dimanche 2 septembre 2012

JEUDIS MUSICAUX 2012, TROISIÈME

Jeudi 2 août à Saint-Seurin d'Uzet, 
Claire Désert est angoumoisine, ce qui nous donne une raison supplémentaire d'aimer l'entendre !  Elle nous avait concocté un programme russe qui lui allait comme un gant. Il faut dire qu'elle a décroché, jeune, une bourse du gouvernement français pour poursuivre ses études musicales à Moscou pendant un an dans la classe d'Evgeni Malinin au Conservatoire Tchaïkovski. Elle en a gardé une fougue dans l'interprétation de Scriabine ou de Moussiorgsky qui fait certainement d'elle une des meilleurs interprètes française du répertoire russe. 


Le jeudi 9 août, c'était la deuxième journée à thème, une nouvelle formule absolument géniale mise au point cette année qui permet de voir deux concerts dans la journée, de réserver ses places et de profiter à fond des "Jeudis Musicaux", sans avoir à craindre de ne pas pouvoir entrer pour cause d'église comble. Idéal pour les locaux qui n'ont pas forcément le temps de venir faire la queue une heure avant !! Merci la CARA et les organisateurs pour cette initiative. Le thème du 9 août était, excusez du peu, une carte blanche donnée au Quatuor Modigliani : le luxe !!!


Le matin pour un programme Haydn, Borodine dans le merveilleux village de Mornac. C'était l'anniversaire du violoniste (30 ans je crois !!) et l'ambiance était joyeuse. Avec les Modigliani, la qualité est toujours au rendez-vous et ce fut un très beau moment.


Le soir, Nicolas Baldeyrou, clarinettiste, s'était joint au quatuor pour un programme Arriaga, Beethoven (deux oeuvres de jeunesse, les Modigilani viennent d'enregistrer un disque de quatuors de jeunesse... en ce qui concerne celui d'Arriaga, la jeunesse est malheureusement sa caractéristique incontournable car le malheureux, prometteur et talentueux, est décédé en 1826, 10 jours avant son 20ème anniversaire) et pour finir, le quintette avec clarinette de Brahms. Un immense moment d'émotion, car non seulement l'oeuvre est sublime mais l'interprétation était ineffable. Ils nous ont offert en bis deux mouvements du quintette avec clarinette de Mozart, autant vous dire que j'étais tellement aux anges à la sortie que j'ai claqué une bise à Yann le Calvet, le programmateur, grâce à qui nous voguons dans les hautes sphères !!

Jeudi 16 août, le concert avait lieu à Barzan et accueillait le trio George Sand, pour un programme cette fois-ci rendant hommage aux femmes compositrices : une œuvre de Mel Bonis et une autre de Lili Boulanger. Encore un talent éteint trop tôt puisque cette dernière, morte en 1918, n'avait alors que 24 ans. S'y ajoutaient des œuvres de Debussy et de Ravel, un programme cohérent et très bien présenté par Anne Lise Gastaldi, la jeune pianiste du groupe. Car la tendance, à moins que Yann ne le leur demande expressément, est à la présentation préalable de tous les morceaux, ce qui a le double mérite de justifier la logique de la construction du programme et de rendre le public encore plus attentif, car il est beaucoup plus facile d'écouter quelque chose qu'on vous a expliqué qu'une œuvre dont on ne sait rien. Le trio George  Sand est excellent d'un point de vue technique, témoin leur interprétation du trio de Ravel dont elles ont joué la partition originale, nettement plus compliquée que celle qu'on joue d'ordinaire en France. Je m'explique : le trio, composé en 1914, peu avant que Ravel ne partit comme engagé volontaire, devait être créé par Alfredo Casella au piano, Gabriel Willaume au violon et Louis Feuillard au violoncelle. Mais les instrumentistes, face à la partition, n'arrivaient pas à surmonter les difficultés techniques qui faisaient le charme du morceau mais n'étaient pas dans "leurs cordes". Ils demandèrent donc au compositeur de revoir la partition afin de pouvoir la jouer, (il est possible que le changement de violoniste ait compliqué la tache des interprètes) et Ravel accepta, ce qui permis à l’œuvre d'être créée en 1915, devant un public clairsemé, le temps n'était pas aux réjouissances. Depuis, les partitions ont gardé ces modifications mais le Trio Sand a décidé de nous restituer l'intention première du compositeur, en bravant les difficultés que leurs aînés avaient écartées ! 
"Le trio ­déploie en un vertigineux kaléidoscope toutes les facettes de la personnalité de Ravel : le dandy modern style, flirtant avec le jazz ; l'esthète érudit, intitulant le deuxième mouvement de son quatuor « pantoum », nom d'une forme poétique savante et virtuose, mise à l'honneur par Hugo et Baudelaire, où chaque quatrain reprend à l'identique deux vers du précédent. Les arabesques mélodi­ques de Ravel déjouent dans la souplesse et la fluidité ces contraintes acrobatiques. Enfin, le troisième mouvement, une sombre passacaille, aux longues mélopées maussades, révèle la face cachée de Ravel, qui, sous une pose désinvolte d'apache, masque mal angoisse et difficulté d'être"*. Une violoncelliste pleine d'ardeur, une violoniste  brillante, et un piano solide et profond, Ravel était admirablement servi, et cette formation mérite qu'on retienne son nom.

Jeudi 23 août, le rendez-vous était à Épargnes pour un duo violon-violoncelle, le premier étant tenu par Laurent Korcia et le second par François Salque. Encore deux interprètes de très haut niveau, au talent et à la présence impeccables, des oeuvres bien jouées, agréablement présentées... mais pour nous, un programme un peu difficile : Eugène Isaïe, Krystof Maratka et Zoltan Kodaly. Le dernier étant le plus accessible, nous avons eu du mal !! La seule oeuvre facile, vous allez me trouver pénible, l'était un peu trop : la relecture de la passacaille de Haendel par un certain Halvorsen, transcription romantique de cette admirable page baroque aurait fait hurler GF de rage. Sans aller jusque là, il faut tout de même avouer que le résultat est d'un goût douteux !!

Jeudi dernier enfin, le 30 août, c'était la dernière journée thématique consacrée cette fois-ci aux Victoires de la Musique : autant dire que nous n'avons entendu que des interprètes de très haut niveau. A Royan, un duo guitare et violon nous a surpris par la variété et l'agrément du répertoire : pièces écrites pour ces deux instruments ou transcription de morceaux pour violon et piano, voire pour orchestre et violon comme l'extrait de la danse du feu de Manuel de Falla, ce concert était nettement plus accessible que le précédent ! Et la virtuosité du violoniste, Svetlin Roussev n'avait d'égale que la maestria du guitariste. Emmanuel Rossfelder est proprement ébouriffant d’agilité, de brio, en un mot, il vous fait adorer la guitare classique. Comme il a, en prime, un talent extraordinaire de présentateur, naturel, enjoué et compétent, il nous a littéralement subjugués.

Le soir, au Chay, deux autres talents, Emmanuel Strosser au piano et Raphaël Pidoux, nous ont encore offert un épisode plein de fougue et de grande qualité. Là encore, deux compositeurs inhabituels, Dohnanyi (entendu, il n'y a pas de hasard, à Bélaye avec papa Pidoux il y a peu) et Kodaly. Pour ce dernier, si vous voulez avoir l'air au courant, ne faites pas comme nous, en prononçant toutes les lettres à la française, dite [kodaːj], en gros codaï !! Kodaly  était ami de Bartok, avec lequel il a parcouru la campagne hongroise pour recueillir (sur des rouleaux de cire), mettre en forme et publier une quantité considérable de chants traditionnels nationaux. Tant et si bien qu'il en fit même une thèse de doctorat en ethnomusicologie qui montre bien l'intérêt qu'il portait à la musique traditionnelle. Bartok a utilisé aussi des thèmes folkloriques mais, allez savoir, je préfère Kodaly, plus sensible, plus accessible aussi. Nos deux "victoires de la musique" ont terminé leur récital par la deuxième sonate pour violoncelle et piano de Brahms, une interprétation intense et lyrique, recueillie et passionnée qui servait le compositeur avec une flamme jamais prise en défaut.

* selon Télérama

6 commentaires:

  1. Je n'ai pu aller qu'au concert d’Épargnes, où je t'ai aperçue.
    Une petite précision de puriste (pardonne-moi!) Claire Désert est angoumoisine, nom des habitants d'Angoulême. L’Angoumois est la "province minuscule autour de cette ville, un peu comme l'Aunis autour de La Rochelle.

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    1. Ok pour angoumoisine Noune !! je ne t'ai point vue ??!! un concert superbe de qualité mais difficile comme programmation ... as-tu trouvé aussi !!

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  2. C'est marrant, je vois là (ou je lis leur nom) une partie des Violoncelles Français que j'ai entendus samedi à Vincennes : Nadine Pierre, Salque, les Pidoux ;-)

    J'ai une photo qui me fait penser à ta photo du trio George Sand -je ne sais pas si tu peux voir mon adresse mail ; si oui, tu peux si tu le souhaites me donner la tienne, je te l'enverrai!

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    1. Blandine !! coucou !! quelle chance d'vaoir entendu tous ces viloncelles à Vincennes... et dire que cette année, nous allons rater les vacances de monsieur Haydn, encore un endroit superbe pour y entendre de jeunes et de talentueux violoncelles, et autres instrumentistes de chambre !!!
      bref, pour la photo, je n'ai pas ton mail, bien que tu sois tenue de le donner pour inscrire ton commentaire
      par contre, si tu vas sur mon site, tout à fait en bas, sous les articles, tu trouves "c koi le petit re" présentation du blog, et dessous "afficher mon profil complet". Tu cliques, là tu as accès à mon profil, colonne de gauche, me contacter, email... voilà !!

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  3. Ah! le trio Georges Sand... Très, très proche: la violoniste et la pianiste sont des niçoises que j'ai eu "tout'es p'tites" en cours de déchiffrage!!!! Tu sais, elles ont travaillé dur, je me rappelle de ces dimanches passés à la campagne, qui se terminaient à 15h pour aller travailler l'instrument!
    Cela a payé!
    Je suis toute émue de les retrouver par ton papier...
    Martine de Sclos

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    1. Oh que je suis contente Martine de cette nouvelle complicité... j'en suis toute émue aussi... plus qu'à espérer que les "Sand" passeront par là et liront ton commentaire !!

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