jeudi 25 octobre 2012

J'AI RENCONTRÉ PATRICIA OLIVE


Elle exposait depuis le début de l'été et jusqu'à fin octobre dans les salons du Grand Hôtel Barrière de Dinard (il vous reste 6 jours pour y courir !!). Du vif argent, cette femme ! Elle peint et elle aime ça... et croyez-moi, ça se voit ! ça se voit à la façon passionnée dont elle en parle, ça se voit aussi dans sa peinture qui traduit une sorte de jubilation interne, discrètement teintée de nostalgie. Une pointe de spleen dans un monde épuré.
Elle a commencé toute petite, et très vite elle a eu envie "d'apprendre". Elle a d’abord travaillé dans l'atelier d'un peintre local qui s'est taillé une certaine réputation : Jean Gobaille (1895-1969). Admis au Salon des artistes français en 1930, il y expose entre 1930 et 1935 ; il honora plusieurs commandes de l’État, son style clair et simple se caractérisant par un amour prononcé des rendus de lumières : lumières de réverbères, lueurs d'incendie, clarté d'un rayon de soleil qui vient éclairer une scène, soleil ricochant dans un sous-bois, Gobaille aimait à rendre ces sensations fugitives qui parfois nous éblouissent, le temps d'une impression. 

 
Avec Jean Gobaille, Patricia Olive a appris à manier une palette simple, voire restreinte, limitée aux  couleurs primaires. C’est ainsi qu’elle a gardé de son maître l'habitude d'un équipement léger, car elle aime créer ses couleurs elles-mêmes ! En bon maître qui se respecte, il lui enseigna d'abord à reproduire, reproduire les grands maîtres, reproduire ses propres toiles. Une école primordiale pour le futur artiste qui y apprend l'humilité, mais aussi le sens des proportions, la nécessité de mettre en page son sujet, le cadrage, la composition. Ensuite, elle a suivi des cours aux Beaux-Arts de Rennes.
Et quand elle décida, il y a environ 10 ans, de se remettre à la peinture, c'est par la reproduction qu'elle recommença : en particulier d’œuvres d'Auguste Macke, cet expressionniste allemand mort en 1914 qui trouvait dans les scènes du quotidien, traités par grands aplats de couleurs vives, un sujet inépuisable d'inspiration.


Mais Patricia a vite décidé de trouver son propre style, et manifestement, elle l'a défini presque sans hésitation. Pas du tout attirée par les bouquets de fleurs, encore moins par la campagne (je n'aime pas "faire du vert" dit-elle en riant), elle s'est vite consacrée à la mer et aux scènes marines peuplées de femmes alanguies ou rêveuses qui définissent aujourd'hui sa "patte". Et qui font son succès lors des accrochages qu'elle réalise depuis 3 ans*.


La mer, "sa mer", c'est celle  de Saint Malo ou de Dinard, où elle habite aujourd'hui, et où elle passait toutes ses vacances enfant. Et elle y peint avant tout une ambiance, celle des années 30. Certes, elle ne l'a pas connue, elle est bien trop jeune pour cela, mais elle l'a imaginée, petite fille, quand elle regardait le port depuis le bow-window de chez sa grand-mère. Et elle peuple ses scènes de femmes nonchalantes ou vives, toujours un peu contemplatives et mystérieuses. 


Car pour Patricia Olive, les années 30 sont mythiques : c'était l'époque d'un certain art de vivre, d'une douceur et d'un optimisme que nous avons perdus. Les femmes étaient plus élégantes qu'aujourd'hui, déjà libérées mais pas encore standardisées ! La société de consommation et ses travers uniformisateurs n'ont pas encore frappé dans les toiles de Patricia. Et autant que de la mer, qui est le prétexte fondateur de toutes ses scènes, elle parle de la vie délicate et raffinée des "belles du bord de mer". 


En fond, la rade de Saint Malo ou la baie de Dinard, qu'elle aime à peupler de discrets clins d’œil, permettent aux amateurs d'identifier le lieu. L'île de Cézembre et sa silhouette escarpée découpée sur l'infini de la mer, le Fort National ou le Fort de Petit Bé, récemment restauré par un passionné se dressent souvent sur ses horizons, comme des points de repère, comme des hommages à cette région qu'elle aime tant.


Puis au premier plan, un premier plan souvent très rapproché, mis en scène dans une composition très serrée, elle peint une scène féminine, douce, et aux teintes claires et lumineuses dans lesquelles le blanc domine. Étincelant et racé. Ses "héroïnes", cadrées à mi-corps, et souvent immobiles, sont pensives, lointaines ou souriant d'un air énigmatique. La touche, large et traitée en vastes aplats de teintes dégradées, est généreuse, souple, précise et rigoureuse. Elle habille ses femmes de toilettes à l'élégance discrète mais indiscutable. Et souvent les pare d'un chapeau qui "dit" l'époque : de la petite cloche des années 30 à la grande capeline des années 40 en passant par les charmants "saturno" (revus et corrigés !)** de ses baigneuses vues de dos, toute la gamme de l'art chapelier s'épanouit sous son pinceau ! 


Les lèvres sont rouges, l’œil parfois songeur... l'une étouffe un petit rire derrière sa main tandis que l'autre remonte d'un geste assuré ses grandes lunettes de soleil ... Inouï ce que ce geste machinal est saisi avec naturel et simplicité, donnant au portrait une touche familière et presque sensuelle. Tous les tableaux de Patricia racontent une histoire... peut-être la sienne. Parfois c'est un souvenir ou une impression qu'elle a voulu rendre, mais cela peut aussi être votre propre histoire que vous retrouverez entre ses "lignes". Car ses tableaux laissent une large place à l'imaginaire et au rêve : à ceux du spectateurs, comme à ceux de l'artiste.


Et quand on lui dit que ses toiles ont quelque chose de Tobeen, elle approuve avec réserve, car elle trouve à ce dernier quelque chose d'inquiétant qui n'habite pas son imaginaire pictural, tout de distinction et d'harmonie.
A la suggestion qu'il y a un peu d'Edward Hopper (1882-1967) dans son inspiration, elle sourit doucement : bien sûr, elle aime énormément Hopper, mais là encore, son univers est plus serein, moins cru que celui du célèbre américain. Mais cette discrète filiation explique sans doute le succès que Patricia rencontre auprès des amateurs. Qu'ils soient français ou étrangers.


Si vous n’avez pas le temps d’aller au GrandHôtel Barrière avant le 31 octobre, vous pourrez la retrouver du 1er au 11 novembre 2012 au 12ème Salon des Artistes de Dinard et dela Côte d’Emeraude (Palais des Arts et du Festival à Dinard)


* Expositions récentes
Eté 2010 : Yacht Club de Dinard
Décembre 2010 : Parlement de Bretagne à Rennes
Eté 2011 : Yacht de Dinard
Eté 2012 : Grand Hôtel Barrière de Dinard

** le "saturno" appelé aussi "capello romano" est initialement la coiffe des archevêques mais elle se décline fort élégamment au féminin, ornée d'un joli ruban qui en rompt l'austérité !

16 commentaires:

  1. Bonsoir MIchelaise. Tu as tout dit : entre le côté énigmatique la douceur, la sensation de nostalgie, le petit côté sensuel de ces toiles, et j'en passe. Il y flotte vraiment une atmosphère très féminine et je me suis promenée au fil des toiles que tu présentes comme si j'en faisais partie intégrante. L'ambiance est vraiment une ambiance de femmes et les femmes de Patricia Olive, saisies à des moments "ordinaires" de la vie sont si vivantes qu'elles nous emportent avec elles dans leurs rêves et leurs pensées.
    C'est serein et frais.
    Merci pour cette belle découverte. Je serai absente aux dates de la prochaine expo mais je suis vraiment heureuse d'avoir "fait la connaissance" de ce peintre.

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    1. Je suis ravie que ces toiles te parlent Oxy ! Tu as raison quand tu dis qu'elles nous "emportent" avec elles !! Dommage en effet que tu ne puisses voir les expos mais c'est sûr, elle en fera d'autres, un nom à suivre donc !

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  2. je suis très heureuse de cette découverte...même si je ne peux pas voir ces expositions ce billet donne l'ambiance de la peinture...j'ai toujours ressenti de la froideur chez Hopper, une incommunicabilité entre les personnages même lorsqu'ils sont face à face... ici il y a de la connivence, de la sensualité discrète.
    Merci pour ce partage.

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    1. Oui Josette, les personnages de Hopper sont coupés de nous, lointains, déjà entre eux et encore plus par rapport au spectateur. Patricia Olive nous invite dans ses toiles et dans ses rêves, comme le dit très justement Oxy.
      En fait le rapprochement s'arrête vite !

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  3. Voilà pour moi une jolie découverte que je qualifie de "réaliste dilettante". Cela n'engage que moi. Quelle belle idée que de ne peindre que la mer, même si c'est l'atlantique. En tous cas cela me convient très bien. Cette artiste peint des dames et c'est tant mieux. Elles sont élégantes et surtout souriantes et heureuses d'être là au milieu des années 30 encore insouciantes.
    Rien à voir avec Tobeen que j'aime bien mais qui assombrit ses tableaux et leur donne un petit côté "vulgaire", rien non plus avec Hopper que j'apprécie pour son trait mais dont l'univers est froid et sans complaisance pour ces sujets.
    C'est autre chose et pourquoi les gens doivent-ils toujours comparer obligatoirement un artiste à un autre.
    Ce n'est pour ces œuvres là, pas une copiste ni une faussaire que je sache?
    Cela m'énerve ! C'est Patricia Olive un point c'est tout.
    D'ailleurs avec un nom comme le sien elle pourrait venir peindre la Méditerranée des années 30 c'était pas mal non plus ou du moins venir exposer au Barrière de Cannes.
    Merci Michelaise car pour moi c'est une agréable découverte.
    J'aime toujours tes longs billets qui nous expliquent si bien les choses sans les "bâcler".
    Gros bisous et belle journée.

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    1. Ah Mireille, coquine ... on te reconnait bien là "Quelle belle idée que de ne peindre que la mer, même si c'est l'atlantique"... si tu savais combien on le trouve beau, et inspirant "notre" Atlantique !!!
      Oui, je lui ai demandé mais n'ai pas voulu le dire pour ne pas alourdir l'article : elle n'a aucun lien de parenté avec Jean Baptiste Olive, un bien agréable petit mâitre provençal que, forcément, tu apprécies. Qaunt aux comparaisons, elles sont, tu le dis avec justesse, naturelles, au moins dans un premier temps, pour se répérer... mais très vite on les abandonne quand l'artiste a un style, "son" style
      Et là, pas de doute, elle s'affirme !!!

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  4. Pour la énième fois il (m')est impossible de dire mieux de comme tu as (tout) dit !
    Je les aime bien ces tableaux où il y a quelque chose de clair, de simple, pur et "uncomplicated", mais au meme temps d'énigmatique. D'indéchiffrable et mistérieux...
    Un mélange à l'effet très fascinant, tout comme ces femmes, qui se traduit par un espèce d'"effet aimant", en tout cas bien plus fort de ce qui semble nous échapper...
    Une déclinaison du binome nature et culture tout à fait personnelle et originale, ajouterais-je, où l'étincelle -et donc le sens- se déclanche par cette espèce de court-circuit entre le paysage marin (concentré puissant du monde de la nature) et ces figures féminines, si vivantes meme dans leur stilisation : l'un sans les autres, meme si très agréable à voir, ne dirait rien, je crois, et meme chose vice versa, les femmes sans ce fond.
    Et il y a dans ces images, au-delà des sujets représentés et de la qualité esthétique due au style qui les caractérise, une lueur qui arrive je crois directement de l'intérieur de Patricia Olive, et c'est sa passion, son élan, la force de cette ambiance naturelle et humaine qu'elle aime au point de ne pas pouvoir cesser de la mettre sur la toile.
    Je lui souhaite de plus en plus de succès !

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    1. Ouaouhh Siu ... et tu dis que j'ai tout dit ??? Allons, on dirait que tu vas bien plus que moi dans l'analyse, et je souhaite de tout coeur que ceux que cette peintre intéresse lisent ton approche : elle est très subtile ! Les femmes ET le fond sont indissociables et il y a entre eux une synergie qui rend les toile vraiment prenantes !!

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  5. Une belle découverte, merci Michelaise ! elles ont quelque chose de familier et en même temps d'onirique ces femmes... j'aime cette ambiance en tout cas...

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    1. C'est un peu nous, ou du moins, c'est ainsi que nous rêverions d'être ! Sereines... Tu as raison Catherine, c'est avant tout une ambiance.

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  6. c'est vrai qu'il y a du Hopper, mais aussi bcp de douceur je trouve, merci pour cette belle découverte!

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    1. Ah oui Eimelle, on est loin des lumières un peu glauques de Hopper... Ravie que cela te plaise Eimelle et désolée que cela se passe loin de chez toi

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  7. ces peintures sont totalement dans l esprit des manifestations "belle epoque de ROYAN"qui ont lieu chaque annee

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    1. Que voilà une bonne idée... en effet Royan Belle Epoque, Royan ville d'eau... Patricia Olive aura peut-être envie de venir exposer sur l'estuaire !!

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  8. Une découverte ! Je note et retiens les dates ! Merci

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    1. N'hésite pas à dire que tu as découvert ces toiles sur Bon Sens et Déraison, si par hasard tu rencontres Patricia Olive !

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