles en musique, et trouvait dans l'art des notes une douce compensation aux doutes et difficultés de sa vie. Qui ne lui furent guère épargnées : en effet, il avait à peine 38 ans quand on diagnostiqua chez lui une maladie de Kahler, qui le condamnait à court terme.
Il était très curieux et affirmait « Je crois à la nécessité absolue de rajeunir l’orchestre pour les œuvres à venir, et cela surtout par trois éléments : saxophone, batterie, Martenot ». C'est ainsi que, non content de composer des mélodies qu'on pourrait qualifier de classiques, très en vogue en ce début de XXème siècle, il se passionna pour les recherches d’Aleksandr Mossolov, de John Cage, pour les folklores extra-occidentaux et rêvait de rénover l’écriture musicale par l’apport de sonorités inouïes. Il composa même du jazz, dont il disait qu'il fut pour lui,« une révélation aussi violente que Tannhäuser quand je portais des cols marins ». Jamais en veine de modernité, il fut également le premier compositeur français (et deuxième au monde) à recourir aux ondes Martenot : composant par exemple un quatuor de saxophones et ondes en 1935.
Il fit des musiques de film et écrivit aussi beaucoup pour les enfants, avec humour et  inspiration ! C'était un créateur intarissable et un novateur sincère et  plein d'humour, qui travaillait avec acharnement pour oublier son mal. Reconnu et admiré par ses pairs, il a, comme beaucoup, été oublié lorsque la mode a évolué. Il était de bon aloi de lui rendre hommage et les 5 épitaphes chantées par Guy Bonfiglio, accompagné par Isabelle Poulain au piano, étaient un délice de malice et de fantaisie : qu'on en juge par les titres : épitaphe d'une femme par son mari, d'une dévote, d'un paresseux, du pauvre Scarron par lui-même et d'un grand médecin.

Voici l'épitaphe du paresseux : si elle vous amuse, vous pourrez trouver les autres sur YouTube


Jeudi 26 juillet Récital de Violon par Dan Zhu, à Saint Augustin

Il n'a pas 30 ans, il est charmant et adore les huîtres, et il ne manque pas d'audace : il nous a offert, sans coup férir, les 24 Caprices de Paganini... excusez du peu !!! Certes, la partition n'est pas toujours très inspirée : même si quelques uns de ces caprices sont merveilleux, ils font parfois un peu "exercice", mais ce qu'on admire dans ce type de concert c'est la virtuosité et le véritable exploit que l'exécution de cette pièce, concentré de difficultés techniques, représente. 
Si je vous dis sauts, bariolages, trémolo, pizz main gauche, glissando, alternance rapide pizz et saltato, vous pensez plutôt à la danse qu'au violon. Et, de fait, c'est une vraie épreuve physique pour le violoniste que de jouer Paganini dans ses œuvres démonstratives ! Et Dieu sait que les Caprices le sont ! Dan Zhu est arrivé, très bon chic, bon genre, dans une impeccable chemise à col Mao (oui, oui, un chinois de la jeune génération n'a pas peur d'arborer cette tenue connotée pour les soixante-huitards que nous sommes !)... mais, à l'entracte, il a troqué sa chemise pour un Tshirt et à la fin du concert, il était "en eau" et épuisé !!! Et il y a de quoi car ces pièces, autrefois réputées injouables à cause de leurs écueils techniques, restent une véritable gageure pour les interprètes. Et le tout jeune Dan Zhu a relevé le gant avec brio ! Pizzicati de la main gauche, grands intervalles, utilisation de doubles, triples, voire quadruples cordes, superposition de mélodies, trilles, démanchés... rien ne lui fait peur et il nous a charmés et séduits par l'apparente simplicité avec laquelle il servait ce tyran du violon qu'est Paganini.


Jeudi 26 juillet L'Ensemble Europa Galante dirigé par Fabio Biondi, à Cozes

Un tout autre registre nous attendait le soir à Cozes, mais là encore, ce fut un très grand moment ! Imaginez la chance que nous avons d'avoir un directeur de Festival qui nous permet d'entendre, en formation réduite certes, mais au summum de sa qualité, l'ensemble de Fabio Biondi ! 
Pour un programme d'un discernement et d'une subtilité excitants : le thème en était la Folie ! Nous avons donc eu, selon un délicat dosage, les Follie, celle de Vivaldi en début de première partie, et celle de Corelli pour entamer la seconde. Entrecoupées par l'Apothéose de Corelli par Couperin, qui célébrait en quelque sorte la folie du désir de gloire, avec des pièces aux titres dignes, le mot est d'Alter, de toiles de Poussin : "Corelli au pied du Parnasse prie les Muses de le recevoir parmi elles"..."Les Muses réveillent Corelli et le placent auprès d'Apollon"... La sonate en ut mineur de Carl Philipp Emanuel Bach, "Sanguineus et Melancholicus"* était une parfaite illustration de la schizophrénie : une partition d'un modernisme incroyable qui dépeint la confrontation entre deux humeurs (au sens de la théorie des humeurs héritée de la médecine antique). Le compositeur a fait précéder la première édition de sa partition (1751) d’une préface détaillant les répliques de cette « conversation entre deux personnages, un sanguin et un mélancolique ». Si l'on imagine que ces deux tempéraments se fondent en une seule personne, on est en présence d'un schizophrène typique.
En bis, Fabio Biondi nous a proposé une pièce d'Uccellini, un émilien du XVIIème, pièce dont le titre et le contenu étaient l'expression de la folie suprême, à savoir La Battaglia.
A l'intelligence de la composition du programme s'ajoute, avec Fabio Biondi, une distinction de jeu et un raffinement d'interprétation qui font de lui un des grands de la musique baroque. Tout était ciselé, fin et délicat, un vrai bonheur pour les sens.





* Pour info, sur cette œuvre surprenante et tellement passionnante : selon Hypérion :
"Dans cette œuvre, les violons symbolisent deux des quatre grands types psychologiques ayant dominé la théorie médicale depuis l’Antiquité grecque. La mélancolie a conservé sa signification première; quant au sanguin, sa nature, où prédomine le sang, le rend rubicond, courageux, plein d’espoir et amoureux.
Le premier mouvement peut être ainsi exposé: Melancholicus effectue la première énonciation en mesure binaire, Allegretto et avec sourdine, la demi-cadence de dominante signifiant que l’on demande à Sanguineus s’il est d’accord. Par un changement de mesure (triple Presto) et de tonalité (ut mineur à mi bémol majeur), ce dernier fait comprendre, sans sourdine, qu’il n’en est rien et il modère bientôt délibérément son entrain pour tenter de convaincre son contradicteur, avant de conclure sur une question indiquée par une cadence de dominante. Une brève pause vise à lui donner le temps de dérider Melancholicus, qui replonge pourtant dans son humeur première. Avec impatience, Sanguineus expose de nouveau ses arguments et s’interrompt pour inviter son opposant à compléter la phrase. Au lieu de quoi Melancholicus interpole un développement de son propre argument. Ne sachant s’il agit par malice, par ignorance ou par négligence, Sanguineus, quelque peu amer—son interlocuteur a déjà résisté deux fois à ses tentatives de persuasion—, lui montre comment la phrase aurait dû se poursuivre. Melancholicus commence alors à se laisser fléchir et fait une réponse correcte. Mais ce premier pas difficile, quoique petit (seulement six notes), le contraint à marquer une nouvelle pause pour se rétablir et revenir à son thème original. Sanguineus le moque par une imitation comique de ses pensées, qu’il convertit à son propre rythme. Melancholicus ôte alors la sourdine pour le suivre et tous deux jouent ensemble une section prolongée, fondée sur le sujet de Sanguineus. S’ensuit une pause; Sanguineus attend de son adversaire qu’il prenne la tête, mais celui-ci remet sa sourdine et retourne à son thème premier, avant de terminer sur une nouvelle question. Sanguineus formule une réponse contraire, mais Melancholicus réplique par une bribe de sa propre hypothèse. Sanguineus la singe alors avec colère, développant une phrase compacte jusqu’à atteindre une octave. Passé une pause, il reprend et Melancholicus poursuit correctement pendant quelques notes avant de replonger dans sa mélancolie. C’est alors que Sanguineus, s’inspirant de son précédent succès, joue sur le sens de l’honneur de Melancholicus pour le rallier à son opinion: il persifle ses idées puis le réinvite à le suivre. Ce que l’autre fait, sans sourdine. Mais la pensée qui l’a déjà détourné une fois de cette voie le ramène à sa mélancolie. Sanguineus l’en extirpe vite. Vient alors une section où les deux interprètes évoluent ensemble. Sanguineus a perdu un peu de sa ferveur. Mais sa flatterie de Melancholicus suscite un regain de mélancolie. Sanguineus s’en gausse. Les deux protagonistes jouent en alternance jusqu’à ce que Melancholicus sombre dans un profond sommeil. Sanguineus continue de le railler mais s’arrête deux fois pour écouter une éventuelle réponse: il n’entend rien. Ainsi s’achève le premier mouvement; malgré son programme, il a une forme cohérente ABABA (bien qu’il soit, tonalement, plus complexe que cela). Le dialogue est limité aux sections A, beaucoup moins longues que ce que le temps nécessaire à leur description pourrait suggérer.
Le second mouvement embraye directement, et Melancholicus, qui a remis sa sourdine, commence à marmonner tout seul; Sanguineus répond avec frivolité. Tous deux exécutent des thèmes contrastés jusqu’à ce que, en fin de mouvement, Sanguineus demande à Melancholicus de se joindre à lui. Cette tentative échouant, il réitère puissamment sa demande (une seule note); ne rencontrant que le silence, il la renouvelle plus poliment. Melancholicus, qui a ôté sa sourdine, se laisse attendrir et signifie son changement d’état d’esprit en imitant une phrase de six notes de Sanguineus. Ce dernier la poursuit, Melancholicus la répète pour montrer sa détermination, puis tous deux concluent l’Adagio dans l’unanimité. Cette dernière perdure dans l’Allegro; en tant que vainqueur de la dispute, Sanguineus laisse poliment à Melancholicus le soin de commencer, et les deux instruments se lancent dans une amicale conversation."






9 commentaires:

  1. Bonsoir Michelaise. Ton enthousiasme fait plaisir à... lire...
    N'étant pas musicienne, je ne connais pas les morceaux dont tu parles et encore moins leurs interprètes. En tant qu'ignorante c'est particulièrement une anecdote que tu cites qui m'a bien amusée... Tu parles du jeune violoniste chinois en disant qu'il aime les huîtres. Cette référence hautement gastronomique m'a vraiment bien fait rire ;-)
    Bon week-end à toi

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    1. Il doit les aimer vraiment car en cette saison elles sont fort "huîtres" et quelqu'un comme toi serait encore plus "rebuté" par leur aspect ! On admet, en principe, qu'il vaut mieux éviter d'en consommer durant les mois sans "r", mais en bord de mer cela ne pose pas de problème. Pour autant, l'huître d'été n'est pas la meilleure.
      Quant aux morceaux dont je parle, même en n'étant pas musicienne, il y a de fortes chance que tu aies entendu sans le savoir une des deux Follie, soit la Follia de Vivaldi soit celle de Corelli

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  2. Dans une autre vie je m'installerai dans cette région toutes ces possibilités de concert me font vraiment rêver
    Mais peut-être est-ce l'effet été et qu'il y a moins d'offres l'hiver.
    Mais il me semble que cette région est vraiment à privilégier pour les amateurs de musique

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  3. Je ne connaissais pas non plus Vellones , merci pour cette découverte!

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    1. La pianiste connaissait bien je crois sa fille (ou petite fille ??) d'où ces pièces dans le programme. Mais c'est intéressant ces découvertes !

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  4. J'ai tout zappé cette année. Jeudi prochain j'irai à St Seurin - sauf empêchement!

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    1. Claire Désert à Saint Seurin, cela ne se rate ! Nous, nous avons profité des réservations possibles pour les journées à thème pour n'avoir pas à arriver des plombes avant le concert, et être assurés de pouvoir rentrer. Un super initiative des organisateurs très appréciée des fidèles !! de plus, on a droit à une carte de fidélité cette année, le 6ème concert nous est offert. De quoi devenir accro, non ?

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  5. Nous avons suivi Biondi dans sa folie baroque et son petit orchestre vendredi soir à Lessay... Quel talent ! Je n'en suis toujours pas remise !!!

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    1. Mazette !! je n'ai pu m'empêcher d'aller voir sur Google Map : Royan Lessay, 485 km, près de 6h de route !!! Ils devaient être bien fatigués en arrivant, jeudi à Cozes, vendredi à Lessay ! Dure, la vie d'artiste ! En tout cas,je suis enchantée que nous ayons partagé les mêmes émotions, fortes qui plus est ! c'était vraiment un beau moment, merci à Fabio et aux autres !!!

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