mardi 30 octobre 2012

QUATUORS A FAYENCE édition 2012



C’est à fréquenter assidument les concours de quatuors à cordes que, pour nous, Fayence est devenu mythique ! Car pour un ensemble, LA référence, LE festival où il fait bon avoir été invité, c’est Fayence. Il faut dire que la liste des « anciens » ici est prestigieuse : Arpeggione, Fine Arts Quartet, Melos, Nuovo Quartetto Italiano… Les « jeunes » quatuors rêvent d’y être invités, et si Dover, Schumman ou  Zaïde ne figurent pas encore dans la longue énumération des précédentes éditions, on y trouve Modigliani, Ebène, Voce et Zemlinsky !! Tiens tiens !! Les organisateurs n’ont pas encore invité Arcadia qui a gagné Londres cette année … cela ne saurait tarder !

Cette année, c’est le quatuor Ysaÿe qui offre à cette poignée d’amateurs éclairés que sont les festivaliers du Pays de Fayence, l’intégrale des quatuors de Beethoven. Excusez du peu, mais tant  par la programmation que par les artistes, il y avait que quoi mettre Alter en apesanteur… Alter car, moi, a priori, j’aurais préféré Schubert, mais j’admets volontiers que l’intégrale des quatuors de Beethoven est, en matière de musique de chambre, l’aventure absolue ! Mais cela demande un peu de préparation, et croyez-moi, cela fut fait avec  beaucoup de sérieux.  Car ce n’était pas l’audition du quatuor opus 127, 25 fois répété par les « moins de 120 » du concours de Bordeaux, de Londres ou de Reggio, qui pouvait suffire à nous faire comprendre le souffle de ces œuvres magistrales.
Donc Alter s’est plongé dans quelques ouvrages de référence, dont il m’a rapporté avec beaucoup de patience le résumé à la portée d’une petite Michelaise qui n’aime pas trop qu’on l’assomme de termes techniques, il nous a égrené au fils des soirées d’octobre chaque soir un ou deux quatuors par des interprètes soigneusement choisis, le quatuor Alban Berg, (les versions que nous avions ne faisaient pas l’affaire), un coffret de CD longuement et impatiemment attendu (« ils vont arriver en novembre si ça continue ») car expédié des Etats Unis, bref, nous sommes arrivés bien coachés !


Les concerts se déroulent chaque soir dans une église du pays de Fayence, une initiative qui, lorsqu’elle fut créée (le Festival a 24 ans) était originale et qui permet à chacun d’avoir « son » concert. Seillans, Mons, Tourettes, Saint-Paul en Forêt, Callians… cela mérite d’être salué car nous sommes dans le Midi, et la tentation de simplifier en faisant tout à Saint-Raphaël a été écartée, pour une plus grande diffusion dans chaque village,. Alors qu'ici d'ordinaire, « tout se passe » sur la Côte ! Certes l’ambiance reste très « parisienne »,  et on ne retrouve pas ici ce côté bon enfant de nos « Jeudis Musicaux » : on est entre gens sérieux, on croise quelques Porsche ou des voitures immatriculées à Monaco, le concert commence à l’heure (ce qui est génial !) et pas question d’entendre une mouche voler dans les rangs ! On est loin de la joyeuse indulgence de Yann le Calvet qui, à juste titre, refuse d’expliquer aux gens qu’il vaut mieux ne pas applaudir entre les mouvements, jugeant qu’il est plus important d’ouvrir la musique au plus grand nombre, fut-ce au prix de quelques inconforts pour les puristes. Les susdits puristes étant priés d’être patients, et, de fait, le public « de campagne » comprend très vite ce qu’il en est.
Pas de présentation des morceaux non plus, ici on est « entre spécialistes » et on sait ce qui va se passer. Voire ?? Yann quant à lui, tient beaucoup à ces présentations par les artistes et je puis vous assurer que cela change la qualité de l’audition, car le public, prévenu, est nettement plus attentif. Cela vaut pour des concerts lambda, mais à Fayence, point n’est besoin de cela pour avoir une qualité d’écoute de luxe ! Je l’ai dit, on est ici entre « amateurs » au sens le plus noble du terme, et si l’ambiance est un brin démodée, ce que je tentais d’expliquer par ces références à nos « Jeudis Musicaux », véritable démocratisation de la musique qui fait et a fait ses preuves, Fayence nous ramène à l’atmosphère très particulière et tellement agréable des concerts de musique de chambre. Un genre qui a ses adeptes, très différents de ceux qui courent les concerts de piano, même si l’un n’est pas exclusif de l’autre.


Le Quatuor Ysaÿe donc, est l’invité d'honneur du Festival. 2012 Chaque soir trois quatuors, un des « premiers », l’opus 18, alors que Beethoven n’était pas encore totalement détaché de ses illustres prédécesseurs, Mozart et Haydn. Puis un quatuor de la période intermédiaire, et enfin, un des « grands quatuors », les opus 127 et 130 à 133, ces œuvres de la maturité dont le jeu demande une grande intelligence car ils sont beaucoup plus difficiles à comprendre, tant ils sont complexes, denses et finalement plus aboutis.
Fayence, 1er concert, après le 1er quatuor, Alter, extatique :
-          C’est un vieux Saint Émilion, aux tanins bien fondus
-           ??
-          Oui, je trouve le vocabulaire du vin parfaitement adapté à l’interprétation de la musique de chambre. On n’a pas l’habitude d’avoir de si bons vins !!
Un quatuor plus loin, j’avoue que je partage totalement cette approche :
-          Tu as raison, les jeunes quatuors que nous entendons d’ordinaire, sont comme de jeunes vins : on sent les qualités qu’ils développeront quand ils seront plus mûrs, mais certains défauts ressemblent à ceux des vins jeunes : une certaine âpreté, parfois un peu trop de verdeur, trop de fougue…
-          Et là, Ysaÿe, c’est rond, fondu, délicat et parfaitement équilibré…
-          As-tu remarqué, que comme pour un bon vin, il faut que ce soit décanté !
-          C'est idéalement décanté !!
-          Et aéré ! Avec Yasÿe, l’air circule entre les notes, aucune lourdeur, tout est lié, évident, bien oxygéné !


Un quatuor plus loin, l’enthousiasme est à son comble :
-          Il me semble que ce serait presque un Pomerol.
-          Un excellent Pomerol ...
-          Mais pas si vieux que ça…
-          Si ! Un grand !!
-          Non, plutôt à l’apogée de sa carrière ! bien épanoui !
-          Oui, oui…
-          Et dans cette optique, la version Alban Berg, ce serait un Médoc … ou un Cahors ?
-          Plutôt un remarquable Médoc.
-          Plus charpenté donc ?
-          Oui, moins en finesse, plus tannique.
-          Voilà pourquoi je préfère, et de loin, l’interprétation d’Ysaÿe !
Et voilà, que nous allons déguster ce cru de roi tous les soirs pendant une semaine entière ! Avec quelques petits complément de qualité, comme le quatuor Rosamonde, Emmanuel Strosser... Pas de doute, nous sommes ici entre amoureux de la musique de chambre : on retrouve même des têtes "connues", croisées à Reggio ou à Bordeaux. Et vous "verriez" la qualité d'écoute ! Personne ne bouge ni pied ni patte durant l'exécution. A la fin de chaque mouvement, on s'ébroue discrètement (les bancs d'église restent des bancs d'église, durs et inconfortables), les couples échangent des regards complices, amusés ou admiratifs, presque personne ne dort, et, suprême luxe, à la fin d'un morceau, il y a toujours un petit instant de silence... l'air est en suspension et on sort de la magie doucement avant d'applaudir.

10 commentaires:

  1. Je n'y connais rien aux quatuors mais j'ai apprécié la comparaison viticole ! et surtout j'apprécie particulièrement ta dernière phrase: cet instant de silence précieux à la fin d'un concert ou de tout spectacle aimé qui prolonge effectivement la magie... pendant des années nous sommes allés de Pau à Tarbes pour les spectacles de la scène nationale du Méridien, et le réflexe de mon mari en repartant était toujours de mettre la radio ce que je détestais car moi j'étais encore dans le spectacle et le silence me permettait de prolonger ce temps précieux... échanger nos impressions , oui mais être assaillie par des voix , des musiques dont je n'avais pas envie c'était trop violent et cela cassait cette bulle de bien-être hors du temps qui s'était installée dans mon esprit et que je savourais avec gourmandise...

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  2. J'aime beaucoup ton temoignage Catherine sur ces instants précieux d'après spectacle ... où on est encore "dedans "... quand cela a été bon ça prolonge le plaisir et, justement à propos du quatuor ysaÿe on peut dire, comme d'un excellent cru, qu'il est long en bouche !

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  3. Comme Catherine m'a précédée dans le partage et l'appréciation de ta dernière phrase, je veux y ajouter mon admiration pour Alter et son infatigable oeuvre de préparation, dont tu as la chance de profiter... sans coup férir ;-)

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    1. Ah si tu savais Siu, Alter a fort à faire, je suis une élève un peu récalcitrante et pas toujours très sérieuse !! J'ai une écoute assez "spontanée" de la musique et si je dois bien reconnaitre que la compréhension "théorique" des morceaux difficiles, voire savant, est un gros plus pour apprécier à fond une oeuvre et une interprétation, je suis parfois très agitée quand Alter essaye de dégrossir mon ignorance !

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  4. On n'est jamais déçus avec les Berg!
    J'aime bien le principe de 3 oeuvres de périodes différentes par concert ; par contre, pour en profiter vraiment complètement, il faut pouvoir assister à la totalité du festival, non?

    Je serais curieuse de savoir quelles sont les particularités du public de piano. Quant à la qualité d'écoute, ah, vaste sujet et souvent source d'irritation ... Aux dernières vacances de monsieur Haydn, il y a des gens qui ont amené un enfant de 18 mois écouter une suite de Bach pour violoncelle, y'a pas à dire, la sarabande de la 5ème avec un enfant qui joue c'est ... un appel à la violence ou du moins à la grossièreté ;-)

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    1. Mais ce ne sont pas les Berg, Blandine !! Les berg c'était la version de "travail" qu'ALter a utilisée pour nous familiariser avec l'intégrale !! Ici, ce sont les Ysaÿe et, personnellement, je préfère leur approche, plus claire, plus sensuelle, pleine de couleur et de respiration !! COmme je préfère le St Emilion au Médoc, même si j'aime beaucoup le Médoc !!!
      Oui, en effet, nous avons l'intégrale, et mieux que l'intégrale, le quatuor 130 sous ses deux versions, avec la grande fugue et un autre soir avec le dernier mouvement écrit par Beethoven pour faire plaisir à ses auditeurs qui trouvaient cette grande fugue un peu folle. Dur, dur d'ailleurs l'écoute de cette grande fugue.
      Alors le public de piano : la moitié joue du piano et se pique d'avoir joué le morceau en cours, mettant un point d'honneur à souligner chaque note ratée, et la ramenant fort lorsque le morceau interprété n'accumule pas les difficultés techniques. L'autre moitié est là parce que c'est chic, romantique, fun, que l'interprète est célèbre et qu'il est bon d'"y avoir été" (j'ai entendu untel !!)... et le pianiste est un peu comme une bête de foire, ce qui ne favorise guère le plaisir musical !!
      Dans les concerts de musique de chambre, on n'a pas du tout cette approche : certes, le nom et le prestige des interprètes impressionnent une partie du public, mais il y a de vrais amateurs, qui "aiment" et cela se sent, et les interprètes le sentent aussi, qui, du coup, se "donnent" autrement !!
      Quant à la grossièreté de certains, elle est inévitable et parfois hallucinante : témoin mon voisin d'hier qui s'est mouché bruyamment trois fois, et trois fois dans des pianissimi ! Certes il avait fait un temps pourri toute la journée, mais le mouchage, j'avais encore jamais vu ça !!

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    2. Oui, j'avais bien compris pour les Berg, de toute façon ils se sont séparés il y a qq années.
      Je pense que ces deux types de publics se retrouvent assez régulièrement, mais la deuxième catégorie est particulièrement bien représentée dans les grandes salles parisiennes. Qui, d'ailleurs, contribuent à ce phénomène en programmant des "stars" (il faudrait qu'on m'explique pourquoi on se coltine toujours Gauthier Capuçon alors que Pernoo joue super rarement à Paris).
      Bon, moi je m'en fiche, j'aime pas le piano!! Par contre, ca m'est arrivé de me moucher, de préférence dans les forte et entre les mouvements mais parfois, on n'est bien obligé si on ne veut pas renifler en permanence ;-)

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    3. Tu vas sourire Blandine : quand nous étions jeune, nous allions à des concerts à l'université de Bordeaux, et on nous distribuait à l'entrée des papiers dans lesquels on nous expliquait qu'en toussant dans un mouchoir, on diminuait par deux ou trois le nombre de décibels émis et qu'en le faisant durant un forte on ne gênait pas trop les voisins ! Bien sûr qu'on peut tousser, éternuer ou se moucher, mais le plus discrètement possible pas en ameutant le voisinage et toute l'église sur ses expectorations ! c'est facile !! j'étais abominablement prise durant ce festival(toux très grasse, éternuements, nez !!!) et je pense qu'aucun de mes voisins n'en a souffert, pas même Alter !!
      Quant aux stars parisiennes, tu te doutes bien que dans notre lointaine province, nous n'avons pas ce type de souci et si on nous invite Gautier Capuçon (que par parenthèse nous n'avons jamais entendu !!) on ne râlera pas !!! Bon, si tu n'aimes pas le piano, tu évites les spectateurs que je t"ai décrits !!!!

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  5. Je suis comme toi pour la compréhension théorique. J'écoute mais ne comprends pas du tout, ça me plait ou pas.
    C'est un résumé un peu bref.
    Mais tu était tout près de chez moi ?
    Gros bisous et belle journée.

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    1. Je croyais avoir répondu Mireille ... oui nous étions tout près de chez toi. Quant à la façon de percevoir la musique je suis comme toi... très à fleur d'oreille ...

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