mardi 17 juillet 2012

PUECH AU MUSÉE CALVET


Le musée Calvet présente une exposition, "Marcel Puech, la passion du dessin", du 12 mai 2012 au 18 mars 2013. Marcel Puech, originaire d'un petit village près de Millau, était devenu avignonnais d'adoption. Il était antiquaire, d'abord à Montpellier, puis à Avignon et il aimait passionnément les dessins. Par quatre donations successives, il céda à la Fondation Calvet une grande partie de ses immenses collections. Au total, plus de 3000 feuilles, allant de la fin du XVème au milieu du XIXème, et appartenant aux écoles italienne, française, espagnole, flamande, hollandaise et même allemande. 

 Nicolas Mignard (Troyes 1606 Paris 1668) Étude de visage et 4 études de mains

Le musée Calvet propose de découvrir ces trésors en deux étapes : jusqu'en octobre 2012, on découvre la première partie de l'exposition, intitulée « Le Message Chrétien ». Elle présente 55 dessins à thématiques bibliques, illustrant des scènes de la vie de la Vierge et du Christ, de l’histoire des saints et de l’église. Puis du 1er novembre au 18 mars, une seconde exposition intitulée « L’idéal Antique » permettra de découvrir 55 autres oeuvres, autour de la mythologie grecque et de l’histoire romaine. 

 Pietro Faccini (Bologne vers 1562 - Bologne 1602) Assomption de la Vierge

Le propos est d'aborder les deux faces de notre culture : la judéo-chrétienne, à laquelle Marcel Puech était très profondément attaché, et l'art gréco-romain antique, qu'en bon Méditerranéen il considérait comme fondateur. Ainsi, à travers ces deux approches de nos racines et de notre héritage culturel, les organisateurs de l'exposition veulent rendre hommage au collectionneur et au généreux mécène. 

 Vincenzo Carducci dit Vincente Carducho (Florence 1576 Madrif 1638) Christ en croix et une étude de jambes

Nous avons vu les dessins d'inspiration religieuse, une fort belle série de noms prestigieux, Boucher, Mignard, l'Algarde, Parmesan et bien d'autres. Des œuvres de tous horizons, collectionnés à une époque où ils n'avaient pas encore la reconnaissance des amateurs : croquis, mise au carreau, préparation de peinture, ébauche de thèmes... bref des témoins du travail de préparation propre aux peintres anciens, et, à ce titre, doublement passionnants.


Le musée présente par ailleurs bien d'autres chefs d’œuvres, dont plusieurs Simon de Chalons, un peintre actif à Avignon de 1532 à 1562. La grande époque !! La Sainte Parentée a été restaurée récemment par le C2RMF* (je me demande d'ailleurs si ce n'était pas le panneau présenté en introduction à l'exposition La Vierge et Sainte Anne du Louvre), et, en dégageant des repeints et restaurations intempestives ce qui reste de cette oeuvre du maître champenois, on a remis au jour la presque intégralité de l’œuvre originale. On sait combien les artistes ont aimé repeindre, refaire, remodeler et plus l’œuvre est ancienne, plus son nettoyage est complexe. Ici, c'est presque 80% du panneau qui ont pu être remis en lumière, ce qui est beaucoup !!


Les restaurateurs ont pris le parti de ne pas combler de façon illusionniste les manques, la lisibilité de la peinture n'étant pas affectée par les lacunes, jugées supportables pour l’œil du spectateur. On a teinté les manques dans une couleur proche du support, un noyer composé de 8 planches qui ont pas mal joué et dont on s'est contenté de consolider les joints. Ainsi on peut "lire" l’œuvre dans sa forme presque originelle.

Son sujet est assez inhabituel : on y voit sainte Anne, la mère de la Vierge Marie, entourée de ses trois maris successifs, Joachim, Cléophas et Salomé. Parmi cette sainte famille "recomposée" (déjà !!), on identifie aisément au centre, sainte Anne avec un fichu blanc qui entoure affectueusement les épaules de sa fille, Marie, tandis qu'à leurs pieds le Christ Enfant est juché sur son berceau, une balancelle au décor antiquisant. Il attire tendrement à lui Saint Jean, le futur Baptiste, tenu par Marie Salomée, au strict profil de médaille.


Debout, au fond, Salomé, Cléophas, Joseph, Joachim, Zébédée et Alphée. A gauche, apparaît saint Jacques, appuyé sur son bâton de pèlerin et, à l’arrière, saint Antoine, reconnaissable à sa clochette. Ce dernier est, avec saint François d’Assise, visible à l’extrême droite, le seul protagoniste de la scène à ne pas appartenir à « la lignée de Madame sainte Anne ».


Le joli groupe de droite représente Marie Cléophas, sur les genoux de laquelle s'appuie Simon, jouant avec un linge, alors qu'à ses pieds prie le petit Jude. Et les deux charmants bambins entre cette petite pyramide et la scène principale, au centre, sont Jacques le Mineur et Joseph le Juste. Plongés en pleine lecture !


La composition est très habile car ces nombreux personnages pourraient être entassés sans art et Simon de Chalons a su ordonner la présentation de façon assez dynamique sans être désordonnée. Les détails sont savoureux et les poses élégantes, au loin des paysages bleutés ouvrent le décor vers un infini qu'on imagine serein. Le musée possède d'autres oeuvres de ce peintre majeur qui, bien que de formation artistique bourguignonne, fut très influencé par l'art italien, et  fit la synthèse de ces deux sources dans ses œuvres. Sa mise en avant de la manière italienne eut d'ailleurs un impact déterminant sur la peinture avignonnaise.


Celui-là, nous nous étions promis de le voir en Sicile !! A Caltagirone, nous avons admiré un profil de marbre qui nous a fait penser qu'il était nécessaire de voir ce qu'il a laissé à Avignon. Francesco Laurana (1430-1502) né en Croatie, commença sa carrière à Naples, puis fut appelé à la cour du roi René d'Anjou, comte de Provence et roi de Naples. Il séjourna en Sicile, puis passa trois ans à Urbino avant de venir France, où il se fixa à Marseille. Sa fille ayant épousé un peintre avignonnais, Jean de la Barre, il finit par s'installer à Avignon, où il mourut en 1502 et fut inhumé dans une chapelle aujourd'hui disparue. Ce petit buste d'enfant est d'une délicatesse toute toscane et émeut avec autant de force 5 siècles plus tard !! On peut imaginer que le portrait est peut-être celui de son petit-fils, après tout, il faut bien laisser parler l'imagination !

* C2RMF = centre de recherche et de restauration des musées de France


8 commentaires:

  1. Nous avions eu il y a quelques années une exposition au musée du Luxembourg qui autant que je me souvienne avait été très controversée.
    C'est ainsi que j'avais découvert la scénographe Sophie Couelle

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    1. Je suis allée voir l'objet de la polémique sur son site, je trouve que cela n'avait rien de bien révolutionnaire, et en tout cas, c'était plus original que la mise en place de Calvet !
      Sophie Couelle : il faut aller dans scénographies
      Mais peut-être a-t-on jugé que la collection Puech était trop modeste pour Paris ?? En ce moment, les râleurs, il y en a toujours, protestent car les deux expos Caravage sont trop belles pour la province et auraient, selon eux, du être montées à Paris !!! Mais au contraire, c'est une occasion, en plus, de découvrir la région Midi Pyrénées !!!!

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  2. Bravo et merci pour cette jolie promenade culturelle. Pour une fois un blog qui n'est pas niais !

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    1. Merci Jeanmi, et bienvenu parmi nous !! Je suis enchantée d'échapper à la niaiserie ambiante ... surtout en période de marronniers de l'été !!!

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  3. J'ai un faible pour l'étude de Mignard, j'aime bien cette vision des oeuvres "en train de se faire"
    Bonne soirée!

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    1. Elle est très fine, en effet !! Oui Eimelle, tu as raison c'est drôlement frappant de voir le travail "avant" les peintures !

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  4. J'aime bien ta description de la composition du tableau de Simon de Chalons, j'ai tout compris pourtant c'est à s'y perdre dans ces familles recomposées ! Il aurait fallu que tu sois avec nous à l'expo de Sainte Anne à Paris !
    Voir les deux expositions du Caravage et le Midi Pyrénées, moi, je suis partante !!!!

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    1. Qui sait enitram... peut-être nous y croiserons-nous ? Merci de ton indulgence pour ces billets qui parlent, parlent, parlent !!

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