lundi 25 mars 2013

SANTA MARIA IN TRIVIO



On passe en général piazza dei Crociferi assez rapidement car, quand on est là, c'est en principe qu'on est en train de se diriger d'un bon pas vers la place de la fontaine Trévi, ses fastes et sa foule compacte. Fontaine qu'il vaut mieux venir admirer tôt le matin si l'on veut éviter la surdose d'asiatiques, de flashs et touristes posant un sourire béat aux lèvres. Même en soirée, le lieu est fort couru et plein d'une magie nouvelle puisqu'elle brille des mille feux d'une illumination à la hauteur de sa réputation. Bref, juste avant d'arriver à la Fontaine, quand on chemine par le côté droit (rue de gauche quand on est face à la fontaine), une petite église assez sobre* vous invite à rentrer pour, à la suite de Paul VI venu y confier le concile Vatican II à sa protection, y honorer un certain Gaspare del Bufalo, au nom exotique mais à l’œuvre pie très austère**. Santa Maria in Trivio n'a, manifestement, pas l'habitude de recevoir des touristes car ici, aucune œuvre n'est signalée par un cartouche, aucun descriptif ne vous indique qui a réalisé les fresques, admirablement restaurées (en 1999), qui en ornent le plafond. Pourtant elles sont de très belle facture et vous devez attendre d'avoir Google pour apprendre par qui elles ont été réalisées. 


L'église elle-même a été construite au VIème siècle quand l'Italie fut libérée des Goths. Elle s'appelait alors Santa Maria in Xenodochio, et n'a changé de nom qu'au 16ème sicèle quand elle fut reconstruite en 1571 par Giacomo Del Duca. Elle fut d'abord attribué à l'Ordre du Crucifix, puis aux Camilliani et enfin aux missionnaires du Précieux Sang, qui, le culte à Gaspare del Bufalo en témoigne, en sont encore les occupants. 


La façade de l'église est très classique, animée de parois, corniches et fenêtres, cartouches décortaifs et niches. L'intérieur, à nef unique, fut décoré à fresque par Antonio Gherardi en 1669-70 avec des représentations de la vie de Marie. Le peintre, de son vrai nom Antonio Tatoti, est né à Rieti en 1638, et a passé une bonne partie de sa carrière à Rome, où il mourut en 1702. Il était aussi architecte, et, en tant que tel travailla avec Bernin, Borromini et Guarino Guarini qui lui inspira son oeuvre la plus hardie, la coupole de la chapelle Avila à Santa Maria in Trastevere. 



Mais c'est bien sûr en tant que peintre, élève de Pietro da Cortona et de Pier Francesco Mola, qu'on le découvre ici, avec une de ses oeuvres majeures considérée par Filippo Titi*** comme "faite de bonne manière Lombarde"...Avouez que le qualificatif est savoureux et montre combien les écoles d'art étaient chauvines !


Peintre, architecte mais aussi décorateur, Gherardi maitrisait toutes les phases de la mise en place de ses peintures et il avait l'habitude de concevoir aussi l'agencement de l'ensemble de la chapelle ou du lieu auquel elles étaient destinées. C'est pourquoi ce plafond, entièrement réalisé par lui et intégralement préservé, forme un "unicum" artistique de premier intérêt, et ce d'autant plus qu'il n'avait pas recours, au contraire de nombre de ses confrères, à des élèves pour les finitions. Autant dire que l'impression d'ensemble est parfaite.



 La naissance de Marie, une scène intimiste mais solennelle, Marie est alanguie sur une couche posée en curieux équilibre sur une colonne antique, protégée par un dais violine.


La visite d’Élisabeth à Marie : traditionnellement la Vierge est montrée avec les signes d'une grossesse avancée puisque, globalement, elle était enceinte de 6 ou 7 mois quand sa cousine, stérile et devant enfanter elle aussi, vint lui rendre visite. C'est Luc qui raconte l'épisode :" En ces jours-là, Marie partit et se rendit en hâte vers le haut pays, dans une ville de Juda. Elle entra chez Zacharie et salua Élisabeth. Or, dès qu'Élisabeth eut entendu la salutation de Marie, l'enfant tressaillit dans son sein et Élisabeth fut remplie du Saint Esprit. Alors elle poussa un grand cri et dit : « Tu es bénie entre les femmes, et béni le fruit de son sein ! Et comment m'est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? Car, vois-tu, dès l'instant où ta salutation a frappé mes oreilles, l'enfant a tressailli d'allégresse en mon sein. Oui, bienheureuse celle qui a cru en l'accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur ! » (Luc, 1, 39-45). L'homme qui descend l'escalier de droite est donc Zacharie, mais Marie, quant à elle, est particulièrement svelte, sans doute par pudeur.


  L'adoration des Mages


Jésus parmi les docteurs : la scène fait partie de la vie de la Vierge car c'est elle qu'on alerta pour l'avertir que son gamin faisait des siennes au milieu des doctes prêtres, et elle accourut au Temple avec Joseph pour comprendre ce qui se passait... " Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme nous avons souffert en te cherchant, ton père et moi ! " Il leur dit : " Comment se fait-il que vous m'ayez cherché ? Ne le saviez-vous pas ? C'est chez mon Père que je dois être. " Mais ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait." C'est de dialogue qui semble être reproduit dans cette scène.


La fuite en Égypte, consacré ici entièrement à Marie, Joseph, cheminant traditionnellement debout à côté de la Vierge, ne serait pas rentré dans le cartouche !



Et au centre du plafond, trois grandes toiles présentent les éléments essentiels de l'histoire de Marie : la présentation de Marie au Temple, dans la traditionnelle composition en oblique accentué et fortement ascendant, l'Assomption; où l'ange prévenant les apôtres tient plus de place que Marie elle-même et enfin, dessous, l'Annonciation.

Les détails méritent largement qu'on s'y arrête car, même si Gherardi n'est pas un peintre de tout premier plan, son style est élégant et maitrisé, sa palette séduisante et il pratique un art de la composition équilibrée qui révèle ses talents d'architecte. L'espace de chacun des écoinçons est parfaitement rempli, sans surcharge, sans vide disgracieux, et les scènes s'y déploient avec une lisibilité parfaite, pas toujours évidente dans les peintures de plafond. Une façon originale et fort passionnante de fuir quelques instants la presse de la Fontaine Trévi.


NOTES
* On ne l'aperçoit même pas sur ma photo, car elle est dans le renfoncement, juste à droite de l'immeuble jaune qu'on distingue sur la gauche de la fontaine)

**Gaspard del Bufalo est né à Rome, le 6 janvier 1786. Fils du cuisinier employé par la famille Altieri, dont le palais était voisin de l'Église du Gesù, il développa une grande dévotion pour saint François Xavier, dont l'Église du Gesù possédait une relique. Ordonné prêtre en 1808, il fonda une société de prêtres qui prit le nom de Missionnaires du Précieux-Sang. Jusqu'à sa mort, il fut, dans tout le centre de l'Italie, particulièrement dans les États pontificaux, un évangélisateur infatigable, réputé pour sa foi et son éloquence, sa dévotion pour les pauvres, et sa compassion pour les brigands. On disait de ses homélies qu'elles étaient comme un tremblement de terre spirituel.  (source)

*** Filippo Titi, dans Descrizione delle pitture, sculture e architetture esposte al pubblico in Roma de 1763

4 commentaires:

  1. je vais avoir de quoi faire à mon prochain séjour à Rome, la liste "à voir" s'allonge! Merci!

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    1. Oh mais Eimelle, la liste est sans cesse à renouveler et à rallonger, tout est tellement beau à Rome, surtout au printemps !!! ou à l'automne...

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  2. J'ai toujours aimé ces plafonds ciel dans les églises. Comme si il n'y avait pas de plafond du tout à l'église !
    Un petit bonjour de Lausanne.

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    1. Une façon d'évoquer l'élévation de l'âme par la prière !! on va direct au ciel... Bonjour des rives de l'estuaire de Gironde Béatrice

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