Il est de bon ton, mode aidant, d'apprécier particulièrement aujourd'hui les oeuvres de jeunesse de Zurbarán, caractérisées par un éclairage dramatique et un naturalisme dans lesquels on aime à déceler l'influence du Caravage, mais l'exposition couvre l'ensemble de sa carrière, pour terminer par ses dernières toiles, plus poétiques et personnelles. Nous l'avons vu, l’oeuvre de Zurbarán aborde principalement des sujets religieux, tableaux représentant la vie de saints, de martyrs et de moines, que les églises et les ordres religieux lui ont commandés tout au long de sa vie. Très influencé par la pensée catholique et la Contre-Réforme, il s'est mis au service de commanditaires qui voulaient en diffuser l'esprit, suivant leur doctrine et leurs exigences iconographiques, tout en développant, d’un point de vue stylistique, un langage visuel très personnel. Ses tableaux, caractérisés par une grande quiétude, surprennent par leur intemporalité, et, aiment à dire les critiques, comme s'il s'agissait là d'une qualité étonnante, leur modernité.
L’exposition suit un parcours thématique et chronologique qui n'est peut-être pas d'une grande originalité mais a le mérite de présenter le peintre de façon très claire et passe en revue les principales caractéristiques de son oeuvre peint.
SALLE 1 - Premiers travaux sévillans
Adolescent, Zurbaran s’installe
à Séville, où il forge sa carrière et affirme son style. Il y développe
les grands cycles de peintures que
lui commandent les principaux ordres religieux
implantés dans la ville, déployant une activité impressionnante
pour répondre à des commandes
qui ne cessent de se multiplier.
La première des ces grandes commandes est destinée au couvent dominicain
Saint-Paul (San Pablo el Real) pour lequel il s'engage à réaliser vingt-et-une peintures
qui ont pour thème la vie de
saint Dominique et de différents pères
et docteurs de l’Église. Il est très bon marché, stratégie qui lui permit dans doute d'accéder au marché sévillan plus facilement. L'exposition présente, de ce cycle, la
Guérison miraculeuse du bienheureux Réginald
d’Orléans et Saint Dominique à Soriano, ainsi que trois
pères de l’Église parmi lesquels figure le
Saint Grégoire et un Christ en croix, d'une présence impressionnante.
Professeur de droit canonique aux universités de Paris et de Bologne, il est réputé pour avoir reçu l'habit de l'Ordre dominicain des mains de la Vierge Marie. Prédicateur efficace, il attira de nombreux frères à la suite de saint Dominique. C'est après avoir rencontré ce dernier, et reconnissant d'avoir été guéri miraculeusement grâce à une intervention de la Vierge, que ce chanoine d'Orléans, né en 1180, décida à 40 ans de rentrer dans les ordres. La scène de sa guérison, doucement éclairée par une lumière céleste, s'orne d'une délicate nature morte dont le sujet, cher à Zurbarán, reprend la tasse posée sur une assiette d'étain où repose une rose épanouie.
Apparition de saint Pierre crucifié à saint Nolasque, Madrid, Museo Nacional del Prado.
SALLE 2 - La commande du couvent de la Merci chaussée
Le succès de ces premières oeuvres conduit, en 1628, à la signature du contrat portant sur la deuxième des grandes commandes de Zurbarán, émanant du couvent de la Merci chaussée, toujours à Séville, commande qui le consacrera définitivement aux yeux des commanditaires. Il s'agir d'un cycle illustrant des scènes de la vie de saint Pierre Nolasque, fondateur de l’ordre mercédaire, qui fût d'ailleurs canonisé peu de temps après. L'exposition présente l’Apparition de la Vierge à saint Pierre Nolasque, La Vision de saint Pierre Nolasque et La Présentation du relief de la Vierge d’El Puig à Jacques Ier d’Aragon. Alors que très souvent les commandes étaient exécutées dans l’atelier du peintre, situé dans sa propre demeure, pour celle de 1628 le contrat stipulait que le peintre devrait s’installer dans le couvent avec ses assistants, le temps de l’exécution du cycle.
Francisco de Zurbarán, La vision de Saint Pierre Nolasque, Madrid, Museo Nacional del Prado.
Pierre Nolasque était le fils d'un chevalier normand, né en 1189 près de Carcasonne. D'origine noble, sa grand-mère aurait même été une fille illégitime du roi Henri Ier d'Angleterre, il suivit Simon de Montfort, général de la croisade contre les Albigeois. C'est, alors qu'il était en Espagne qu'il eut une vision de la Vierge, dans la nuit du 1er au 2 août 1218, qui lui recommanda de fonder un ordre. Ce qu'il fit, avec saint Raymond de Penyafort, créant l'Ordre de Notre-Dame de la Merci, pour le rachat des captifs chrétiens, en particulier des chrétiens capturés par les pirates barbaresques pour les revendre comme esclaves en Afrique. En plus des trois vœux habituels de pauvreté de chasteté et d'obéissance, les membres de cet ordre, surtout présents en Espagne, s'engageaient, par un quatrième vœu, à demeurer comme otages si cela était nécessaire pour la délivrance de leurs frères chrétiens, quand ils n'avaient pas l'argent nécessaire pour les racheter. La toile qui conte cette vision montre le saint dormant près d’un livre ouvert posé sur une table à la perspective très relevée. Près de lui, un ange habillé d'un camïeu délicat rose et de bleu tend le bras vers des nuées qui s’ouvrent sur la Jérusalem céleste. La scène, illuminée d'une lumière intense provenant de la gauche, est à la fois instable, le saint est comme projeté vers l'avant par ce songe grave, et sereine : l'harmonie des blancs lumineux de l'habit du saint et les tissus chatoyants aux teintes pastel de la robe du saint la baigne dans une ambiance onirique très douce. Il semble que le moment représenté ne soit pas celui de la vision qui entraîan la création de l'Ordre mais un songe réconfortant : le saint, accablé par les difficultés qui marquèrent les premiers temps l'Ordre
L'apparition de Saint Pierre crucifié à Saint Pierre de Nolasque est un chef d'oeuvre de composition, avec son oblique hardiment insolite, et la gradation savante de ses blancs, chair de Saint Pierre, le périzonium qui le couvre, puis, éblouissant, le blanc plus doré de la robe de Nolasque qui concentre toute la lumière dans une profusion de plissés somptueux.
SALLE 3 - Visions et extases
Un nombre important d’œuvres de Zurbarán témoigne d'une spiritualité exaltée par la littérature mystique espagnole du XVIe siècle – dont sainte Thérèse d’Ávila et saint Jean de la Croix sont les représentants les plus célèbres – qui relate l'émerveillement de la rencontre spirituelle avec Dieu. Ses œuvres illustrent le moment où le sujet est touché par la grâce divine, que ce soit dans un moment d’extase, par la vision de la cour céleste ou par une sainte inspiration qui lui permet de rédiger des écrits sous la conduite de l’Esprit Saint. Le propos de ces peintures, nullement destinées à être admirées, est d'exalter la personnalité d'un saint mais aussi, et surtout, d'inviter à l'imiter dans la recherche de l'inspiration divine.
Au bout de l'enfilade des trois premières salles, le prodigieux Saint-François de 2 mètres de haut accueille le visiteur subjugué. Visage baissé, capuche dressée sur le crâne, il tient au creux de ses mains jointes, un crâne qui semble lui faire face. On le voyait dès l'entrée, surgissant de la pénombre, captant tous les regards, avec une sorte d’attraction magnétique incontournable. La réussite de l'oeuvre tient à la conjugaison impressionnante de sa composition d'une sobriété totale et de son chromatisme, brun et terreux, et pourtant d'une luminosité toute en vibrations contenues. De cette silhouette sculpturale, creusée des plis nets et fermes de la bure, concentrée dans une réflexion palpable, émane un mysticisme porteur d'un message fort.
Voir aussi :
La plupart des reproductions de ces articles proviennent de Wikipaintaing ou du site de l'exposition Zurbarán de Ferrare
Autres sources d'inspiration ! Tetramorphe, Chez Sentinelle, Rivage de Bohême, et l'encyclopédie Larousse.
Ouvrages utilisés pour les données historiques et biographiques : Zurbarán par Paul Guimard aux Editions du temps et le catalogue de l'exposition Bozar.
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