mardi 29 octobre 2013

ANDRÉ DELAUZIÈRES

André Delauzières : Autoportait à 24 ans (1928)

Un peintre méconnu et qui, pourtant, n'était pas dénué d'un certain talent. La vie fut sévère avec lui : fils de Gaston Balande, peintre saujonnais auquel j'ai consacré deux articles, le jeune homme décida de faire, lui aussi, une carrière de peintre. Vous connaissez ma passion pour les billets mettant en valeur des talents peu documentés sur internet : la découverte à la mairie de Saujon de quelques toiles (1) de ce peintre mort tout jeune, est le prétexte de cet article. Hommage à un jeune talent trop tôt disparu.


Son père étant connu, voire reconnu et renommé, André Balande ne voulait devoir son succès, qu'il espérait vivement, qu'à ses propres mérites. Il prit donc un nom d'emprunt, qu'il choisit de façon fort simple en adoptant le nom de la cabane près de Nieuil sur Mer où son père avait un atelier. La cabane de Lauzières était en effet un des refuges préférés de Gaston Balande qui y venait peindre et se reposer, accompagné forcément de sa petite famille.
C'est à Saujon, où il se remettait en 1902-1903 de l'affection pulmonaire qui lui avait valu d'être réformé de l'armée, que Gaston Balande rencontra une jeune fille native du Gua, Claire Roux, qui épousa bientôt et à laquelle il resta attaché jusqu'à la mort de cette dernière, en 1970. Un couple de longue haleine qui n'eut qu'un fils, André-Gaston-Paul, né à Paris en 1904.

L'enfant est souvent représenté par son père, à différents âge durant son enfance. Ce sont des toiles intimes et spontanées, pleines de charme et toujours originales.

Manifestant très tôt un goût pour le dessin, André décida d'en faire son métier, et il suivit les cours de Jean-Paul Laurens (2) et surtout de William Lappara, qui semble l'avoir nettement plus influencé que Laurens. Le bordelais, auquel la Galerie des Beaux Arts a consacré une exposition en 1997, affectait une touche vive, plus proche des goûts de la famille Balande et aimait les sujets exotiques qu'André développera à loisir durant ses voyages en Afrique du Nord.

Afrique du Nord, 1934 - Mairie de Saujon

Il poursuit sa formation à l'École des Beaux-Arts dans l'atelier de Lucien Simon, nomme professeur en 1923. C'est, semble-t-il, dans sa classe qu'il devient ami avec Yves Brayer en 1924. Brayer qu'il présentera à son père et que ce dernier appréciera vraiment. C'est ainsi qu'il expose dès 1926 au Salon des Indépendants. En 1934, il obtient un prix à la Coloniale des Beaux-Arts grâce auquel il peut faire un voyage à Tunis d'où il ramènera de nombreuses toiles de paysages et de scènes de genre. En 1935, ce sera le prix Bernheim de Villiers du Salon des artistes français, et en 1939, le prix de la Compagnie générale transatlantique. Ce dernier s'accompagne d'une promesse de voyage au Maroc, projet qui ne sera malheureusement pas suivi d'effet à cause de la déclaration de guerre.

La photo date de 1939, le fils très souriant a déjà sa capote militaire et son képi. Le père, à gauche, est ému, il masque sa gêne en redressant un bouton sur le col de son fils. Les deux hommes échangent un regard plein de tendresse. Gaston Balande, à son habitude, est coiffé d'un béret profondément enfoncé sur le front, ce qui donne à ce double portrait, un petit air de complicité supplémentaire.

Âgé de 35 ans, André est mobilisé. Blessé en 1940, il est soigné à l'hôpital de Mantes, et envoyé en convalescence dans sa famille. Ses parents ont fui Paris et se sont réfugiés à Lauzières, près de La Rochelle, où il vient se reposer, entouré de leurs soins et de ceux de son épouse, Denise Salomon. La blessure n'est pas grave et il semble se remettre assez vite. Pourtant, durant les mois qui suivent, son état de santé se dégrade insensiblement, il est malade et, le 23 août 1941, décède des suites de cette maladie. Il a 37 ans, et ne laisse aucune descendance, seule sa veuve, qui viendra finir ses jours à Lauzières, près de chez ses beaux-parents. C'est là qu'elle finira ses jours.

Ruines 1935 - Mairie de Saujon

André Delauzières à qui l'on prédisait volontiers une jolie carrière, a laissé quelques toiles qui ont un lien de parenté évident avec l'oeuvre de son père. Mais traitées de façon toute personnelle : son dessin est sûr, sa lumière est chaude, il déploie un art de la composition qui rappelle qu'il fut, en la matière, à excellente école. Il n'a pas la virtuosité de son père, et ses toiles manquent de cette originalité qui fait les grands artistes. Mais sa mort, à l'âge de 37 ans, a sans doute arrêté en plein envol un style qui aurait sans nul doute évolué. Ses amis Yves Brayer et Robert Humblot étaient persuadés qu'il se ferait un nom. Je vous propose pour finir une promenade dans une bastide, en commençant, une fois n'est pas coutume, par les détails !


Village 1933 - Mairie de Saujon


(1) C'est à l'occasion du legs Gaston Balande que la mairie de Saujon s'est vu attribuer quelques toiles du fils du peintre, toiles parfois fort abîmées, que le père inconsolable avait conservées dans son atelier.
(2) C'est le catalogue raisonné de Gaston Balande qui propose ce maître pour André : or, Jean-Paul Laurens est mort en 1921, alors qu'André Balande n'avait que 17 ans, il ne peut donc pas avoir suivi ses cours bien longtemps. Par contre, il semble que Gaston ait, lui, vraiment suivi les cours de Laurens. Ce peintre d'histoire au talent très particulier, s'était spécialisé dans la représentation de ces scènes héroïques reconstituées, vantant la splendeur passée de la France ou de l'Europe. Très érudit, homme de conviction politiques et laïques, il utilisait son art pour affirmer ses idéaux. Sa touche est aisée, très classique, voire hyper réaliste dans l'invention, et il s'était fait une réputation de la maîtrise de grands espaces vides qui donnaient à ses tableaux une forte puissance suggestive. Le musée d'Orsay lui a consacré, il y a une quinzaine d'année, une exposition remettant au jour ce peintre aujourd'hui décrié, trop classique, trop "officiel".
Sacahnt que les deux fils de Jean-Paul Laurens ont aussi été professeurs à l'Académie Julian, il est plus vraisemblable qu'André Delauzières ait été l'élève de l'un d'eux, Paul-Albert ou Jean-Pierre.

4 commentaires:

  1. Votre article est émouvant et rend André Delauzières sympathique. Son autoportrait me plaît. Les autres tableaux n'ont pas la même facture. Il est étonnant de constater de telles différences de travail chez le même peintre. Comment l'interpréter? Les événements de sa vie personnelle seraient-ils à l'origine de cette disparité?
    "Vous connaissez ma passion pour les billets mettant en valeur des talents peu documentés sur internet": la lecture de vos billets passionne vos lecteurs, Michelaise. Il est juste et intéressant de rendre des hommages à des artistes discrets que nous avons le plaisir de découvrir grâce à votre délicatesse et votre enthousiasme. Merci pour votre initiative que, je l'espère, vous continuerez.

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    1. Merci Anne, je crois oui que je continuerai à sévir !! C'est vraiment valorisant de parler de sujets peu médiatisés et qui, malgré ou à cause de cela, trouvent leurs lecteurs, naturellement, au fil du temps.
      Quant aux facettes du talent, j'imagine que ça va, ça vient... sans doute au gré de la motivation, des rencontres aussi, si importantes pour les peintres... C'est vrai que cet autoportrait est "la pièce maîtresse" !! Les autres toiles sont, disons-le franchement, modestes. Malheureusement rien à voir avec la "patte" de son père, et il a dû en souffrir !!

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  2. L'Académie Julian devenue l'ESAG Penninghen.
    Ah les villages basques...mais il a aussi été inspiré par l'abbaye de Sablonceaux
    Un beau souvenir

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    1. Beurk ESAG, c'est pas vraiment porteur !!! Alors que l'Académie Julian reste mythique !
      Oui, Sablonceaux, un moment d'émotion partagé.

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