vendredi 31 août 2012

JEAN GABRIEL PERBOYRE

Le panorama de Bélaye (46)

Nous étions en attente d'un concert dans la petite église de Bélaye, concert de clôture des 24ème Rencontres de Violoncelle, animées par Roland Pidoux. Une agréable manifestation à la programmation surprenante : il n'y a que dans des académies d'été qu'on peut entendre, grâce à l'alchimie des rencontres orchestrées par un passionné, un sextuor de Ernst Dohnànyi et plus étonnant encore un Septuor pour clarinette, basson, cor et cordes de Beethoven (op.20 en mi bémol majeur). Les organisateurs de festival "classiques" n'ont pas les moyens de s'offrir autant de musiciens différents, ni l'audace de programmer des œuvres peu connues, comme ce Donhànyi dont les études pour piano constituent le quotidien d'Alter quand il veut progresser, mais que nous ignorions totalement jusque là !



Bien installés sur des bancs très durs, église oblige, nous devisions. Nous admirions, en tentant de le dater, le retable fraichement restauré* qui surmonte l'autel. Puis, l’œil glissant sur les côtés, nous sommes tombés dans la "contemplation" un peu hébétée des statues Saint Sulpiciennes qui ornent les murs. L'un de nous remarqua qu'après les avoir toutes bazardées, vendues ou détruites, la tendance est actuellement au nettoyage et à la sauvegarde de cette imagerie pieuse fin XIXème qui remplissait les sanctuaires de campagne, et dont le côté doucereux fit, dans un premier temps, qu'on s'en sépara à tour de bras.



"Faut dire qu'elles étaient faites à la chaine et qu'elles n'ont rien de rare" me disait Alter, pour justifier qu'on s'en soit défait avec une telle ardeur... Quand, avisant un exemplaire inédit représentant un personnage agonisant, tout de rouge vêtu, attaché par des cordes à un gibet en forme de croix, bras et jambes repliés en arrière...
"... encore que ?? c'est qui celui-là ??".
Ajustant mes lunettes, je regardai à mon tour ce saint inhabituel, et découvris qu'il s'agissait de Jean Gabriel Perboyre. Une vieille connaissance, objet d'un culte essentiellement lotois!!!


On aime, ou du moins on aimait, dans la famille d'Alter, se pencher sur la généalogie, y trouver quelques ancêtres prestigieux, les assaisonner à l'occasion de quelque particule de bon aloi et surtout, remonter les lignées de grognards qui, dit-on, firent merveille auprès du "petit" Empereur.

C'est ainsi qu'à l'occasion de cet exercice ô combien tendancieux, car rien n'est plus obscur que la généalogie pratiquée sans rigueur, on découvrit un petit berger des causses, pas d'origine particulièrement brillante, ses parents étaient des agriculteurs du hameau du Puech, paroisse de Montgesty dans le Lot, mais qui se révélait mériter qu'on en parle ! Pensez, il fut déclaré vénérable en 1843 par le Pape Grégoire XVI, puis béatifié le 10 novembre 1889 par Léon XIII et enfin canonisé le 2 juin 1996 par Jean Paul II. Oh certes on n'est pas très pieux dans la famille, on reste loin des patenôtres autres que les jours de fêtes carillonnées, mais en l'espèce, on se rengorgeait fort de cet ancêtre "prestigieux". Alter, en bon "fils indigne", ne prêta jamais attention aux liens, tortueux, qui permettaient à son grand-père de se prévaloir de ce martyr dans la famille : résultat des courses, j'ai bien retrouvé la trace du père Perboyre dans les archives millimétrées de belle-maman. Car j'ai décidé, pour faire mémoire, d'établir à mon tour un arbre, fleuri de branches plus modestes mais tout aussi réelles en rejoignant nos deux familles. Le lien est lointain et en zigzag, mais qu'importe, nous gardons une petite sympathie particulière pour le courageux missionnaire lotois.


Jean Gabriel Perboyre était le second d'une famille de 8 enfants, sans doute fort pieuse puisque trois des fils devinrent prêtres lazaristes et trois filles se firent religieuses (dont une qui mourut avant d'entrer dans les ordres). Circonstances qui réduisent fort, vous le comprendrez aisément, la descendance, fut-elle indirecte, de la famille Perboyre et rend encore plus aléatoire le rattachement à la famille d'Alter.

Toujours est-il que Jean Gabriel, doué pour les humanités, abandonna la ferme pour le séminaire. Impressionné par un sermon, il décide de devenir missionnaire, et qui plus est, en Chine. Admis au noviciat des lazaristes de Montauban, il prononça ses vœux en 1820, il avait à peine 18 ans, et fut appelé à Paris pour des études théologiques. Trop jeune encore pour le sacerdoce, il fut ensuite envoyé comme professeur dans un collège de la Somme, puis en 1826 nommé directeur du Grand Séminaire de Saint Flour. La tâche était rude, l'argent manquait, l'ambiance était délétère, mais il y réussit au point qu'en 1832, il est nommé à Paris, comme supérieur du noviciat. Formant les missionnaires pour la Chine, il rêvait lui-même d'y partir mais se voyait toujours, à cause de ses talents d'organisateur et de pédagogue qui, justement, le rendaient précieux sur place, refuser l'autorisation de s'embarquer à son tour.


C'est en 1835 qu'enfin il peut quitter (définitivement) Paris pour la Chine. Les lazaristes pratiquant, à l'instar des jésuites, une sorte d'acculturation, il commence par se former à la culture chinoise à Macao puis, 4 mois plus tard, part dans le Hou-Pé. "Si vous pouviez me voir, écrit-il, je vous offrirais un spectacle intéressant avec mon accoutrement chinois, ma tête rasée, ma longue queue de cheveux et mes moustaches, balbutiant ma nouvelle langue, mangeant avec les bâtonnets qui servent de couteau, de cuillère et de fourchette".

Il parcourt le pays en se cachant, remonte des missions fort déshéritées après le martyr de leurs responsables, redonne confiance aux chrétiens chinois qu'il tente d'aider et de soutenir. En 1839 les persécutions contre les chrétiens sont devenus rares et pourtant, à la suite d'une fête mariale, son monastère est attaqué par des soldats chinois, qui pillent, incendient et tuent tous les chrétiens qu'ils trouvent. Le Père Perboyre réussit à se sauver mais, trahi pour trente taëls par un catéchumène effrayé, il est fait prisonnier à son tour, traîné de tribunal en tribunal, maltraité, changé de prison et enfin torturé pour abjurer sa foi. Les mandarins ayant épuisé tous les moyens de torture connus sans parvenir à l'ébranler, ils l'envoient à la métropole Ou-Tchang-Fou, vêtu de l'habit rouge des criminels et sévèrement enchaîné.

La statue que son village natal, Montgesty, lui a consacré et quelques autres représentations du martyre du saint

A Ou-Tchang-Fou, il comparait devant quatre tribunaux, subit plus de 20 interrogatoires, et endure les tortures de plus en plus compliquées : bastonnades, flagellations, pendaisons, mise à genoux sur des chaînes ou des tessons de porcelaine brisée, coups de rotin. Il est accusé des pires vilenies, qu'il nie, et sommé d'abjurer sa foi, ce qu'il refuse. A la fin, ses bourreaux, excédés, finissent par le condamner à mort et l'exécutent le 11 septembre 1840. Lié à une croix très courte, il y est étranglé en trois fois, une mort lente et douloureuse, très "chinoise", qui venait mettre fin aux souffrances de ce courageux lazariste et lui ouvrait la voie de la béatification.
Les statues que l'on croise dans les églises lotoises, ou en Espagne**, aux États-Unis, en Pologne,  en Italie, voire à Lebanon, ont souvent été réalisées au moment de sa béatification, 3 ans après sa mort, et les artistes illustrent volontiers la scène de son dernier martyre, subi vêtu de la robe rouge des condamnés à mort. L'iconographie du Saint est multiple, mais en général consacrée à cette mise à mort, particulièrement spectaculaire et douloureuse. Et notre bon lotois, quand il n'est pas représenté sur sa croix, est toujours vêtu en mandarin, souvent rasé et affublé d'une tresse du meilleur effet !!

Pour finir, un dernier clin d'oeil à Perboyre : l'église de Bélaye doit sa survie aux lazaristes de Cahors : menaçant ruine, elle était à l'abandon dès la fin du XVIIème et on parlait de la détruire. Ce sont les lazaristes, l'ordre du saint, qui, contre l'avis de tous, décidèrent de la restaurer, et c'est donc à eux que l'on doit de pouvoir encore admirer ce charmant édifice d'origine médiévale. Et d'y entendre d'excellents concerts, sous la houlette bienveillante de Roland Pidoux.


* il serait de la fin du XVIIème, voire du début du XVIIIème, il fut ramené d'Espagne en 1858 par le Maréchal Bessières, pour son église de Pressac. Mais bien trop grand pour l'édifice, il fut racheté par les gens de Bélaye qui l'installèrent dans "l'église grande" du village !! Il est de très belle facture et s'orne en son centre d'un Christ en croix très "Van Dyck" !! 

**une des plus originales se trouve, parait-il, à l'église de la Milagrosa, dans la rue Garcia de Paredes, à Madrid !!
Les informations contenues ce billet sont extraites du livre du Père Sylvestre sur Jean-Gabriel Perboyre, et d'un article du Père Armand Freyne, ancien archiviste diocésain de Cahors, paru dans la revue religieuse du diocèse de Cahors le 17 juin 1990, soit avant la sanctification par Jean-Paul II.

6 commentaires:

  1. Décidément le 11 septembre quelle date!
    Et vous n'êtes pas allés jusu'à Mongesty ?
    Ici un article sur l'établissement où il a fait ses études
    Il ne faut pas oublier que je suis née à Montauban !!!

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    1. Ah non, on n'a pas encore viré au culte familial !!! Née à Montauban, que voilà une drôle de coïncidence !!

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    2. En réponse à Michelaise,
      Qu'appelez vous culte familial ?
      Jean-Gabriel Perboyre est un exemple pour tous, sa vie entière est liée au désir de bien faire, d'aider, d'aimer, il a fait ça en France avant de partir en mission, de Montgesty à Montauban, de Montauban à Paris, à Montdidier puis à saint Flour avant de revenir à Paris comme sous directeur au noviciat de la congrégation.
      Puis il est parti en Chine Missionnaire , il a œuvré pour enseigner la religion catholique, aider les pauvres, malgré l'interdiction pour tout Européen de séjourner en Chine, arrêté il a subit de nombreux interrogatoires, on voulait lui faire dire où se cachait les autres missionnaires, on l'a accuser de tout et de n'importe quoi afin de le condamné à Mort, il a été martyrisé étranglé sur une croix .....et vous appelé ça un culte familial......et en 1996 il a été reconnu saint...

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    3. Culte familial car il semble, ainsi que je le dis dans l'article, que Jean Gabriel Perboyre ait quelque lien de parenté avec la famille de mon mari ... cet article est justement destiné à rendre justice à son courage et à sa foi !!

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  2. ok si vous avez un lien avec la famille prenz contact avec l'association Jean-Gabriel Perboyre a l'adresse suivante: Le Puech
    46150 Montgesty .
    Sur place à sa maison natale il y a encore des descendants dans la 4 génération avec un frère de Jean-Gabriel Antoine.
    Vous pouvez aussi me contacter à l'adresse mail: association_jgp_perboyre@hotmail.com
    si vous êtes assez précis sur le lien de parenté on vous répondra

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    1. Merci de votre proposition. J'ai récemment, en construisant l'arbre généalogique sur Généanet, retrouvé le lien de filiation de mon époux avec le Père Perboyre. Je vais retrouver cela et vous l'envoyer par mail.

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