mardi 26 février 2013

AMOURS CRAPAUDINES


Foin du bestaire politico médiatique, passons aux choses sérieuses !! Le crapaud "bufo-bufo", vous connaissez ? Je vous vois frémir d'horreur, en imaginant l'abominable crapaud buffle : poids 2,5 kgs, peau marron couverte de pustules et très vorace, dévorant tout sur son passage, insectes, rongeurs et oisillons. Introduit en Australie, au nom de la lutte biologique (vive l'écologie !!) pour détruire des hannetons dont les vers parasitaient les cannes à sucre, c'est aujourd'hui un nuisible difficile à éliminer, car il émet des sécrétions si toxiques qu'elles tuent tout prédateur tentant de l'avaler. D’inutile (les hannetons ont continué à proliférer pour d'obscures et complexes raisons) ce sinistre animal est devenu franchement nuisible, dévorant tout ce dont la taille est inférieure à celle de sa bouche (en particulier les amphibiens autochtones) et empoisonnant tout (ou presque) ce qui tente de l’avaler (du crocodile au dingo en passant par le serpent).
Alors en Australie on fait des battues, comme celle-ci qui a permis d'en éliminer 14 000, mais sans éradiquer le problème. Cet auxiliaire de la lutte biologique qui a mal tourné est maintenant un énorme souci pour l'équilibre des régions envahies, qui grandissent d'année en année. Non, rassurez-vous, celui-là c'est le "bufo marinus" et nos mares sont étroitement surveillées, espérons que si l'on en découvre un un jour, on réagira plus efficacement qu'on ne l'a fait pour la Vespa Velutina. Comme on l'a fait à Nouméa quand on en a trouvé quelques exemplaires dans un conteneur de briques !
Non, le bufo bufo, c'est tout simplement notre crapaud commun. Tout aussi pustuleux que son énorme cousin mais nettement plus petit et, surtout, beaucoup plus inoffensif, voire, actuellement, protégé.  Et, comme les violettes (!!) annonciateur du printemps ... Le bufo bufo est silencieux. Ne vous y trompez pas, ce que vous entendez croasser durant les longues soirées d'été dans la mare voisine, ce sont les grenouilles. Le crapaud, lui, se tait. Sauf à la saison des amours où notre amphibien se reproduit en chantant ! Et non content de chanter, il se déplace : dès que la saison des amours s'annonce, tous les crapauds du canton convergent vers une mare propre à abriter leurs ébats. Et pas n'importe quelle mare, celle où lui-même a été conçu, comme le furent ses parents, qui eux-mêmes ... enfin, bref, la mare se transmet de génération en génération, et se transforme à chaque fin d'hiver en immense lupanar !


L'hiver notre amphibien  s’abrite dans les couches inférieures du sol de la forêt et, dès la fin février, il commence sa migration reproductive des bois jusqu’aux mares, forcément bien identifiées, et ce, dès la tombée du jour et durant toute la nuit ! L'obscurité étant sans nul doute plus propice aux orgies qui se déroulent dans les eaux et sur les berges, et dont, pudeur oblige, je ne vous dirai rien. Mais l'attrait de ces parties de "cuisses en l'air" est tel que les animaux ne font preuve d'aucune prudence : n'étant aptes ni au saut, ni à la marche rapide, ils foncent sans discernement, traversent les routes aveuglément, et la mortalité est importante.  


Du coup, les organismes de protection de la nature s'activent : récemment une petite route des environs de Voiron, dans l'agglomération de Grenoble, a été fermée à la circulation nocturne du mois de février pour permettre aux batraciens dont le biotope comprenait ladite route d'aller faire des galipettes en paix, de l'autre côté ! Dans la forêt de Suzac, les animateurs du Parc de l’estuaire,  soucieux de la survie du Bufo Bufo, ne pouvaient pas couper la départementale concernée sans causer de réels inconforts à la population locale.


Alors, avec le soutien du service environnement et technique de la commune de Saint Georges de Didonne, ils ont mis en place, depuis l’an passé, un dispositif  visant à empêcher les batraciens de traverser cette départementale particulièrement meurtrière.

 
Des bâches d’une cinquantaine de centimètres de hauteur, infranchissables par les amphibiens, ont été installées en lisière de forêt, et en bordure de route, au niveau du couloir migratoire. Les crapauds, arrêtés dans leur progression, longent l’obstacle dans l’espoir de le contourner et ils tombent dans des seaux enterrés. Ainsi capturés, ils sont récupérés et transportés à la main, de l’autre côté de la voie.


Chaque début et fin de journée, des bénévoles et l’équipe du parc se relaient pour prendre en charge les batraciens et les faire traverser d’un côté à l’autre de la route sans danger. Avouez que l'opération est sympathique et ambitieuse. 


C'est Mayalène qui a, hier soir, attiré notre attention sur ces protections d'un genre un peu particulier, en criant "tu as vu, c'est pour les crapauds". Sommée de s'expliquer, elle m'a aussi fourni l'idée de ce billet et, ce matin, passant de nouveau devant l'ingénieux dispositif, j'en ai pris quelques clichés, peu photogéniques mais fort éloquents. Nous étions allés voir, enfin, "Alceste à bicyclette", que j'étais désolée d'avoir raté et que j'ai vraiment aimé : Luchini s'est taillé là, avec le narcissisme qui le caractérise et qu'il assume pleinement, un rôle à sa mesure. Il joue admirablement, il est très crédible et le film est enlevé. Drôle et pourtant grave, il offre une réflexion fort intéressante sur le travail de l'acteur, sur son incontournable égocentrisme, et sur la solitude qui en découle. On y évoque aussi la fatuité de ceux qui réussissent, la griserie du succès, la fascination du commun des mortels pour l'image de papier glacé (ou télévisuelle) qui s'anime soudain devant leurs yeux ébahis. Le cadre de l'île de Ré, entre soleil et pluie, entre brise entêtante et douceur enivrante, est parfaitement saisi et fournit à l'histoire un environnement parfait, bien fait pour nous plaire.
L'occasion aussi de rappeler combien le statut de "lieu à célébrités" gâche le plus délicieux des endroits, au moins dans l'esprit, si ce n'est dans le paysage. Lambert Wilson joue avec un vrai talent, beaucoup de modestie et une sincère abnégation le rôle de faire-valoir de Luchini, s'attirant ainsi la sympathie du public et celle de la jeune italienne pleine de charme (Maya Sansa) qui vient pimenter d'un peu de sentiment cette histoire de théâtre. Pour finir, les vers de Molière, disséqués, analysés, répétés en boucle (c'est uniquement la scène 1 de l'acte I qui est reprise ici), restent un vrai bonheur qu'on savoure sans fin pendant ce film, charmant, et pas aussi léger qu'on pourrait le croire... et que je vous conseille... ne serait-ce que pour le plaisir de découvrir l'île de Ré hors saison.


Au contraire de "Rue Mandar", vu la veille, pourvu certes d'un excellent casting, mais dont l'intrigue maigrelette est fort décevante alors que la réalisatrice, Idit Cebula disposait là d'un "vrai" sujet, puissant et riche : le deuil de la mère. Les dialogues sonnent faux, c'est mal ficelé, malhabile, maladroit en diable et au final, l'ensemble frise la caricature. Cela fait "démonstration", et chaque situation est laborieusement ajoutée à la précédente pour tisser une toile bien peu émouvante.

10 commentaires:

  1. Merci, Michelaise, pour cette balade au bord des routes, dans les mares et sur l'île de ré...
    Bien agréable...
    J'ai eu un peu peur que Lucchini, le nez en l'air ne tombe dans le seau placé pas très loin...mais non...ouf !

    Le crapaud bufo bufo pourra continuer à lutiner et Lucchini à crapahuter...et tout est bien qui finit bien ! :-)

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    1. Moi j'avais un peur que Luchini en fasse trop, mais bon, il en fait beaucoup, mais il le fait si bien !!
      Tout qui est bien qui finit bien, tu as raison !

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  2. belle vie que la vie des crapauds...on prend bien soin d'eux !
    je vais très peu au cinéma, ce film là je l'ai apprécié. Le personnage de Lambert Wilson m'est apparu manipulateur dès la première scène et la relation entre ces 2 Alceste ne pouvait déboucher que sur une rupture...
    bonne journée Michelaise

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    1. Oui le personnage est manipulateur et pas très sympathique. C'est pour cela que j'ai salué la performance de Lambert Wilson qui accepte de jouer, voire même de faire semblant de mal jouer, le pas gentil !!!

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  3. J'avoue que j'ai aussi peu d'amour pour les crapauds que pour les marmottes qui sévissent dans mon jardin... Par contre, j'espère vraiment qu'Alceste à bicyclette va traverser l'Atlantique à vélo ou autrement, car j'ai une admiration sans bornes pour ce personnage de Molière et je connais par coeur cette fameuse scène 1. Je pourrai donc, le cas échéant, m'en délecter d'autant que j'aime bien Luchini!

    Bon «reste de semaine». Ici, le sommet sur l'éducation est terminé et les perspectives de nouvelles grèves écartées : ouf!

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    1. OUf en effet, car ces menaces de grèves étaient inquiétantes. Bon, cela va aller mieux chez toi donc !
      Pour le film, je souhaite de tout coeur que tu puisses le voir car tout te prédispose à l'aimer. Et en prime, tu découvriras l'île de Ré !!!

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  4. Ton article sur le sauvetage des crapauds est très intéressant et les infos sur les particularités de leurs rencontres et de leurs ébats plutôt rigolotes. J'ai cru que l'on allait être obligé de classer ton blog "X".

    Un instant j'ai cru que ton Alceste venait dans son beau costume récupérer le seau plein de crapauds. Il me semblait que cela ne collait pas avec une tenue de ramasseur, évidemment ;-)
    J'aime beaucoup l'acteur Luchini (l'homme un peu moins, je trouve qu'il en fait un peu trop parfois...) Il joue très juste. Prochainement il joue dans une pièce de théâtre à Paris mais mes essais pour réserver ont été infructueux. Tout est complet aux dates où nous sommes libres...

    Bonne fin de journée à toi Michelaise.

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    1. Même réserve que toi, la première où le film est passé ici, je l'ai boudé pour les mêmes raisons. Et puis, j'ai regretté et finalement j'avais tort de le bouder car Luchini est un acteur remarquable et Molière un soutien plein d'esprit !
      Dommage que tu ne puisses le voir sur une scène, cela vaut vraiment la peine !

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  5. Tu passes "du coq à l'âne" en passant par chez les crapauds, il nous faut te suivre, car en deux jours d'absence j'ai déjà raté deux billets et pas des moindres!!! Mais quand tu nous parles d'Alceste, je l'ai déjà dit sur un autre blog mais je le répète, j'ai bien aimé..
    Ce film m'a donné aussi une envie folle d'aller sur l'île !
    Luchini y est dans son juste élément pour notre plaisir et notre réflexion !!! Lambert Wilson est parfait dans sonrôle et l'italienne m'a donné cette envie de chanter, irremplaçable !!!

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    1. Envie d'aller sur l'île, pas de problème, mais évite dans la mesure du possible l'été et les "grands" week-ends. Essaie de faire cela au printemps ou à l'automne à des moments pas trop chargés, car sinon ce n'est pas si sympa que cela, comme tout endroit pourri de tourisme.
      J'avais vu sur ton blog que tu avais aimé et me suis mordu les doigts d’avoir fait la fine bouche ! Et, comme tu le soulignes, en plus le film prête à réflexion ce qui est un petit plus !! Alors chantons ensemble ...

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