L'affaire est ancienne, puisqu'elle remonte à la "nuit de musées", le samedi 19 mai, mais encore très vivace dans mon esprit car elle se rapporte à ce qui fut ma vocation ratée, enfin jamais approfondie, car quand j'avais 16 ans mes parents ne s'en soucièrent guère et n'eurent pas même l'idée de m'aider à la réaliser. De telles préoccupations n'étaient pas de leur ressort et ils n'avaient même pas imaginé que je pourrais travailler. Papa était le gardien (inefficace mais sourcilleux) de ma vertu, s'enquerrait auprès de chaque jeune homme qui m'approchait d'un peu trop près de savoir si "ses intentions étaient bonnes", mais ne s'intéressait guère à ce qu'on appelle aujourd'hui l'orientation, le projet professionnel et l'inscription à une quelconque formation. Une fois passé le bac, ils jugeaient avoir fait leur devoir et vogue la galère. Tout ça dans les années 70, ces jolies années qui signèrent avec force la fin des Trente Glorieuses en inaugurant chômage et concurrence sauvage sur le marché du travail. Une ambiance qui m'a conduite, sans trop le désirer, sans même savoir comment, vers d'autres cieux, gestionnaires et pédagogiques, quel programme !!!
A l'occasion de cette nuit un peu magique qui permet parfois de découvrir des endroits sous un autre jour (qu'on se rappelle de la visite du Musée Rodin éclairé à la bougie lors d'une des toutes premières "nuit des musées"), le C2RMN (entendez le centre de recherche et de restauration des musées de France) ouvrait ses portes au public pour une visite, certes trop courte, mais ô combien passionnante. D'autant que nous avons été accueillis avec gentillesse et professionnalisme par des gens enthousiastes et amoureux de leur métier.
Entrer dans le "saint de saint" des musées français, découvrir l'accélérateur de particules qui permet d'étudier et de dater nombre d’œuvres d'art et de reconstituer leur histoire, parcourir le grand couloir par lequel cheminent les chefs d’œuvre vers le Louvre, s'initier à la lecture en lumière rasante d'une peinture, découvrir des radiographies indiscrètes d'un chef d’œuvre de Goya ... tout cela était fort émoustillant pour l'apprentie restauratrice avortée que je suis restée.
Après une brève présentation du centre et de ses missions, convaincus de l'importance de la restauration préventive et de la complexité de la conservation, nous avons été accueillis à l'atelier d'étude des peintures sous différents éclairages. Sur un chevalet un toile de Goya, un portrait d'homme dans un superbe état de conservation, autour de nous de grandes photos de la toile sous différents aspects, et, pour nous expliquer son travail, un homme enthousiaste, rayonnant de fierté et d'émotion à l'évocation du privilège que représente le fait de manipuler de telles pièces.
Plus loin, dans l'atelier de radiographie, il nous présenta une autre toile, dont les radiographies nous entouraient. La toile représentait une jeune et jolie femme alors que sur les clichés, on distinguait une silhouette très différente, lourde, sombre : les radios montraient qu'en fait Goya avait utilisé la toile pour un premier portrait de vieille femme, une duègne sans doute. Puis pour une raison inconnue, refus, décès du modèle, changement d'avis, la peinture ne fut pas livrée à sa destinataire : le peintre réutilisa alors le châssis et sur la vieille repeignit une jeunesse, souriante et gracile, qui nous sourit encore !
Je ne vous raconterai pas grand chose de l'accélérateur de particules, ayant tout juste compris que c'est un instrument d'importance, le seul de France qui soit utilisé à des fins exclusives d'investigation artistique et qu'il permet de "lire" les matériaux, les matières et les objets jusqu'au plus profond de leurs entrailles. L'usage d'un tel instrument explique qu'on soit ensuite si précis sur les datations, l'origine géologique des terres, des métaux, des pigments... Grâce à ces dernières caractéristiques, on arrive même à reconstituer les échanges marchands et les routes commerciales, surtout quand il s'agit de matériaux rares et précieux. Enfin, on peut facilement détecter les faux, les supercheries, les copies tardives, les objets n'ayant plus de secrets pour ceux qui les inspectent armés de ce redoutable tunnel.
La dernière visite était réservée à l'atelier de menuiserie où un artisan passionné nous émerveilla en nous montrant la résurrection d'une commode de Riesener, destiné aux appartements de la Reine à Fontainebleau. Une délicate marqueterie de nacre qui avait subi les outrages des ans, décollée, ternie, fut doucement et respectueusement rendue à sa splendeur première et l’œuvre repose de nouveau dans son écrin d'origine, rutilante et prestigieuse.
Les opérations phares que vous découvrirez sur le site du C2RMN vont montreront, s'il en était besoin, ce que l'on doit à ce service, dont on espère qu'il continuera longtemps à disposer de moyens suffisants pour faire œuvre utile. La restauration est une science et un art, mais c'est aussi une volonté politique, et il faut s'en donner les moyens !
Les opérations phares que vous découvrirez sur le site du C2RMN vont montreront, s'il en était besoin, ce que l'on doit à ce service, dont on espère qu'il continuera longtemps à disposer de moyens suffisants pour faire œuvre utile. La restauration est une science et un art, mais c'est aussi une volonté politique, et il faut s'en donner les moyens !
Histoires passionnantes, celle de l'utilisation d'un accélérateur de particules pour l'investigation artistique aussi bien que celle de ta vocation ratée, et je parie que c'est la profession de restaurateur qu'a perdu davantage...
RépondreSupprimerBon week-end !
Oh merci Siu, mais je sais qu'en avoir mon quotidien et mon gagne-pain aurait fait perdre à l'activité une partie de son charme, et je savoure à sa juste mesure le plaisir de la nostalgie en admirant le travail des autres, d'un oeil très curieux et très attentif !!!
SupprimerVoila une visite passionnante comme j'aurais aimé ce métier plutôt que l'homonyme que j'ai exercé.
RépondreSupprimerJustele fantôme qui passe ...
RépondreSupprimerUne visite qui semble passionnante comme ce métier de restaurateur voila un travail qui m'aurait plu !
RépondreSupprimerEt oui, je suis certaine que c'est un métier qui procure de grandes joies, à en juger par l'air réjoui de ceux qui nous ont accueillis, ils avaient l'air sincère et pourtant c'était un samedi à 10h du soir et ils en étaient à leur 5ème visite de la soirée !!!
SupprimerLuthier aussi... dit-on luthière? Je préfère luthier.
RépondreSupprimerMoi aussi, j'aurais bien aimé ce travail qui permet de connaître de l'intérieur, pour ainsi dire, l'histoire des oeuvres. Nous avons déjà parlé de l'excellente émission d'Alain Jaubert, Palettes, qui introduisait parfois de petites séquences où l'on voyait, par exemple, la superposition des couches de pigments comme pour la toile La liberté guidant le peuple...
Très intéressante visite, donc. Je t'en souhaite beaucoup d'autres du même type...
Bon dimanche
Luthière c'est joli ça !!
SupprimerOui c'est cela, connaitre de l’intérieur, enquêter sur le passé, sur la conception, sur l'intention !!! découvrir, décortiquer, approfondir !
Espérant que tu vas mieux Marie-Josée