vendredi 15 février 2013

AMOUR DÉÇU



Ah je m'en souviendrai de la Saint Valentin 2013 ... Pourtant, pendant 2h15 j'ai entendu parler d'amour ! Amour impossible, amour permis, amour vrai, amour feint, amour intéressé, amour déçu, minauderies et séduction, coquetteries et déception, mignardises et artifices galants... bref, tout ce qui fait qu'entre un homme et une femme, la sauce prend ou rate ... il s'agissait de savoir si, à la fin, Cupidon convoquerait ou non ce bon Valentin à la fête !! Je n'en ai pas raté un instant, et pourtant mes bons amis, j'ose à peine vous l'avouer, que je me suis ennuyée hier soir ! J'ai bâillé, je me suis languie de voir enfin arriver la fin de ce déploiement de forces inutiles, tour à tour accablée, agacée, assommée, voire carrément bassinée. Et je m'agitais, protestais à part moi contre ce pensum insipide, me barbant considérablement et me morfondant autant.

Mais qu'a-t-elle aujourd'hui Michelaise à nous raconter sa soirée coquine ou supposée telle, et manifestement ratée. Et à être si méchante avec son Alter (plus ego du tout pour le coup !!) qui a eu bien du mérite de lui parler d'amour deux heures durant pour obtenir un tel traitement ??? Oublierait-elle, l’ostrogote, qu'il est d'usage de rester pudique dans les blogs et que l'évocation des scènes intimes, et plus encore celle des scènes de ménage, n'y ont pas droit de cité ?? Et de la scène ménagère, elle semble en avoir eu son comptant la pauvrette !!!



Mais ce bon Alter n'y était pour rien... sauf que, bien sûr, il a refusé de quitter les lieux au plus vite, car il nous est apparu dès le premier quart d'heure que l'affaire allait être longue, laborieuse et déplaisante. Mais que voulez-vous, Alter déteste quitter le théâtre avant la fin. Et bien qu'il nous soit arrivé plus d'une fois de le faire dans un mouvement certes discret mais en général unanime, hier soir pas de quartier : il n'a pas voulu bouger d'une once. Il faut dire qu'il avait quelque excuse à refuser cette fuite qui, en l'espèce, aurait été indélicate : nous étions coincés au premier rang, et les allées, obscures comme l'encre, étaient complètement obstruées par les strapontins dépliés et tous occupés. Car il affichait "complet" ce spectacle affligeant, et ce, pour la troisième soirée consécutive. Normal : la pièce, La Locandiera, est populaire et facile, elle plait et nous n'avions guère imaginé, pour l'avoir déjà vue deux fois et en avoir toujours ri à gorge déployée, qu'elle puisse être aussi ennuyeuse. De plus, l’affiche était prestigieuse puisqu'il s'agissait de la version mise en scène par Marc Paquien, avec Dominique Blanc dans le rôle titre. On pouvait donc espérer passer une joyeuse Saint Valentin aux accents vénitiens et coquins.

Passé la déception de l'installation - comment un théâtre peut-il, sans prévenir les clients, se permettre de vendre un premier rang enfoncé sous la scène, où, lorsqu’on est assis on ne voit plus que les acteurs en buste et d'où on ressort les cervicales en miettes et couvert de la poussière agitée par les ébats des acteurs - nous nous apprêtions à nous laisser emporter par les charmes et par la drôlerie de l'histoire de Mirandolina. N'ayant pas vu grand chose du plateau, je ne vous parlerai guère la mise en scène qui m'a parue assez falote, mais, n'en ayant aperçu qu'une petite moitié, je ne me permettrai pas de la critiquer. Elle avait l'air de manquer d'imagination, mais rien de bien grave au demeurant.



Par contre, les acteurs m'ont franchement défrisée : certes Dominique Blanc jouait assez honorablement, sa diction est claire, son naturel sympathique, mais il lui manquait cette petite étincelle de folie qui vous transforme un Goldoni en vraie fête des sens et vous fait vibrer d'un rire incompressible du début à la fin. Là, c'était ennuyeux et long, nous nous sommes demandé si la faute n'en revenait pas aussi au choix d'une mauvaise traduction, répétitive, sans imagination, sans couleur et sans relief. Il y manquait cette sensation de légèreté qui vous prend quand vous voyez un Goldoni "pétillant"... Pour que le texte s'épanouisse, il y faut des mots qui volent, et non un champ lexical étriqué et laborieux, tel que le brouet qui nous fut servi hier soir. Que l'on pense au talent de Serge Quadruppani qui nous fait, par ses trouvailles et son imagination jamais prise en défaut, savourer à sa juste valeur la prose délicieuse et comique d'Andrea Camilleri. 


Mais pire encore qu'une mauvaise traduction, c'est le jeu des acteurs qui nous a affligés et collés au fond de nos sièges, sans même tenter de lever le nez pour voir s'il fallait rire ou pleurer. A part les deux rôles principaux (j'ai cité Dominique Blanc et l'autre était tenu par un André Marcon moyennement convaincant mais potable) et le tout petit rôle du valet du chevalier (Gaël Kamilindi), les autres acteurs étaient gênants de maladresse. Je veux dire par là qu'on se sentait gêné pour eux de les voir si malhabiles à débiter leur discours, si lourds dans leurs grimaces et si peu convaincants dans leurs agitations. Et je vous jure quand on s'ennuie au théâtre, surtout s'il s'agit d'une pièce légère censée vous faire rire, c'est long et pénible. 


Je supplie messieurs et mesdames les acteurs de cet indigeste ragoût, s'ils passent par mon blog, de ne pas m'incendier dans les commentaires. En effet les comédiens se "googlisent" bien volontiers et il n'est pas rare qu'ils lisent mes billets. Or l'expérience m'a prouvé que, lorsque blogueuse enthousiaste, j'encense une pièce, les acteurs prennent cet hommage comme un dû et se manifestent rarement pour m'en remercier. Mais quand par hasard cela ne m'a pas plu, ils sont furieux, révoltés, furibonds et m'envoient de longues diatribes en me traitant de tous les noms. Même si, ce que je n'ai pas fait ici, j'ai pris, pour les critiquer, des gants jusqu'au coude !! J'ai eu, en la matière, pas mal de réactions après l'énoncé de déceptions tonitruantes et de salles désertées.

Mais hier soir, je suis restée poliment jusqu'au bout, j'ai subi sans broncher deux longues heures d'un ennui mortel, j'ai regardé avec pitié ce pauvre Goldoni se faire transformer en pensum morose, me prenant à douter de son talent. Alors ce matin, j'ai envie de dire librement ce que j'en ai pensé. Cela n'engage que moi, d'ailleurs la salle croulait sous les applaudissements quand je suis partie. Rassurez-vous mesdames et messieurs les baladins, mon blog n'a pas une audience telle que cet article puisse porter le moindre préjudice à votre prestation. Voilà pourquoi, en tant que spectateur, je m'arroge le droit, sans méchanceté mais avec une certaine énergie, de dire que je n'ai pas aimé la façon dont votre troupe a fait un sort à La Locandiera. Et comme je suis bonne fille, finissons en chansons : j'offre à mes lecteurs votre petite canzonetta, que nous n'avons pas eue hier à La Rochelle, et qui est tout à fait sympathique.

17 commentaires:

  1. J'ai bien fait de pas sortir moi hier soir!!!
    Rien de pire qu'une comédie où l'on s'ennuie.
    J'ai toujours été étonnée du fait qu'il puisse exister plusieurs traductions pour une même œuvre.
    Lorsque une traduction à fait ses preuves, je me demande pourquoi essayer de "rajeunir" celle-ci.
    Tout le monde ne peut être Quadruppani que je trouve excellent, ses traductions respectent bien le dialecte sicilien qu'il n'est pourtant pas si facile de transposer sans tomber dans la caricature.
    Bon ma "pôvre" Michelaise, tu t'es ennuyée mais un repas a-t-il compensé cela car, rien de tel qu'une bonne table mise en scène par un cuisinier de génie et jouée par des serveurs et sommeliers au sommet de leurs arts pour oublier une déception théâtrale.
    Bisous et belle soirée.

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    1. Mais tu sais bien Mireille qu'il est de bon ton de rajeunir, de "dépoussiérer" ce qui a fait ses preuves !!! Voire de choquer au passage ! Et après s'être attaqué aux fondamentaux (mise en scène, costumes etc...), parfois avouons-le avec grand talent, les metteurs en scène se sont dit qu'il fallait retraduire !! On a eu ainsi une grande mode sur Shakespeare, qui a donné parfois des résultats surprenant. EN ce qui concerne ce Goldoni, je ne sais si on y a utilisé une nouvelle traduction, je n'ai pas cherché ... simplement, je sais que j'avais déjà vu la pièce deux fois, m'y étais vraiment amusée, et là, le texte m'a paru plat et insipide. Au point de me dire mais finalement Goldoni c'est pas terrible. Donc je me suis posé des questions sur la traduction utilisée ...
      Quant au repas, la ville de La Rochelle était carrément prise d'assaut par les z'amoureux, manifestement tous les restaurants affichaient complet, parking saturés, trottoirs envahis de voitures garées n'importe comment !! cela donnait une drôle d'impression !! nous sommes donc rentrés sagement à meschers (1h30 de route environ), routes désertes (bien sûr tout le monde festoyait !!) et petit encas sympa à la maison !! On ira au restau ce week-end !! ou la semaine prochaine car tu as raison, la mise en scène des plats, le jeu des serveurs et sommeliers, ça c'est un plaisir non revisité et indémodable.

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    2. C'est très faux votre remarque, on peut traduire de 1000 façons le même texte, sans fanfaronnade aucune! Et la mode des mots et des musiques de ces mots changent selon le temps! Il en va de même pour la musique, la musique baroque par exemple, je vous mets au défis d'écouter Bach ou Haendel dans des enregistrements des année 50/60!

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  2. Et ben dis donc, quel magnifique coup de gueule !

    Un petit bonjour de Lausanne.

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    1. Oui Béatrice, d'ordinaire je prends des gants, je tache de ne pas dire trop crument ce que j'ai ressenti, voire de n'en point parler du tout, pas la peine de faire de la peine. Mais là, la soirée gâchée, les cervicales en compote, la dépense, les 3h de route, bon, j'ai été un peu méchante.

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  3. merci ... je reviens d'un théâtre où si je ne me suis pas ennuyée j'étais déçue par le "bruit" et les lumières qui n'ajoutaient rien et fatiguaient les "vieux" -je raye -les personnes ayant dépassé 35 ans !
    c'est "Punk Rock" déjà le titre n'accroche pas mais notre abonnement à ce théâtre nous a rarement déçu alors ...pourquoi pas tout ce passe dans une bibliothèque d'une université anglaise, les rapports entre les jeunes, leurs discours, leurs préoccupations...tous mal dans leur peau et même plus !pas de quoi se remonter le moral !
    je crois que je vais aller revoir Alceste à bicyclette ce WE !
    bonne nuit Michelaise

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    1. Oh c'est sûr Josette qu'avec un titre pareil, tu ne pouvais qu'avoir des problèmes de "bruit", bruit physique, les sons, et bruits sociétaux (les problèmes des jeunes... pas toujours simple de comprendre leur bofisme ???). En tout cas, avec Alceste à bicyclette, que je n'ai pas vu (pour l'avoir snobé) et que j'aimerais finalement bien voir histoire de ne pas me prendre la tête, tu assures : Luchini va faire son intéressant, mais il est intéressant et il joue bien, alors passe une bonne soirée !!

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  4. Réponses
    1. Ah oui, surtout dans Goldoni, car l'intrigue est mince et le rire jaillit de cette petite folie !

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  5. Ben zut alors si vous n'avez même pas eu la petite canzonetta, je la trouve superbe ! Pour le reste, tes récriminations, c'est la voix du public, bravo, on risque tout quant on s'expose, c'est la loi du genre...Et le premier rang, sous la scène, atroce, il faut écrire au théâtre, assassins, remboursez

    Merci Michelaise.

    Bises du jour.

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    1. Ah oui, on joue le jeu, on aime, on n'aime pas, on est poli, on ne siffle plus de nos jours (ou seulement à l'opéra !!) on ne lance jamais de tomates sur la scène (des tomates hollandaises, beurk !!) donc on a le droit de dire ce qu'on pense ... sans être grossier bien sûr. Mais être sous la scène, là non, remboursez !!! tu as raison...

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  6. Manquerait plus qu'on baillonne ta parole, toi qui paie ta place ne pollue pas ton blog de pub et poursuis ton cheminement culturel quand certains auraient déjà renoncé à leur abonnement !
    Enfin tu ne nous dis pas tout.. Si ça a bien bouillonné sous la cafetière, la soirée post théatrale y a forcément gagné en température !
    Je me demande même si Alter n'a pas fait exprès de rester...
    Bises les tourtereaux.

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    1. Oh merci Lulu d'avoir remarqué que certains résistent et évitent les pubs... j'avoue que cela me hérisse d'en trouver sur certains blogs pourtant sympas. Mais bon, c'est la vie qui va ainsi ...
      Quant aux effets "cafetière en surchauffe", forcément ça échauffe le sang, comme on disait dans les bons manuels médicaux des siècles passés !!!

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  7. S'ennuyer avec Goldoni.... il faut vraiment que l'interprétation soit nulle !!!
    Les blogs sont là aussi pour épancher notre bile ça fait du bien et tu sais le faire à merveille.
    j'ai toujours à porté de main mes musiques préférées voila un cas ou deux écouteurs sont bien utiles et basta Goldoni se change en Vivaldi.

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    1. Ah tu me rassures Robert, nous en étions venus à douter de Goldoni lui-même... un tel ennui, y avait quelque chose de louche dans tout cela !!
      J'avoue que je n'aurais pas pensé au baladeur pour écouter Vivaldi pour ne plus entendre les acteurs ! mais je note l'idée

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  8. C'est plutôt dommage, car, bien interprétée, La Locandiera est un divertissement enlevé dont je conserve un fort bon souvenir même si cela doit faire une vingtaine d'années que j'en ai vu une production à Montréal!

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    1. Mais oui, c'est drôle, c'est léger, c'est vif et ça fouette le sang !! Ce sont aussi mes souvenirs de cette pièce !!

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