jeudi 13 septembre 2012

EMMANUEL LANSYER


Déçus par notre échec à la galerie Antonine, nous sommes revenus l'oreille basse vers Loches et, croisant un jardin qui nous invitait à venir découvrir ses secrets, nous avons décidé de visiter l'atelier d'un peintre régional, certes, mais fort intéressant à découvrir.


Fils de médecin, Emmanuel Lansier n’était pas à proprement parler un bon élève : son père, désespérant d’en faire son successeur tenta, en vain, de lui faire suivre des études de notariat. Le jeune homme, rêveur et indiscipliné, n’en avait cure. Il négocia avec papa des études d’architecture mais, rapidement, au lieu de suivre ses cours, s’inscrivit en cachette dans les ateliers de Courbet, d’Harpignies et d’autres peintres. Tant et si bien qu’il finit par présenter un fusain au Salon des Artistes Français en 1861, prenant soin de changer le « i » de Lansier en « y ». Cela n’empêcha pas le paternel courroucé de lui couper les vivres, et c’est sa mère, dont il fut toujours très proche, qui lui permit de continuer dans la voie qu’il avait choisie. Et dans laquelle, ma foi, il fit une carrière fort honnête. Décidé à vivre de son art, il entreprend de voyager, Midi, Italie, Angleterre, Espagne…  




Dès 1865 il connait un début de notoriété qui rassure sa famille, et peu à peu, il reçoit honneurs et commandes, ce qui lui assure une reconnaissance de bon aloi. Mort jeune et sans héritier (on ne lui a connu aucun bonne fortune féminine, par contre il vouait un culte à l’amitié), il lègue sa maison et l’intégralité de son atelier à la ville de Loches, à charge pour cette dernière d’honorer sa mémoire par un musée consacré à son œuvre. Peintures, certes, et en grand nombre, mais aussi dessins, croquis, études, livres, poèmes, archives et photographies, car il était de ces peintres, qui, les premiers, surent utiliser la photo pour enrichir leur art. La ville accepta le legs et après avoir redécoré la maison en style du Second Empire, elle recréa le jardin selon les critères du XIXème siècle et mit en valeur ce peintre prolixe (plus de 1500 toiles connues) et au talent indéniable.


Le musée présente in situ de très nombreuses toiles de l'artiste et, bien sûr, on a reconstitué avec beaucoup de précision et de façon très suggestive, son atelier, lieu toujours évocateur à visiter.
Lansyer est avant tout un paysagiste. Même si l’on compte quelques portraits dans son œuvre, il est resté toute sa vie marqué par son apprentissage dans l’atelier de Viollet le Duc et en a gradé un goût prononcé pour les représentations précises et évocatrices d’architecture. 



Mais c’est à mon sens surtout un peintre de la lumière qui sait, en harmonie avec les vibrations de celle-ci, rendre compte avec précision des clartés du midi, des éblouissements vénitiens, des éclats sourds de la mer du nord, des colères de l’océan et des lueurs fantomatiques de la ville. De nombreux peintres représentent la lumière avec une technique trop linéaire et donnent aux ciels du nord des allures méditerranéennes ou vice-versa. 


Lansyer point, il est précis et on ne se trompe jamais sur l’origine géographique de son sujet. Heredia lui a dédié ce poème qui, mieux que je ne peux vous le dire, exprime ce talent particulier qui caractérise l’artiste : 

Il a compris la race antique aux yeux pensifs
Qui foule le sol dur de la terre bretonne,
La lande rase, rose et grise et monotone
Où croulent les manoirs sous le lierre et les ifs.

Des hauts talus plantés de hêtres convulsifs,
Il a vu, par les soirs tempétueux d'automne,
Sombrer le soleil rouge en la mer qui moutonne ;
Sa lèvre s'est salée à l'embrun des récifs.

Il a peint l'Océan splendide, immense et triste,
Où le nuage laisse un reflet d'améthyste,
L'émeraude écumante et le calme saphir ;

Et fixant l'eau, l'air, l'ombre et l'heure insaisissables,
Sur une toile étroite il a fait réfléchir
Le ciel occidental dans le miroir des sables.


J’ai choisi pour finir de vous montrer une peinture un peu atypique, qui m’a particulièrement plu par son côté narratif et plein de douceur : une mise en abyme, présentée avec goût sur un chevalet : la toile représente une toile vierge dans un atelier, sur un chevalet, devant laquelle serpente un lys en pot, à peine rapporté du jardin et prêt à être reproduit ! Une jolie histoire de peintre jardinier qui aimait son métier, sa maison et sa ville de Loches ! Un musée à visiter absolument si l'on découvre Loches, l’ambiance y est très sereine, on y sent vibrer la palette du peintre, et l'accueil est chaleureux, aimable et fort sympathique. Que vous dire de plus sinon que l'entrée est gratuite, et le jardin charmant !!*



* et, chose de plus en plus rare, les photos étaient autorisées, sans flash bien sûr !

8 commentaires:

  1. Ce musée me tente beaucoup. Mon artiste préféré pour cette période est Paul Guigou, que je retrouve un peu dans l'œuvre de Emmanuel Lansyer que, je ne connaissais pas. De plus il me semble que dans la 3eme photo, la toile du milieu représente Villefrance sur mer, village cher à mon cœur. Je n'en suis pas sûre et je vais faire des recherches. Merci encore pour cette belle découverte et ce très joli reportage si bien documenté. Tout ce que j'aime. Belle journée.

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    1. Oh Mireille suis contente.... je n avais jamais entendu parler de lansyer non plus. et sa maison, son atelier sont la meilleure façon de faire connaissance !!

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  2. "...cette belle découverte et ce très joli reportage si bien documenté"... je souscris !
    Je trouve en particulier la mise en abyme assez surprenante, et tout à fait délicieuse.

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    1. La peinture dans la peinture le tout sur un chevalet, dans l,atelier .... effet garanti !

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  3. et des visites animées par des comédiens y sont régulièrement proposées, un musée qui peut séduire un large public! personnellement j'ai un faible pour ces bords de mer tempétueux et comme toi, sa science de la lumière.

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    1. Ah eimelle... je pensais bien que tu le connaissais. Et en plus l 'accueil est charmant. Avec lansyer c'est lumière à tous les étages !

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  4. C'est bien Villefranche sur mer. Bisous

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