jeudi 8 août 2013

ROMEO ET JULIETTE ALL'IMPROVVISO


La très suggestive abbaye de Saint Jean d'Angély est, depuis de nombreuses années déjà, la cadre d'un Festival de Théâtre où nous vîmes, durant les premières éditions, de grandes choses : j'ai souvenir d'un Tartufe extraordinaire mis en scène par Ariane Mnouchkine en 1995, d'une tragédie du Roi Christophe d'Aimé Césaire mémorable en 1996 ... depuis la programmation s'est assagie (ces superbes représentations ont dû créer, dans les finances du Festival, un trou abyssal !!) et le Festival perdure, parrainé par nos collectivités territoriale, dans le cadre de Sites en Scènes.

Le site, il est vrai, est superbe : cette ancienne abbaye bénédictine, très puissante au Moyen Age, et ce, d'autant qu'elle était sur le chemin de Saint Jacques, où elle offrait à la vénération des fidèles le crâne de Saint Jean Baptiste, ne survécut pas à la Guerre de Cent Ans dont elle sortit ruinée par les flammes. Et la relique disparut aussi à l'occasion !


Reconstruite au XVIIème selon  une ordonnance classique du plus bel effet, elle a conservé de beaux restes, dont cette étonnante façade d'église ornée de deux puissantes tours, ouverte sur le ciel. Sans doute trop ambitieuse pour la ville, elle est restée inachevée.


Des bâtiments conventuels, il reste des arcades du cloître, éparpillées dans la ville, et le très élégant puits remonté sur une jolie placette ...


Et surtout, cette belle construction, couverte de hauts toits à la française. Un ensemble élégamment représentatif du classicisme hexagonal, tel qu'il fit merveille du Grand Siècle.


Nous y avons vu l'autre soir Roméo et Juliette, mis en scène par la Compagnia dell'improvviso (que fort opportunément nous n'étions pas allés voir à Avignon à La Luna). Roméo et Juliette, c'est une des pièces les plus difficiles du répertoire à réussir vraiment, car, quand elle est bien traitée, c'est à la fois drôle, émouvante, poignant, grave, en un mot du grand et beau texte. Notre dernière expérience en 2011, avec Olivier Py à La Coursive de La Rochelle, qui s'était conclue avec une retraite précipitée quoique discrète au moment de la mort de Mercutio, nous avait laissé une amertume mais aussi, une vague inquiétude. Nous l'avons vue si souvent massacrée cette pièce qu'il devient difficile d'y croire encore. A La Rochelle, c'est moins la mise en scène de Py, trop réinventée, trop percutante aussi pour entendre la douceur ineffable de la langue shakespearienne, qui nous avait fait fuir que les effets de cette dernière sur le public : des lycéens qui rigolaient grassement au moment qui aurait dû leur arracher des larmes. Quand on commet de tels contresens, auprès d'un public qui ne demande qu'à se laisser mener par la main, il y a forcément un problème : monsieur Py s'était, avec le talent qu'on lui connait, fait plaisir, certes, avec brio, avec son sens incontestable du spectaculaire, mais pour cela, il trahissait trop Shakespeare. Car ce jeune public n'allait retenir de la vision qu'il donnait de Roméo et Juliette qu'une grosse farce, avec des sentiments risibles et des personnages somme toute ridicules. Nous avons préféré jeter l'éponge.


Revenons à la Compagnia dell'improvviso : leur lecture de la pièce est nettement plus classique, quoique, format Avignon et nouvelle norme théâtrale (il ne faut pas fatiguer le public) obligent, fort écourtée. Mais sans dénaturer le propos et en gardant à l'intrigue toute sa lisibilité. La mise en scène de Luca Franceschi était, à mon sens, parfaite : inventive quoique simple, réglée au cordeau, dans un décor sommaire mais utilisé avec beaucoup de précision, on est dans l'illusion théâtrale parfaite.



La scène, sobrement pourvue de quelques accessoires, devient tour à tour, par l’énonciation des didascalies, tous les lieux de la pièce se Shakespeare (et ils sont nombreux !), et c'est très bien fait. La mise en espace de scènes simultanées, pour gagner du temps et rappeler aussi que ce drame tient à un simple problème de timing, était parfaitement réussie. Un rideau de scène, placé dans le fond à droite, et derrière lequel les acteurs changent sans cesse de costume, et ce d'autant qu'ils incarnent plusieurs personnages, était à la fois un accessoire utile et un rappel didactique de très bon aloi.



Mais, car il reste un mais, le jeu de certains acteurs n'était pas, ce soir-là (car d'autres articles en font l'éloge) très convaincant, il manquait un peu de pugnacité, de nuances, de profondeur de sentiments, et jamais on n'était ému, ce qui est dommage. J'ai vraiment apprécié Mercutio et Benvolio, j'ai aimé le jeu de Roméo, mais moins sa diction, Juliette était vraiment appliquée mais m'a semblé manquer singulièrement d'élan, Lady Capulet avait du chien et de l'énergie. Quant au rôle comique (la nounou et Paris), il était drôle au début, nettement moins ensuite... Car peut-être qu'on voulait trop nous faire rire, et d'un rire un peu répétitif. On le sait, il faut plaire et rendre facile le théâtre classique aux longues tirades indigestes, d'accord... mais la langue de Shakespeare est belle et son texte tellement poétique que c'est dommage de penser que le public est idiot et de ne lui conserver que les boutades et les facéties. Cela déséquilibre l'ensemble. Moi j'aime aussi pleurer à Roméo et Juliette et, ce soir-là (j'insiste car rien n'est plus aléatoire que l'ambiance d'un lieu) on était loin des larmes.



Tournée du spectacle fin 2013 :
Le mardi 6 août 2013 - 21h30
Festival du Château de Montaigut - Gissac (12)
Le dimanche 18 août 2013  - 22h
Festival circul'ARTS - Le Pouget (34)
Le jeudi 10 octobre 2013  - 20h45
"Le Théâtre" - Bressuire (79)
Le vendredi 11 octobre 2013  - 20h30
centre culturel - Orly (94)
Le jeudi 17 octobre 2013  - 20h30
Théâtre La Canopée - Ruffec (16)
Le vendredi 22 novembre 2013  - 20h30
centre culturel - Bagnols Sur Ceze (30)
Le samedi 30 novembre 2013  - 21h
Théâtre Alexis Peyret - Serres Castet (64)
Les 31 août 2013 - Festival d'Aniane -  21h30
Chapelle St Laurent - Aniane (34150)
Le vendredi 18 octobre 2013  - 20h30
Centre Culturel Aveyron Segala Viaur - Rieupeyroux (12)
Le vendredi 22 novembre 2013  - 14h00/ 20h30
Bagnols sur Cèze (30)


Gênée par mon voisin qui abusait du déclencheur, et même, de façon assez intempestive, du flash, j'ai fait ma mauvaise tête et je n'ai pas eu envie de sortir mon appareil (protestation silencieuse que j'ai bien été la seule à comprendre !!) j'ai donc emprunté des photos du spectacle de ci de-là, chez Zibeline, ou là je pense qu'elles viennent, en fait, du site de la troupe.

2 commentaires:

  1. Voilà bien un endroit où je n'aurais pas cru qu'il soit possible de photographier ou même souhaitable... Autant je vilipende les musées, comme tu le sais, autant, ici, devant des êtres vivants qui doivent tout de même avoir besoin de leur concentration pour ne pas perdre le fil, je suis d'accord avec toi...

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    1. Au moment des applaudissements pourquoi pas ?? mais dans tous les cas sans flash, ne serait-ce que par correction pour tout le monde. Mais bon, je n'aime pas jouer les redresseurs de tort, alors je n'ai rien dit... certes nous étions en plein air, et cela faisait moins d'effet que dans une salle mais tout de même; cela ne pouvait que gêner les acteurs, d'autant que le déclencheur faisait cliiiic claaac !!! Merci Kodak !

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