MALINCONIA : LE QUATUOR YSAYE NOUS QUITTE !

J'avoue que, l'intensité du moment étant tellement forte, je n'ai pas osé sortir mon appareil photo... d'où ce petit montage !

Dernier concert du cycle Beethoven, nous partons à l'assaut de la délicieuse petite église de Mons, le vent souffle en rafale, il fait une nuit d'encre et, comme chaque soir, on se dirige comme des conspirateurs vers le lieu du concert. Alter évoque les trois messes basses, il faut dire qu'on n'a qu'une idée dans la bourrasque, le froid ou la pluie, c'est de rentrer se mettre à l'abri dans les églises, dont la porte est soigneusement tirée, pour protéger les malheureuses dames qui tiennent la caisse !

Donc, après 5 soirées voici notre 6ème concert, ce soir nous aurons le quatuor n°9, le 16 et le 6, surnommé Malinconia. Et le choix n'est pas fortuit.

A la fin de concert, le directeur artistique du Festival, Daniel Bizien (qu'au passage hommage lui soit rendu pour la programmation proprement superbe de cette année, le quatuor Ysaÿe et l'intégrale des quatuors de Beethoven, on nage dans le bonheur !!) attend que les applaudissements veuillent bien se calmer, et prend la parole, visiblement ému.

Le quatuor Ysaÿe lui a demandé de nous annoncer une nouvelle surprenante : créé en 1984, rapidement célèbre, titulaire du premier prix délivré par le concours d'Evian (le prestigieux prédécesseur des "nos" trois concours, Bordeaux, Reggio et Londres), célébrés, reconnus, adulés, ils auront en 2014 trente ans de vie commune, 30 ans de concerts, 30 ans d'émotion. Et ils ont décidé, tels une diva au sommet de son art, de dissoudre leur formation en 2014... Le Festival de Fayence était, en quelque sorte, le début de leur tournée d'adieu. 

Le silence était absolu quand ils ont entamé le dernier bis... Chaque soir, ils avaient choisi leur bis, l'exercice le plus périlleux qui soit et auquel tous les artistes sacrifient avec plus ou moins de bonheur, avec beaucoup de finesse et d'à propos. Hier soir, moment particulièrement émouvant, ils ont joué avec une concentration extrême, un engagement magnifique et le talent qui les caractérise, le troisième mouvement du quatuor numéro 16 en fa majeur opus 135. Le quatuor ne comportait initialement que trois mouvements, et c'est à la demande de son éditeur, qui devait trouver que ce n'était pas très "vendeur", que Beethoven a rajouté un mouvement lento, devenu le 3ème, un "doux chant de repos ou chant de paix"... un chant très simple, qui n'atteint à la paix qu'en surmontant un accablement. C'est sur cette dernière et sublime page de Beethoven, grave, recueillie, qu'ils nous ont quittés : lorsque les dernières notes se sont éteintes, nous étions tous pétrifiés d'émotion. De la tristesse, une immense douceur, une indicible mélancolie régnaient dans la chapelle battue par un mistral obstiné. Nous nous souviendrons longtemps de ce concert d'adieu, le premier pour eux d'une longue série, mais sans doute le plus fort. Quant à leur décision, sans doute nécessaire, probablement sage, le moins qu'on puisse dire est que nous, public, nous la regrettons très fort, mais il n'est pas de notre ressort d'en juger l'opportunité. Sans doute est-elle la marque d'une grande sagesse et d'une réelle humilité, et nous ne pouvons qu'en prendre acte. A regrets...

Voir aussi, L'intégrale des quatuors Beethoven à Rouen, janvier 2014