Esprit du Piano fête cette année son 4ème anniversaire et, cela se pratique de plus en plus couramment, s'est pour la première fois délocalisé en Chine en mai dernier, pour sa première édition étrangère. Le programme en est, comme toujours, ambitieux, mêlant artistes consacrés et jeunes talents, teinté d'un zeste de provocation avec l'invitation d'Abd Al Malik, pour une création mondiale : Pulsation et Résonances des Blocs : "le recueil de poèmes imaginaires d’une jeunesse française que je souhaiterais vous lire d’une seule traite, accompagné d’un piano seul. Comme une existence qui se vivrait et se raconterait simultanément".
Parmi les grands événements de cette mouture, la venue de la grande Leonskaja était incontournable. Elle se produit en de très rares occasions et Alter rêvait vraiment d'aller l'entendre, d'autant que son programme qualifié de "programme-portrait" décrit à merveille son univers pianistique. Après les Valses nobles et sentimentales de Ravel qui, nous dit-on, rendent explicitement hommage à Schubert dont la sonate D959 constituait le point d'orgue de cette soirée, une pièce d'Enesco, pas forcément folichonne mais rappelant fort à propos qu'elle commença sa carrière en remportant le prix Enesco et trois préludes de Debussy : un univers savant et superbe, étalé sur une petite centaine d'années, et insistant sur les liens secrets qui tissent une toile diaprée entre les compositeurs.
Parmi les grands événements de cette mouture, la venue de la grande Leonskaja était incontournable. Elle se produit en de très rares occasions et Alter rêvait vraiment d'aller l'entendre, d'autant que son programme qualifié de "programme-portrait" décrit à merveille son univers pianistique. Après les Valses nobles et sentimentales de Ravel qui, nous dit-on, rendent explicitement hommage à Schubert dont la sonate D959 constituait le point d'orgue de cette soirée, une pièce d'Enesco, pas forcément folichonne mais rappelant fort à propos qu'elle commença sa carrière en remportant le prix Enesco et trois préludes de Debussy : un univers savant et superbe, étalé sur une petite centaine d'années, et insistant sur les liens secrets qui tissent une toile diaprée entre les compositeurs.
Madame Leonskaja n'a plus rien à démontrer, elle peut donc laisser les démonstrations tonitruantes de virtuosité à d'autres et, simplement, jouer pour nous avec une passion, une intelligence et une sensibilité toutes dévouées à la partition. Elle fait jaillir du piano des mélodies d'un lyrisme absolu, déclinant pour nous une palette de sonorités entièrement réinventée. C'est subtil, immensément élégant, et d'une clarté parfaite. A la fin du concert on se demande bien pourquoi on a décidé de rester pour le concert du lendemain, c'est risqué de se prendre un vol plané fort décevant. Quand on entendu Madame Leonskaja, on se dit qu'il va être difficile d'entendre autre chose.
Mais c'est sans compter sur la personnalité de chacun et le concert du lendemain, l'intégrale du Clavier bien tempéré par Pietro de Maria, est un autre moment unique, magique, irremplaçable, quoique fort différent. L'étonnement commence avec la sonorité du piano :
- Qu'est-ce qu'il a fabriqué sur le piano Gérard, à ton avis ?? Tu crois qu'il a fait comme pour le concert d'Alexandre Tharaud à l'île de Ré ??
Le responsable du clavier, consulté, s'émerveille qu'on ait entendu sa modification (c'est bien la moindre des choses : il y a passé 2h30 le matin même, et va devoir refaire un accord à peu près aussi long pour rendre le piano "romantique" pour le lendemain) et part dans une explication technique savante (il croit que, parce qu'on a entendu la différence, on va comprendre) à base de hertz, de commas et autres schismas auxquels je n'entrave goutte malgré mon air passionné. L'idée est qu'il a fabriqué pour Pietro de Maria un "clavier absolument tempéré", parfaitement égal, et, de ce fait, très légèrement resserré par rapport au clavier de la veille, plus "séduisant", plus ouvert.
Le résultat est un Bach d'une lisibilité époustouflante, servi par un pianiste lumineux. Immensément concentré : l'attitude des pianistes avant le début du concert est, à cet égard, très amusante à observer. Autant Madame Leonskaja fonce sur le piano, s’installe avec fermeté et attaque avec une vigueur gourmande et déterminée (on l'a surnommé "la Lionne du clavier" et elle en a l'énergie, sans l'once d'une hésitation), autant le jeune vénitien a besoin de tout un rituel pour "entrer en musique". Il a demandé le "noir salle" (hier, nous étions en pleine lumière et cela ne gênait en rien l'artiste), il monte et descend son tabouret, caresse son clavier, réfléchit longuement, les mains calmement posées sur les touches avant de se lancer. Et là, il vous joue Bach de telle façon qu'on a l'impression que cette musique est régénérante : comme une musique des origines, comme si l'avenir s'annonçait désormais limpide et radieux. Quand on entend Bach joué de cette façon, on a l'impression que tout devient possible, que le monde vous appartient : c'est évident, accompli et parfait. Quelque chose qui ressemble à du bonheur à l'état pur.
Le résultat est un Bach d'une lisibilité époustouflante, servi par un pianiste lumineux. Immensément concentré : l'attitude des pianistes avant le début du concert est, à cet égard, très amusante à observer. Autant Madame Leonskaja fonce sur le piano, s’installe avec fermeté et attaque avec une vigueur gourmande et déterminée (on l'a surnommé "la Lionne du clavier" et elle en a l'énergie, sans l'once d'une hésitation), autant le jeune vénitien a besoin de tout un rituel pour "entrer en musique". Il a demandé le "noir salle" (hier, nous étions en pleine lumière et cela ne gênait en rien l'artiste), il monte et descend son tabouret, caresse son clavier, réfléchit longuement, les mains calmement posées sur les touches avant de se lancer. Et là, il vous joue Bach de telle façon qu'on a l'impression que cette musique est régénérante : comme une musique des origines, comme si l'avenir s'annonçait désormais limpide et radieux. Quand on entend Bach joué de cette façon, on a l'impression que tout devient possible, que le monde vous appartient : c'est évident, accompli et parfait. Quelque chose qui ressemble à du bonheur à l'état pur.
Chère Michelaise demandons donc à ce jeune vénitien d'aller parcourir le monde désespéré avec Bach en bandoulière, le miracle aura peut-être lieu, tout deviendra possible et nous aurons du bonheur pur :-))
RépondreSupprimerBises du matin un peu gris...
Etonnante cette interprétation de Bach, elle m'a donné l'impression qu'un miracle pouvait avoir lieu, en effet ... bonne journée Danielle
SupprimerCe serait intéressant que vous fassiez, un jour, parler l'accordeur de ces (ses) accords particuliers selon la littérature interprétée. Vous m'avez intrigué avec vos notions de 'très légèrement resserré' par rapport à celui de la veille 'plus séduisant, plus ouvert' ; vous ouvrez plus de questions que vous n'apportez de réponses en disant tout cela. Maintenant, que l’œuvre de Bach soit une preuve de l'existence de Dieu (avec grand 'D' ou petit 'd' selon ses options philosophiques...) feriez-vous une découverte tardive, chère Michelaise ? Intéressant ce genre de festival, mêlant valeurs sûres et jeunes valeurs. Il y a vraiment de bonnes nouvelles parmi les interprètes de la jeune génération ; plus loin des 'stars' mais de grandes étoiles plus proches de leur public. Je comprends que pour vous remettre de vos émotions intenses vous ayez dû regarder du côté d'un filet de bœuf 'alla' Wellington et de ses richesses gastronomiques.
RépondreSupprimerGris, triste et pluvieux sous nos cieux, on vous souhaite de vivre avec la lumière de ces grandes étoiles encore quelques temps.
Bach peut, surtout en concert, surtout le Clavier Bien Tempéré, ne pas être toujours très bien interprété : là, justement, il était "comme il fallait", spirituel, limpide, évident. Quant aux gourmandises bien terrestres qui ont, en effet, suivi ce concert épuré, elles étaient vous l'avez compris, comme un point d'orgue à une soirée réussie !
SupprimerQuant aux propos de Gérard, je vous avoue avoir entendu quelque chose de différent sur le piano, avoir écouté avec un grand sourire et tenté de rapporter ses propos le plus simplement possible : en gros, l'échelle chromatique est composée de 12 demis tons de taille PRESQUE équivalente...alors que dans la gamme tempérée qu'a accordée Gérard pour DI Maria les demis tons étaient absolument identiques : si j'ai bien compris sur une gamme cela devait fait un comma de moins ... je vais alerter Gérard afin que, s'il en trouve le temps, il vous laisse un commentaire plus pro !!!
Je ne sais si je vais réussir à expliquer ou plutôt "expliciter" tout d'abord le but recherché, les circonstances dans lesquelles j'ai réalisé cet accord, la procédure suivie pour ce faire, et le résultat pour l'accordeur, pour le pianiste et enfin pour les auditeurs...
RépondreSupprimerDevant aller enterrer un ami ce jour, je n'ai pas le coeur à répondre tout de suite, mais reviens vers vous au plus vite et avec grand plaisir ...
Je voulais dire à Michelaise, qu'elle ne vous impose pas un pensum qui vous prenne trop de temps. J'ai compris, selon son texte, que pour la partie Bach vous étiez revenu à un tempérament 'égal' au sens strict ; ce que je comprends puisqu'il me semble que le Clavier bien Tempéré soit écrit dans les douze tonalités de la gamme et que par conséquent elles doivent être toutes exploitables musicalement. Ce que des tempéraments plus anciens (mésotonique et autres Werkmeister) ne permettent pas de par la présence de la fameuse quinte 'du loup'. Ce que je ne savais pas c'est qu'il semble exister des tempéraments 'égaux' modifiés qui sont utilisés pour certaines parties du répertoire plus contemporain et sur quoi se basent les pianistes pour demander telle modification plutôt que telle autre. Mais je conçois que c'est une grande question à laquelle je ne vous demande pas de répondre ! C'est vraiment trop vaste.
RépondreSupprimerMerci d'avoir pris la peine de répondre et pensez à la musique dans la triste circonstance que vous mentionnez.
Cher Michel !! vous êtes drôlement plus pointu que moi, au moins Gérard n'utilisera pas son clavier en vain quand il vous répondre.
SupprimerMerci Gérard de ton mot, Michel mérite qu'on éclaire sa lanterne, déjà bien lumineuse !!!