Gaston Balande, autoportrait, vers 1920 - Collection privée
Source Wikimedia
Autoportrait en chasseur, 1913 - Mairie de Saujon
L'homme est superbe, et, manifestement, en est conscient !! Son air altier, sa pose nonchalante, son chapeau négligemment incliné en font un portrait d'une rare élégance ! Il aimera se représenter à tous âges, toujours aussi beau d'ailleurs !
L'enfant n'est guère attiré par l'école et, son certificat d'études en poche, il commence un apprentissage. Sa mère le rêvait cuisinier-pâtissier : elle le voyait déjà reprendre le café familial... mais cela ne l'intéresse pas. Il préfère ce qui a trait, même de loin, avec la peinture : il travaille d'abord comme apprenti peintre chez un carrossier, puis chez un peintre en bâtiment. Il finit par avoir la chance d'être embauché par un restaurateur de tableaux anciens, à Cholet. Son travail est alors remarqué par l'Abbé Couturaud, curé de Royan, lui-même ancien élève d'Harpignies (1819-1916). Le jeune homme découvre alors sa voie : en 1900, il part s'installer à Paris, s’inscrit à l'École des Arts Décoratifs, dont il réussit le concours en 1901. Il doit, pour survivre, exercer différents métiers peu rémunérés et profite de ses heures de liberté pour visiter les musées de la capitale. Après son service militaire, au cours duquel il est réformé à la suite d'une maladie pulmonaire, son mariage avec Claire Roux, il retourne à Paris où il continue à peindre. Il a enfin les moyens d'avoir son propre atelier, qu'il installe à Étaples (Pas-de-Calais), et il multiplie les peintures décrochant peu à peu divers prix. Celui de l'Institut, accompagné d'une bourse, lui permet en 1912 d'entreprendre un petit tour d'Europe : Belgique, Hollande, Italie, Espagne, dont il ramènera "l'asile de vieillards à Tolède", visible à la mairie de Saujon.
Dès lors, sa peinture devient sa vie !! Jusqu'à la fin, il meurt à 91 ans, il peint ... on parle de 4 à 5000 dessins, peintures, aquarelles... Le premier tome de son catalogue raisonné, publié par l'Association des Amais de Gaston Balande est, d'ailleurs, déjà paru et regroupe 640 œuvres authentifiées. Dont l'immense majorité sont actuellement dans des collections privées, les autres (1) se trouvant souvent en Charente-Matime, à La Rochelle, à la mairie d'Aytré, à celle de Pons mais surtout à celle de Saujon. A la fin de sa vie, Balande passait une partie de l'année à Lauzières, près de La Rochelle. Or, en 1971 un ami vint lui rendre visite pour lui faire part du problème de son atelier parisien, situé boulevard Arago : cet atelier faisait partie d'un ensemble d’ateliers d'artistes racheté par un promoteur qui voulait les détruire pour construire des immeubles d'habitation. On était dans les Trente Glorieuses triomphantes et dévastatrices !! Il fallait donc déménager ses toiles, qui ne pouvaient en aucun cas être logées dans sa cabane de Lauzières. L'ami, qui était de Saujon, suggéra à Gaston de léguer ces toiles à la mairie de la ville de son enfance, afin d'y installer un musée qui lui serait consacré. Malheureusement il mourut deux mois plus tard, avant de concrétiser ce projet : sa veuve, sa deuxième épouse, sœur de Claire Roux (2), eut à cœur de respecter cette volonté et la ville de Saujon devint ainsi propriétaire d'une collection importante de toiles du peintre (22 environ).
Mais revenons à la carrière du peintre. Durant la Guerre, il ne peut combattre car il est de santé trop fragile, il s'engage donc comme infirmier volontaire à l'hôpital de Saujon, implanté dans le château de la ville. Un portrait de poilu mort dans cet hôpital, conservé par la mairie de Saujon témoigne de son attention aux hommes et son empathie, qui s'étaient déjà exprimées dans sa toile de Tolède. Puis, en 1917, il est chargé de mission aux armées pour aller peindre sur le vif les scènes de guerre les plus frappantes.
Ses toiles, évocatrices et sobres, n'en sont pas moins émouvantes et chargées d'un message moral qui nous impressionne encore, témoins ce fort de Nieuport dévasté par les bombes, ou ce soldat qui, portant sur l'épaule une croix pour enterrer dignement les morts au combat, gravit un symbolique Golgotha... pendant qu'à l'avant des brancardiers recherchent les cadavres. Le terrain est dévasté par des trous d'obus, la progression est lente et difficile, en bas, des hommes accompagnent un convoi clairsemé. On remarque, sur la droite, une autre croix, orange, qui marque l'emplacement d'une mise en terre récente.
En 1918, a lieu sa première exposition à La Rochelle, et c'est à cette occasion qu'il trouve, près de cette ville, une petite cabane qui deviendra son pied à terre charentais, y adjoignant un atelier et l'agrandissant souvent. Désormais, il partage son temps entre son atelier parisien, situé Boulevard d'Arago, et Lauzières, près de Nieuil sur mer. Il abandonne définitivement son atelier d'Etaples en Normandie et achête même en 1920, l'ancien prieuré de Lauzières pour améliorer son installation. C'est là qu'il se liera d'amitié avec Alber Marquetl, lorsque ce dernier s'installera à La Rochelle, sur les conseils de Signac. Nommé secrétaire du Salon d'Automne, sa notoriété s’accroît, il réalise même un carton pour une tapisserie commandée par les Gobelins. En 1925, il expose à Bruxelles et est nommé chevalier de la Légion d'honneur. Il expose, en Italie, et il est nommé professeur à l'école américaine des Beaux-Arts de Fontainebleau. Il devient aussi conservateur du musée de La Rochelle (3). Comme Méheut, il peint pour décorer les transatlantiques, ou pour le Ministère de la Marine. Artiste confirmé et réputé, il reçoit de nombreuses commandes officielles, comme la décoration de l'hôtel de ville d'Anbervilliers.
Quand la guerre éclate, il est dans la région parisienne : il participe à l'exode et se réfugie à Lauzières. C'est là qu'il accompagnera les derniers instants de son fils unique, André, blessé en 1940, et décédé des suites de ses blessures pendant sa convalescence en Charente-Maritime (4).
Balande, après la guerre, se révolte contre l'évolution de la manière artistique, traitant les nouvelles tendances de "bidule" et s'insurgeant contre le fait que, selon lui, on se moque du public. Et même si'l doit subir l'infamie d'être "démodé", et de voir ses commandes officielles diminuer, il continue à peindre de façon traditionnelle, même si, c'est évident, sa manière évolue. Présentant que son art sera, après ce purgatoire, de nouveau apprécié, il met à la porte les marchands peu scrupuleux qui tentent de venir lui acheter des toile à vil prix. Et il continue à peindre : impressionné par l'évolution technique de la société, il s'intéresse aux lieux industriels. Il peint, et c'est original, des raffineries, des usines, des ateliers sidérurgiques.
Son oeuvre, lumineuse, colorée, diverse, ne néglige aucun sujet : paysages, ports, scènes de fêtes ou manifestations politiques, comme la visite du Général de Gaulle à La Rochelle en 1945, natures-mortes, bouquets, portraits et autoportraits... Finalement ce sont les scènes religieuses, comme celle admirée à l'église de Saujon, qui sont les moins courantes chez ce peintre témoin de son siècle.
(1) On peut voir des Balande au Centre Pompidou (Un beau jour d'été, 1921) ou au musée d'Orsay (Pont de Saint-Aignan, vue de la terrasse du château)
(2) L'histoire de ce remariage mérite d'être contée. Il avait épousé Claire Roux, nous l'avons, très jeune et le couple resta très uni durant toute son existence. Or, le 16 février 1970, Claire mourut, le laissant désemparé par cette nouvelle épreuve (il avait perdu son fils en 1941 et ne se remit jamais de ce deuil). Elle laissait aussi une soeur âgée, Denise, qui vivait avec eux depuis de nombreuses années, l'aidant à tenir sa maison et dans les nombreuses activités administratives qu'engendrait l'activité artistique de Gaston. Or Denise n'avait aucune ressources propres et Gaston Balande, conseillé par des amis proches, décidé de l'épouser dans le seul but de lui laisser ses biens et de réduire ainsi pour elle les droits successoraux, s'il décédait avant elle. Le mariage fut célébré le 30 avril 1970 à la mairie du XIIIème arrondissement de Paris, et vous imaginez la tête du maire lorsqu'il s'émerveilla de voir triompher l'amour aussi tard, et se vit répondre par Gaston qu'il était un veuf inconsolé !! Balande mourut un an après, le 8 avril 1971, et fut enterré à Nieuil sur Mer.
(3) musée auquel il fera acquérir, peu avant son départ, une oeuvre de Marquet !
(4) André, Gaston, Paul Balande était, lui aussi, peintre et il avait un joli coup de pinceau ! Pour ne devoir son succès qu'à son propre mérite, André avait choisi de peindre sous le pseudonyme de Delauzières.
L'Asile de vieillards à Tolède (1912) Mairie de Saujon
Un poilu, hôpital 109 Saujon (1914) Mairie de Saujon
On dirait presque un autoportrait, tant cet homme barbu ressemble au peintre.
On dirait presque un autoportrait, tant cet homme barbu ressemble au peintre.
Balande (au second plan) en mission en février 1917 sur le Front.
Ses toiles, évocatrices et sobres, n'en sont pas moins émouvantes et chargées d'un message moral qui nous impressionne encore, témoins ce fort de Nieuport dévasté par les bombes, ou ce soldat qui, portant sur l'épaule une croix pour enterrer dignement les morts au combat, gravit un symbolique Golgotha... pendant qu'à l'avant des brancardiers recherchent les cadavres. Le terrain est dévasté par des trous d'obus, la progression est lente et difficile, en bas, des hommes accompagnent un convoi clairsemé. On remarque, sur la droite, une autre croix, orange, qui marque l'emplacement d'une mise en terre récente.
En 1918, a lieu sa première exposition à La Rochelle, et c'est à cette occasion qu'il trouve, près de cette ville, une petite cabane qui deviendra son pied à terre charentais, y adjoignant un atelier et l'agrandissant souvent. Désormais, il partage son temps entre son atelier parisien, situé Boulevard d'Arago, et Lauzières, près de Nieuil sur mer. Il abandonne définitivement son atelier d'Etaples en Normandie et achête même en 1920, l'ancien prieuré de Lauzières pour améliorer son installation. C'est là qu'il se liera d'amitié avec Alber Marquetl, lorsque ce dernier s'installera à La Rochelle, sur les conseils de Signac. Nommé secrétaire du Salon d'Automne, sa notoriété s’accroît, il réalise même un carton pour une tapisserie commandée par les Gobelins. En 1925, il expose à Bruxelles et est nommé chevalier de la Légion d'honneur. Il expose, en Italie, et il est nommé professeur à l'école américaine des Beaux-Arts de Fontainebleau. Il devient aussi conservateur du musée de La Rochelle (3). Comme Méheut, il peint pour décorer les transatlantiques, ou pour le Ministère de la Marine. Artiste confirmé et réputé, il reçoit de nombreuses commandes officielles, comme la décoration de l'hôtel de ville d'Anbervilliers.
Quand la guerre éclate, il est dans la région parisienne : il participe à l'exode et se réfugie à Lauzières. C'est là qu'il accompagnera les derniers instants de son fils unique, André, blessé en 1940, et décédé des suites de ses blessures pendant sa convalescence en Charente-Maritime (4).
Raffinerie de pétrole du Hâvre, 1960 - Mairie de Saujon
Balande, après la guerre, se révolte contre l'évolution de la manière artistique, traitant les nouvelles tendances de "bidule" et s'insurgeant contre le fait que, selon lui, on se moque du public. Et même si'l doit subir l'infamie d'être "démodé", et de voir ses commandes officielles diminuer, il continue à peindre de façon traditionnelle, même si, c'est évident, sa manière évolue. Présentant que son art sera, après ce purgatoire, de nouveau apprécié, il met à la porte les marchands peu scrupuleux qui tentent de venir lui acheter des toile à vil prix. Et il continue à peindre : impressionné par l'évolution technique de la société, il s'intéresse aux lieux industriels. Il peint, et c'est original, des raffineries, des usines, des ateliers sidérurgiques.
La visite du Général de Gaulle à La Rochelle en 1945 - Marie de Saujon
avec au premier plan les portraits des personnage présents lors de cette visite, qu'un spécialiste rochelais pourrait identifier sans difficulté !
Son oeuvre, lumineuse, colorée, diverse, ne néglige aucun sujet : paysages, ports, scènes de fêtes ou manifestations politiques, comme la visite du Général de Gaulle à La Rochelle en 1945, natures-mortes, bouquets, portraits et autoportraits... Finalement ce sont les scènes religieuses, comme celle admirée à l'église de Saujon, qui sont les moins courantes chez ce peintre témoin de son siècle.
La fusion de l'acier à Knutange, 1956 - Mairie de Saujon
(1) On peut voir des Balande au Centre Pompidou (Un beau jour d'été, 1921) ou au musée d'Orsay (Pont de Saint-Aignan, vue de la terrasse du château)
(2) L'histoire de ce remariage mérite d'être contée. Il avait épousé Claire Roux, nous l'avons, très jeune et le couple resta très uni durant toute son existence. Or, le 16 février 1970, Claire mourut, le laissant désemparé par cette nouvelle épreuve (il avait perdu son fils en 1941 et ne se remit jamais de ce deuil). Elle laissait aussi une soeur âgée, Denise, qui vivait avec eux depuis de nombreuses années, l'aidant à tenir sa maison et dans les nombreuses activités administratives qu'engendrait l'activité artistique de Gaston. Or Denise n'avait aucune ressources propres et Gaston Balande, conseillé par des amis proches, décidé de l'épouser dans le seul but de lui laisser ses biens et de réduire ainsi pour elle les droits successoraux, s'il décédait avant elle. Le mariage fut célébré le 30 avril 1970 à la mairie du XIIIème arrondissement de Paris, et vous imaginez la tête du maire lorsqu'il s'émerveilla de voir triompher l'amour aussi tard, et se vit répondre par Gaston qu'il était un veuf inconsolé !! Balande mourut un an après, le 8 avril 1971, et fut enterré à Nieuil sur Mer.
(3) musée auquel il fera acquérir, peu avant son départ, une oeuvre de Marquet !
(4) André, Gaston, Paul Balande était, lui aussi, peintre et il avait un joli coup de pinceau ! Pour ne devoir son succès qu'à son propre mérite, André avait choisi de peindre sous le pseudonyme de Delauzières.
Pourtant intéressé par l'histoire de l'art, je ne connaissais pas Gaston Balande, qui semble pourtant un peintre emblématique de l'histoire picturale française. Curieux que cet artiste n'ait pas reçu plus d'hommages et n'ait pu accéder à une plus grande notoriété. Sans doute parce que le peintre ne participait à aucun mouvement artistique, comme par exemple les surréalistes à cette époque. Cette indépendance transparaît d'ailleurs par la diversité de ses oeuvres. Impossible de classer ces oeuvres dans un style artistique précis.
RépondreSupprimerOui vraiment indépendant et ne se réclamant d'aucune école ou coterie !! ce qui fait son charme
SupprimerIl semble avoir connu une certaine estime de son vivant et a pu vivre de son art dignement, ce qui est déjà pas mal n'est-ce pas ??
Ravie de votre commentaire !! J'avoue quant à moi, alors que j'habite à côté de Saujon depuis 35 ans l'avoir découvert vraiment par hasard, en admirant cette peinture qui m'a parue fort "bonne", et du coup, j'ai appris que la ville de Saujon avait pas mal de toiles de lui !! J'ai acheté le premier tome de son catalogue raisonné et me suis "régalée" à regarder ses toiles. Il s'en vend parfois en ventes publiques et il a une cote respectable.
Merci de nous permettre de découvrir ces images lumineuses, Puissent-elles nous aider tous à nous désencombrer de tant d'obscurité, renouant ainsi avec la fonction essentielle de l'art
RépondreSupprimerOn se dit alors que les artistes sont bienheureux de rendre la lumière ?? Encore que, l'art est parfois, surtout l'art contemporain, terriblement désespéré... mais c'est sans doute une question d'époque et d'air du temps
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